A Shanghai, la Chine s’est éveillée

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En moins de vingt ans, Shanghai a imposé sa loi à toute la Chine. En dressant une forêt de gratte-ciel, en jouant le futur plutôt que les nostalgies d’empire, la mégapole (18 millions d’habitants, 4 de plus qu’à Pékin) est devenue le guide lumineux du milliard et quelques de Chinois qui sont bien décidés à conquérir le troisième millénaire.

A Shanghai, la Chine s’est éveillée
A Shanghai, la Chine tient son phare, sa gloire, son idéal. Oubliés l’austérité administrative qui règne à Pékin, les accents paysans qui traînent à Canton et l’ambiance industrieuse qui plombe le ciel d’une bonne centaine de villes aux noms parfaitement inconnus au-delà des frontières chinoises. Il est vrai que cette Sudiste a toujours aimé le faste, la frime, l’exubérance, la différence. Gagné. Au début du siècle dernier, celle qui fait le décor du Lotus Bleu (Hergé) n’est qu’un modeste village de pêcheurs posé sur les rives de la rivière Huangpu. Puis elle devient possession étrangère, ouverte à tous les trafics, avant de s’imposer comme le plus grand tripot d’Asie dont les salles enfumées d’opium jouxtent mille bordels. Et la voici quartier général de la Bande des Quatre à l’heure de la Révolution culturelle, avant de jeter faucille et marteau pour adopter la loi du marché. Mais à la chinoise : travail sans compter, morale de tueur et silence dans les rangs.
A Shanghai, la Chine s’est éveillée
Ces dix dernières années, on estime à 3 000 le nombre de gratte-ciel qui y ont poussé, sans que les chantiers semblent devoir s’arrêter. La nuit, le spectacle est impressionnant, surtout quand on a la chance de l’admirer depuis les postes d’observation posés au flanc de la tour de la télévision : immense tapis de néons où la vie court sans relâche. Pour acheter, produire, vendre, échanger. Un tourbillon d’affaires menées par des experts au regard impassible qui ont 5 000 ans de savoir-faire marchand.
Mais le plus spectaculaire est la manière dont Shanghai s’est aussi emparée des habits de la fête et du monde nouveau. Si les usines et ateliers cachent le petit peuple, les avenues exhibent les étoiles de la réussite. Cabriolets italiens ou 4X4 rutilants, jeunes femmes habillées comme des mannequins, hommes d’affaires pressés qui jonglent avec leurs téléphones mobiles, restaurants où champagne et cognac (l’élixir adoré des Chinois) sont de rigueur, soirées de milliardaires et bouges canailles qui réconcilient avec tous les frissons de l’aventure chinoise. Bref, Shanghai est devenue l’étoile que la Chine attendait. Affaires, mode, tendances, innovations…, rien ne lui échappe. Avec elle, le nouvel empire est en ordre de marche.

Marc de la Vaissière
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A faire, à ne pas faire…

  • Ne jamais toucher ses interlocuteurs. Dans la tradition chinoise, on se salue à distance. La poignée de mains est d’un usage accepté, mais jamais exigé.
  • Ponctualité obligatoire lors des rendez-vous. Il est même de bon ton d’arriver 5 minutes en avance, c’est une marque de respect.
  • Ne jamais sous-estimer un partenaire chinois. Depuis des millénaires, il est rompu aux techniques de vente ou d’échange, et à celles qui permettent de faire de bonnes affaires.
  • Le monde chinois des affaires est pyramidal. Les premiers contacts sont souvent laissés aux secondes mains. Ensuite, patience pour gravir les échelons un à un et rencontrer enfin les décideurs. Invariablement, les négociations sont longues, très longues. Certains habitués du pays aiment dire qu’elles commencent véritablement lorsque le contrat est signé…
  • Pour se déplacer en ville, louer une voiture avec chauffeur chinois. Ou bien le taxi mais se faire écrire sa destination en chinois est recommandé.
  • Inviter ses partenaires à dîner. Champagne et cognac bienvenus.
  • Corruption ? Pas toujours au sens occidental du terme. Mais cadeaux de marque obligés pour montrer la considération qu’on porte à ses interlocuteurs.
  • Respecter les convictions chinoises venues du fin fond des âges. Il ne faut pas placer son bureau n’importe où dans la pièce, l’aquarium et les poissons rouges portent bonheur (d’où les bassins à carpes dans nombre de restaurants), tout comme l’oranger d’intérieur.
A VOIR SI VOUS AVEZ….

Une heure
Filez vers l’ancienne concession française. Comme votre séjour vous a contraint au bain de foule et aux buildings climatisés, voici un plongeon inespéré au sein de la Chine telle qu’on la rêve encore… Ruelles étroites aux pavés inégaux sur lesquelles circulent des vélos, échoppes charmantes, épiceries réjouissantes, ateliers d’artistes, pagodes à jardinet soignés. Avec un peu de chance, vous croiserez même un papi en vareuse à col Mao.

Une journée
Ajoutez l’inévitable promenade sur le Bund, splendide avenue rectiligne, bordée d’immeubles à l’ancienne. Les nombreuses boutiques et les grands magasins attirent une foule considérable. Idéal pour comprendre que Shanghai est vraiment très peuplée…Même sentiment sur la rue Nankin, autre artère reine du shopping made in China. Ajouter le Musée de Shanghai, unique au monde pour sa collection de bronzes. Certains ont été fondus il y a 5000 ans. Enfin, pour conjuguer art classique et cadre d’avant-garde, conclure à l’opéra, une œuvre ultramoderne signée de l’architecte français Jean-Marie Charpentier. Il est également possible de filer vers le quartier de Xintiandi, le plus branché du moment, histoire de trouver restaurants à la mode (hors de prix) et bars comme à Miami.

Un week-end
A ce qui précède, ajouter l’exploration du vieux Shanghai, tout proche du Bund. Dans ce quartier d’un autre temps qui peine à survivre, se trouvent de bien jolies ruelles, des jardins enchanteurs et même un marché aux puces qui recèle mille trésors. Et autant de souvenirs de pacotille. Et puis, pour jouer le contraste total, gagner Pudong, sur la rive droite de la rivière. C’est Shanghai version Manhattan. Des centaines de gratte-ciel ont poussé ici en quinze ans à peine. Le plus haut de tous, la tour Perle d’Orient, porte l’émetteur de la télévision 468 mètres au-dessus du sol. Observatoires ouverts au public, dont un à 350 mètres. Autre gloire locale, la tour Jinmao (420 mètres « seulement ») et ses 88 étages (le 8 est chiffre sacré en Chine) dont une trentaine occupés par l’hôtel Hyatt qui certains jours invite à dormir au-dessus des nuages bas... Enfin, ne pas manquer une excursion tranquille sur la rivière Huangpu. Elle permet de naviguer entre les deux visages de la ville, celui des années folles et celui de demain.
Pratique

Y aller Air France (3654 et www.airfrance.fr et Air China (01.42.66.16.58 et www.airchina.com desservent au quotidien et directement Shanghai au départ de Paris. Le vol dure environ 11 heures.

Décalage horaire Quand il est midi en France, il est 18 heures à Shanghai en été et 19 heures en hiver.

Formalités Passeport exigé. Visa obligatoire à demander auprès du consulat de Chine, 9, rue Victor Cresson 92130-Issy-les-Moulineaux (01.47.36.02.58). Compter une dizaine de jours pour l’obtenir.

Argent La devise chinoise est le yuan. Environ 10 yuans pour 1 euro.

Se renseigner Office du tourisme de Chine 15, rue de Berri 75008-Paris (01.56.59.10.10 et www.cnta.com.