Après la politique voyages, la politique du risque s’impose

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Il ne suffit pas de mettre en garde les voyageurs pour se sentir dégagé de toute obligation vis-à-vis des salariés qui se déplacent. Mais les attentats de Bruxelles rappellent brutalement qu’il n’y a plus de sanctuaire dans le monde. Là où se font les affaires, le risque reste présent. Etablir une politique sécuritaire devient un enjeu majeur pour les entreprises.

Attention au piège du tout sécuritaire. Il y a plus d’accidents chaque année entre les vélos et des piétons à Londres qu’en cas d’attaques terroristes. Et cette simple affirmation, évoquée par Scotland Yard, pose le vrai problème : quels sont les risques réels encourus par les voyageurs d’affaires ? Au-delà des accidents de la vie, l’équilibre entre la réalité du quotidien et les risques exceptionnels est difficile à trouver même si, au final, l’entreprise est responsable de ses salariés.

C’est cette approche qui a conduit Walmart à établir une carte du risque que ce soit aux USA ou ailleurs dans le monde. Cette carte a le mérite de recenser les zones à risques que ce soit en matière de délinquance, de terrorisme voire de tout autre danger comme les enlèvements en Amérique du sud ou en Asie, les arnaques à l’intoxication alimentaire ou aux empoisonnements, le vol de données. Bref, l’entreprise sait que le risque existe, ne souhaite pas effrayer ses salariés mais donne tous les ans une liste assez complète des dangers qui guettent le voyageur d’affaires. De cette initiative est née une application pour smartphone dont le point fort est de vibrer quand le voyageur entre dans une zone rouge, qualifiée d’hostile.

Tout cela est expérimental et n’est pas accessible à Monsieur tout le monde. D’où l’idée développée par Monsanto d’établir une politique du risque, intelligente et réfléchie, qui permet de déterminer le niveau du risque encouru au moment même où l’on achète son voyage sur le SBT. On connait ainsi, sur une échelle de 10, la valeur du pays visité en matière de danger. Mieux, pour certaines destinations s’ajoutent les coûts d’une escorte sécuritaire.
Tout cela n’est-il pas exagéré ? Non, disent les responsables du projet. Mais nous parlons ici d’une multinationale présente sur les 5 continents. Qu’en est-il d’une PME prête à tout pour conquérir de nouveaux marchés ? Le cas est différent.

Pierre Dac disait avec humour que "la peur a un prix !" On a pu le constater lors des attaques terroristes en Egypte au moment où une croisière sur le Nil se vendait 199 €. Les bateaux étaient pleins. Doit-on considérer qu’un bon salaire doit faire oublier le danger ? Certainement pas, ce serait dangereux. Mais on sait qu’une bonne préparation peut gommer la part de risque inutile. Cette veille géopolitique devient indispensable. Que ce soit via les sites des ministères en charge des affaires étrangères, via la presse ou tout autre système d’information. Mieux vaut crier au loup que de se trouver au milieu d’un pays en proie à une guerre civile.

Mais au-delà des grands conseils génériques, on voit arriver sur le marché des stages d’apprentissage d’une sécurité minimum. Comment observer l’environnement immédiat ? Comment repérer un comportement suspect ? Comment se positionner dans un restaurant ? Comment réagir face à un bruit suspect ? Comment reconnaître le bruit d’un fusil que l’on arme ?… Bref des centaines de petits conseils qui peuvent sauver la vie du voyageur d’affaires. D’ailleurs, l’un des survivants de l’attaque de Grand Bassam, en Côte d’Ivoire, a raconté à la télévision qu’il avait suivi un stage qui lui avait permis de s’échapper de la zone à risque avant même le premier coup de feu. Pourquoi ? En repérant la démarche des assaillants qui avaient caché les kalachnikovs sous des blouses trop amples.

Voilà donc les premières pistes d’une politique du risque. Sont-elles exagérées ? Certains jugeront que pour faire un Paris/Genève tout cela est surdimensionné. Mais en étant averti ou préparé, le risque diminue. C’est sans doute ce qu’il faut retenir de ces exemples.

Pierre Barre