EVP 2019 : le manque d’écoute des feedbacks des voyageurs d’affaires fait perdre des informations utiles

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Lors de l'EVP 2019 qui s'est tenu à Paris la semaine dernière, Laurence Rudeau a présenté son regard d'anthropologue sur le secteur des déplacements professionnels. Pour elle, les entreprises perdent beaucoup en n'utilisant pas mieux les connaissances et les retours d'expérience de leurs voyageurs d'affaires.

Qu'une anthropologue s’intéresse au monde des entreprises, et plus particulièrement aux voyageurs d'affaires, peut surprendre de prime abord. Mais pour Laurence Rudeau - anthropologue et Directrice d’études qualitatives - rien d'étonnant : "l'Anthropologie est une méthodologie des sciences humaines qui est, à mon sens, du point de vue de ses méthodologies assez proche des études de marché dans le recueil d'informations".

Et lorsque de nombreux acteurs du Business Travel se demandent comment faire en sorte que les collaborateurs suivent plus consciencieusement les consignes de leur entreprise pour les déplacements professionnels, la scientifique propose une autre perspective : "je prendrais la question dans l'autre sens : comment la politique voyage peut interroger les voyageurs d'affaires pour mieux s'adapter à eux ?".

Pour elle, les sociétés doivent mieux prendre en compte les besoins, les attentes et surtout les retours d'expérience des collaborateurs pour s'assurer un meilleur suivi des consignes. En effet, à l'heure où le secteur plébiscite le big data et cherche à recueillir un maximum de données sur l'ensemble de ses dépenses (aérien, hébergement, taxi...) pour optimiser au mieux les déplacements professionnels, le savoir des premiers concernés, c'est-à-dire les voyageurs d'affaires, est sous-exploité.

Laurence Rudeau pointe du doigt la problématique : "De nombreux voyageurs d'affaires rapportent qu'il n'y a pas de remontées de leurs expériences, non pas pour eux individuellement mais pour l'ensemble des voyageurs d'affaires de l'entreprise. Le savoir qu'ils ont accumulé au cours de leurs déplacements professionnels devient de l'informel, du conseil sous le manteau entre les collaborateurs... C'est une masse d'informations perdue importante et qui pourrait pourtant être extrêmement utile à l'entreprise".

Selon l'anthropologue, les sociétés qui souhaitent améliorer le sentiment de bien-être de leurs voyageurs d'affaires mais également leur "compliance" ont intérêt à mettre en place des process pour mieux écouter, recueillir et utiliser les feedbacks de leurs employés comme par exemple un intranet.

"Demander aux salariés leur avis sur le temps minimum entre l'atterrissage et le rendez-vous en fonction des destinations ou encore du décollage horaire, améliora leur confort et par la même occasion l'adhésion à la politique voyage. En donnant un peu, on peut obtenir beaucoup", ajoute Laurence Rudeau.

Le bien-être des voyageurs d'affaires est un sujet récurrent des études et des discussions des professionnels du secteur depuis plusieurs années. Et, l'anthropologue reconnaît que cela porte ses fruits : "les choses bougent dans le bon sens. Mais comme souvent dans les entreprises, ça prend un peu de temps. Cela va sûrement s’accélérer avec la nouvelle génération et la montée en puissance de la recherche du bien-être au travail. Des normes commencent à se mettre en place". Elle ajoute : "Cela progresse mais tant que l'humain ne sera pas un peu plus au centre des réflexions et que le salarié ne sera pas vu pour ce qu'il est, simplement un individu, il y aura du travail".