En 2018, s’adapter au marché de l’emploi

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Si vous chercher à donner une nouvelle orientation à votre carrière ou, a contrario, si vous souhaitez embaucher cette année 2018, il va falloir vous adapter : le marché du travail a beaucoup évolué ces derniers mois. Explications de Thierry Baux,

Les recrutements de cadres devraient être au plus haut niveau en 2018”, selon les estimations de l’Apec, pour atteindre entre 248 000 et 271 000 embauches. Cependant quelques nuances viennent ternir un horizon qui reprend des couleurs après une période post -2008 assez compliquée. Cette dernière a en effet laissé quelques habitudes aujourd’hui en déphasage total avec la réalité du marché.

Une enquête de Bpifrance Le Lab publiée début 2018 auprès de 2000 dirigeants de PME et ETI, atteste que : "Plus des trois quarts des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) éprouvent des difficultés de recrutement, et pour 42% d'entre elles ont déjà fait face à des départs de salariés clés, des problèmes qui empêchent ces entreprises de croître. 57% de ces entreprises estiment manquer de talents pour grandir". Lorsqu’ils se lancent à la recherche d’un nouveau collaborateur, les recruteurs ont souvent tendance à se tourner vers ce qu’ils connaissent : même type de profil, même formation, mêmes outils...
En matière de RH, le clonage peut paraître rassurant, mais il fait aussi passer à côté de belles opportunités et de candidats exceptionnels. Un candidat trop qualifié ne saurait être satisfait longtemps dans des fonctions plus ou moins stimulantes. De plus, il peut parfois être payant pour un employeur de miser sur un profil atypique et des candidats ayant des compétences qui pourraient répondre à d’autres besoins de l’entreprise.

Mon constat, confirmé par les études publiées par l’APEC, témoigne un rapport de force plus favorable au candidat, certains jobboards faisant état d’une croissance de 40% du nombre de publication d’annonces. Mathématiquement, les rendements des annonces subissent un déclin puisque les talents ont le choix et la dilution est au rendez-vous.

Face au manque de candidats, les recruteurs sont souvent amenés à revoir leurs exigences en termes d’expérience et souvent d’adapter leur budget. Lorsque les opportunités se multiplient, les candidats se montrent plus exigeants quant aux propositions de postes qui leurs sont faites. Ils prennent plus facilement la liberté de décliner une offre car ils ont davantage confiance en l’avenir.

"Les recruteurs effectuent plus souvent un ajustement sur l’expérience professionnelle des candidats lorsqu’il s’agit de pourvoir un poste laissé vacant. On peut faire l’hypothèse que les recruteurs, de prime abord, recherchent un profil similaire à celui du cadre qui occupait précédemment le poste. Confrontés à leurs propres exigences, finalement, ils sont amenés à revoir leurs attentes à la baisse quant à l’expérience professionnelle requise. Ainsi, dans le cadre d’un remplacement, seule une personne recrutée sur deux a une expérience professionnelle équivalente à celle attendue et, dans près d’un quart des cas, elle est moindre.

A contrario, lors d’une création de poste, les attentes des recruteurs sont moins figées et donc moins soumises au sentiment d’avoir dû effectuer un ajustement. Aussi, dans ce cas, l’expérience professionnelle de la personne recrutée correspond plus souvent à ce qu’attendait le recruteur, dans plus de 6 cas sur 10
"*.

Dans ce contexte, le niveau d’exigence dans la similarité du poste offert et du parcours ne peuvent qu’entrainer un allongement du cycle nécessaire pour parvenir au recrutement, et de facto, frustration, perte de temps et de productivité. Sept offres d’emploi sur dix diffusées sur le site apec.fr ont donné lieu à un recrutement trois à six mois après leur parution. Il est à noter que 6 % des postes ont été finalement pourvus en interne.

Dans ces fonctions, les recruteurs rencontrent des difficultés à trouver certains profils cadres. Ce sont bien souvent des managers très expérimentés. Le recrutement en interne pallie cette difficulté à trouver un candidat externe. Les recruteurs prennent aussi moins de risques pour ce type de recrutement, le cadre étant déjà connu de l’entreprise.
On peut aussi faire l’hypothèse que certaines entreprises mettent en concurrence des candidats internes et externes et, in fine, il arrive que ce soit une candidature interne qui convainc le recruteur.

Actuellement, la facilité de postuler via internet et les applis donnaient déjà des résultats peu souvent ciblés en réponses à annonces, la conjoncture ne fait que renforcer la nécessité d’aller au contact et de solliciter les talents. Pour ma part, j’observe qu’environ 85 à 90% des recrutements que j’ai pu finaliser, l’ont été par approche directe.

En conclusion, je vois un risque clair pour les employeurs qui ont gardé des réflexes de crise ou l’abondance de candidats leur permettait de privilégier le copier-coller /cv – fiche de poste, limitant les risques et le temps de formation.

Il est très périlleux d’oublier de s’interroger sur l’intérêt qu’un professionnel peut ressentir à partir sous d’autres horizons pour reproduire à l’identique ses fonctions passées. Ajoutons qu’en toutes circonstances, l’adaptation à un changement de culture ou de gouvernance peut être aussi se révéler particulièrement délicate.
Au-delà du prérequis sur un minimum de socle technique inhérent à la fonction, J’incite donc vivement les employeurs qui ne le font pas déjà, à raisonner en termes de profil de personnalité, de savoir-être et d’aspirations.

Il semble évident que la stimulation d’un nouveau collaborateur vient aussi de la découverte de nouvelles pratiques et/ou technologies en lui donnant la possibilité de ne pas cocher toutes les cases de la rubrique compétences et ainsi lui laisser la chance de démontrer son adaptabilité et sa capacité de progression.

Les rôles que vos salariés doivent remplir se modifient en fonction des changements imposés par les marchés et la technologie. La tentation du clonage fait courir le risque de s’exposer à une forme d’obsolescence des compétences jusque-là privilégiées. Cette approche permet d’étendre le vivier de candidats et se révèle payante sur le long terme.

Sans cette ouverture, et dans un contexte tendu, l’entreprise peut passer à coté de belles réussites, avec pour conséquences épanouissement personnel, fidélisation pour le salarié et retour sur investissement pour l’employeur.

Thierry Baux,
Directeur associé b-Ressources

*Source : Apec, Profils cadres recherchés et profils recrutés – De l’offre au recrutement, mars 2018

Thierry Baux a créé en 2006 b-ressource, cabinet de recrutement et de conseil en Ressources Humaines, après plusieurs expériences de direction de centre de profits dans l'industrie du tourisme et du transport aérien.

Il débute sa carrière dans des fonctions commerciales et marketing au sein de Compagnies Aériennes, puis rejoint MercuriUrval en tant que Consultant durant 3 ans. Il dirige l'équipe Commerciale et Marketing de Sixt par la suite, et intègre Air Canada en 1999, pour en devenir le Directeur Général France et Moyen Orient en 2000. En 2005, il rejoint Expédia en tant que Regional Director South Europe / Middle East.