« Global TMCs » en danger ! : les ETI* du voyage d’affaires ont tout compris !

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Les industries de services ont du s’adapter à notre économie globalisée. Leur taille est devenue un enjeu pour accompagner leurs clients dans les différentes régions du monde. Un enjeu, mais surtout une obligation pour optimiser leurs achats et leurs coûts en bénéficiant de volumes importants.
Cette logique s’est également imposée au voyage d’affaires.

Les grandes TMCs ont atteint une dimension globale grâce à des opérations de croissance externe et au développement de franchises (licences de marque) ou d’alliances (joint ventures). Pour satisfaire leurs clients multinationaux, elles ont créé des offres de services standardisées disponibles dans tous les pays où ils opèrent. Cette stratégie, baptisée « Follow the sun », séduisante, particulièrement pour les entreprises de culture anglo-saxonne, permet au voyageur d’accéder 24/24 7/7 à un service homogène où qu’il se trouve et à n’importe quel moment du jour ou de la nuit.

Sur le papier, les outils sont les mêmes sur l’ensemble des plateformes de services du globe où les agents sont tous au minimum bilingues-anglais, ce qui rassure cette clientèle.
Dans les faits, les choses sont plus complexes car les systèmes peuvent être différents d’un pays à l’autre. Bien des dérogations à cette règle d’or doivent être faites tant pour les réservations de billets que pour la gestion des profils clients et les outils de back office et de reporting. Chaque pays a ses particularités : transport (le TGV en France et en Europe), systèmes de réservation (Chine, Russie), réglementation (Algérie), usages (Moyen- Orient, Asie)…
Gommer une expertise locale sous couvert d’uniformisation d’une prestation de services représente un handicap commercial majeur.

Mon parcours professionnel m’a conduit à gérer l’intégration d’une grande entreprise nationale au sein d’un réseau mondial. Cette expérience a été passionnante et très enrichissante. J’aimerais en partager avec vous quelques enseignements.

Cette stratégie de volume implique des équipes importantes regroupées dans des centres d’appels. Elles se trouvent sous l’emprise de processus, nécessaires mais souvent très contraignants. Les entretiens avec les conseillers voyages sont « calibrés » par des « scripts » qui ne facilitent ni l’écoute, ni le conseil, pourtant, cœur de métier de ces TMCs. Les systèmes téléphoniques mesurent et enregistrent les entretiens de vente et les agents de voyages sont en permanence sous tension.

Big is beautifull ?

La mission d’une TMC est d’accompagner son client dans la gestion et l’optimisation de son budget voyages. Cette mission concerne un domaine très vaste et extrêmement varié en fonction des interlocuteurs et de leurs attentes (acheteurs, financiers, gestionnaires, assistantes, voyageurs, drh, dirigeants …)
Les grandes agences se sont organisées en matrice pour s’assurer expertise et performance. La gestion d’un budget voyages étant un tout, la communication entre les « lignes de business » est essentielle. Les responsables du suivi clientèle doivent être en prise directe avec les centres d’appels en charge du traitement quotidien des voyages, mais aussi avec la comptabilité, l’informatique et le contrôle de gestion, tous les acteurs de la prestation de services délivrée au client.
Les organisations matricielles ont pour conséquence la constitution de « silos » qui se transforment, nature humaine oblige, en « baronnies ». La communication transversale est souvent devenue inexistante et la qualité de service s’en ressent cruellement.

La taille, objectif premier des leaders, est le premier handicap de ces grandes TMCs car elle amoindrit la performance professionnelle. Pour faire face à cette faiblesse, elles mettent en place des structures de management lourdes et couteuses.
Ces TMCs, comme toutes les entreprises multinationales dans d’autres secteurs d’activité, consacrent aujourd’hui une très grosse partie de leur temps managérial à l’interne. Réunions, reporting, processus budgétaires, ressources humaines (entretiens annuels, évaluations,…) Ces activités « chronophages » écartent le management du terrain, de la clientèle (qui les fait pourtant vivre !) et privent les équipes du leadership dont elles auraient bien besoin pour servir au mieux les clients dont elles ont la charge.

La politique de recrutement des ces grands acteurs est également un sujet. Des profils « grandes écoles » sont recherchés. Ils sont « formatés » à leurs exigences mais sont souvent trop loin du client et de ses attentes. Excellents dans la « navigation à l’interne et dans les réunions qui les occupent », ils sont moins intéressés par les sujets souvent trop opérationnels des clients. Ces managers n’ont pas cet « amour » du métier qui a fait le succès de nombreux agents de voyages de ma génération. Ils peuvent partir demain et intégrer une autre industrie qui aura les mêmes attentes en terme de comportement, de processus, de fonction.
Cette population de « mercenaires » est très à l’aise pour véhiculer des messages transmis par le central (où les collaborateurs n’ont souvent jamais vu un client) destinés aux équipes à l’interne mais aussi à la clientèle. « Nous sommes « customer oriented » ! Nous sommes leader ! Nous voulons gagner votre confiance !...). Malheureusement, ces slogans ne font pas illusion longtemps et sauf à avoir en leur sein quelques rares managers et agents passionnés, ces TMCs ne savent plus conserver leur clientèle qu’en signant des chèques conséquents lors de la reconduction de contrats.

Ces choix ont pour conséquence un manque d’écoute client et d’implication du bas en haut de l’échelle. Les objectifs fixés sont loin de la satisfaction client et de la rentabilité. Pour certains cadres, ces deux piliers fondamentaux de la profession sont même absents de leurs fiches d’objectifs !

Des clients déçus par de belles promesses commerciales non délivrées au quotidien, des agents de voyages déresponsabilisés et emprisonnés par des processus lourds et fastidieux face à leurs clients, ces TMCs souffrent d’un handicap commercial réel qui se traduit aujourd’hui sur le marché par une plus grande volatilité de la clientèle, une baisse de leur productivité et de leur profitabilité inquiétante pour leur pérennité.

Face à cette situation, ces grandes centrales cherchent à s’adapter sans remettre véritablement en question leurs fondamentaux. Le management et les équipes sont alors occupés (et préoccupés !) à gérer plans sociaux sur plans sociaux, tous plus démobilisateurs les uns que les autres. Ces restructurations accentuent la perte d’expertise et de professionnalisme.

Parallèlement, ces groupes investissent pour améliorer leur productivité dans des systèmes toujours plus contraignants et source de standardisation et de dépersonnalisation du service. Et le cercle vicieux s’auto alimente !

La concurrence est souple

Comme dans d’autres secteurs du Service, la concurrence s’organise et des agences de taille intermédiaire constituent aujourd’hui une véritable alternative pour les acheteurs des grandes entreprises. Expertes dans l’accompagnement de leurs clients pour gérer leur mobilité, elles ont aujourd’hui une surface financière suffisante, les outils et l’expérience nécessaire pour s’adresser à elles. Elles s’organisent autour d’alliances nationales mais aussi internationales qui constituent un réseau mondial d’acteurs locaux très professionnels qui savent connecter leurs systèmes informatiques pour proposer aux plus grands clients les solutions de reporting suffisantes pour répondre à leurs besoins.

Ainsi, ces réseaux volontaires bénéficient de l’effet de levier pour leurs achats tout en conservant leur dimension locale et tous les avantages concurrentiels en terme de structure de coûts, d’accès à l’offre disponible, mais surtout de relation client, d’expertise et de personnalisation du service.

L’industrie du « business travel » s’interroge très souvent sur son devenir et particulièrement sur celui des TMCs. Je suis convaincu que, seul, le service permettra à ces acteurs de se maintenir et de se développer. La réelle qualité de services, constatée au quotidien dans les faits (au delà des enquêtes qualités, certifications, et autres mesures statistiques coûteuses et trop théoriques) sera le graal de la TMC. Celles qui l’ont compris ont un avenir prometteur. Leur stratégie peut se résumer en deux priorités : « small is beautifull » et « be global, act local ».

Cela demandera aux plus grands une réelle remise en question. Je suis heureux d’être de temps à autre consulté par des professionnels qui veulent comprendre et progresser en évoluant dans ce sens au service de leurs clients. Les conseiller pour les aider à croître est passionnant pour le consultant que je suis devenu. Le temps passe vite et, faute de réaction rapide des grands acteurs, l’avenir nous réserve quelques surprises encore impossibles à imaginer il y a quelques mois.

Régis Chambert
RC2 Conseil
A propos de RC2

RC2, Régis Chambert Consulting, est une SARL créée en 2010 dans le but de mettre à la disposition de ses clients un savoir faire, une expérience de plus de 30 années dans le management d'entreprises Françaises, puis internationales, dotées d’organisations très diverses, traditionnelles ou matricielles et globales.
Régis Chambert a été Vice président - Directeur Général d'American Express Voyages puis présidé Avexia Voyages de 2011 à fin 2013.
La réflexion stratégique, la marque, la conduite du changement, la formation et le coaching sont les principaux domaines dans lesquels Régis Chambert intervient.

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