Google et les billets de trains amusent PAT

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PAT, notre chroniqueur ferroviaire, réagit à l’article des Echos que nous avons repris sous le titre : 49 % des Français sont prêts à acheter des billets de trains sur Google. Mais il y parfois loin de la coupe aux lèvres nous rappelle notre contributeur.

Google et les billets de trains amusent PAT
Proposez quelque chose de nouveau aux consommateurs et, surtout si ça apparait comme une alternative possible à une offre déjà existante perçue comme monopolistique, vous aurez de fortes chances d’obtenir un fort taux d’adhésion au projet. C’est déjà peu ou prou le créneau de Capitaine Train. Mais cela ne révolutionne pas pour autant le marché ferroviaire. Un billet de train sur la Sncf, c’est un billet de train vendu aux conditions tarifaires de la Sncf. Et ceci quel que soit le canal d’achat. Sur voyages-sncf.com ou auprès d’un autre distributeur en ligne, à un point de vente en gare ou en boutique, ou encore en agence de voyages, le service vendu l’est toujours au même prix et conditions d’utilisation décidés par le transporteur.

Si Google s’aventurait sur ce marché de la distribution, il n’aurait donc vis-à-vis de la Sncf que le statut d’agence de voyages, positionnée au cas d’espèce « en ligne ». Une agence de plus mais rien de plus. Ce qui ne veut pas dire qu’à l’image de Capitaine Train le consommateur ne puisse pas y trouver son avantage par la promesse d’un acte d’achat simplifié, une interface dépouillée, une meilleure rapidité de navigation ou des outils de recherche plus performants que le leader.

Si on croit aux vertus de la concurrence, il est finalement assez sain qu’un nouvel entrant puisse prétendre venir essayer et proposer de faire mieux que le tenant quasi-officiel de la distribution en ligne du billet de train. Encore que la plus-value pour le client resterait à démontrer. Et au-delà du premier acte d’achat par curiosité, pas sûr que le voyageur ne revienne à son bon vieux réflexe privilégiant la distribution Sncf par la Sncf.

Pour faire mieux ou pas que l’existant, Google ne serait rémunéré par la Sncf que dans la limite de ce qui est proposé aux autres agences de voyages ayant pignon sur rue. Sacré défi pour espérer gagner un peu d’argent quand c’est plus ou moins directement votre concurrent qui fixe vos conditions de rémunération. Si vous n’avez pas fait la paix avec lui pour vous partager le marché, vous risquez d’être en souffrance.

En outre il convient de souligner que, pour le voyageur, faire le choix de l’achat de son titre de transport auprès d’un autre distributeur que le réseau de vente en propre du transporteur n’est pas toujours sans inconvénient sur le plan pratique.

Les voyageurs d’affaires connaissent déjà ces problèmes. Allez vous faire rembourser un billet de train acheté en agence de voyage à un guichet Sncf ! Vous serez éconduit et redirigé vers votre agence. Ceci, tout simplement à cause de la commission versée par la Sncf à l’agence pour le service qu’elle lui a rendu en vendant le billet. Si le voyage est annulé, la commission acquittée par le transporteur devra l’être aussi, l’agence comptabilisant cela en « diminution sur (ses) ventes ». A charge ensuite pour l’agence distributrice de prendre d’autres frais de services pour ne pas se trouver dans une situation totalement impécunieuse pour elle.

Tandis que lorsqu’il s’agit de voyages-sncf.com, de fait les points de vente de la Sncf maison-mère considèrent qu’il s’agit d’une vente directe (sous une forme « multi-canal ») de l’entreprise publique.

Il suffit d’ailleurs d’avoir connu quelques galères d’après-vente pour refaire rapidement le choix du couple voyages-sncf.com / Sncf maison mère.

Si les agences de voyages en ligne ou pas, avec Google ou pas dans leurs rangs, souhaitent dégager le terrain de jeu de la vente à distance occupée par voyages-sncf.com, elles auraient intérêt à agir pour des conditions similaires pour elles et l’agence en ligne maison de la Sncf (dont elle est une filiale au sein du Groupe VSC).

Car après tout, lorsqu’il a son billet en poche, même acheté auprès d’un distributeur en dehors de la sphère Sncf, le voyageur est bien un client de la Sncf et non pas du distributeur en ligne. Cela va sans dire, mais irait encore mieux en le disant.

Oh, il y a bien une solution. Que le prix du billet de train (unique quel que soit le canal de distribution) soit affiché nu de frais de distribution. Et que chacun, dans son canal, y ajoute lesdits frais en essayant si c’est possible d’attirer à lui le chaland avec des montants plus réduits que le voisin (ou même un meilleur service en échange de quelques euros supplémentaires). A ce jeu là, la vente du billet de train en face en face à un comptoir quelconque risquerait d’ailleurs d’être grevée de frais plus importants. En voilà une vraie révolution dans la distribution. Mon petit doigt me dit que la Sncf y réfléchit déjà depuis un certain temps. Et si ce n’était pas elle, la Commission Européenne peut-être ?

Bienvenue au club Google !

PAT