L’Airbus A 321, l’avion miracle ?

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Chaque constructeur a eu dans sa gamme de fabrication un appareil quasiment parfait. Cela a été le cas bien entendu pour Boeing avec le B 747 et le B 737, mais aussi pour Mc Donnel et son DC10 et plus avant, Lockheed et son Super Constellation. Il semble qu’Airbus ait trouvé le sien avec l’A 321. Certes, c’est un dérivé de l'A 320 mais il a en puissance son propre développement.

Voilà une machine dont le premier vol remonte au 11 mars 1993, construite à 1 636 exemplaires, chiffre à fin décembre 2017 dont 1 616 sont en opération. Son succès tient à sa grande capacité : jusqu’à 236 passagers sur des distances, somme toute importantes, puisqu’il tangente les 6 000 km de rayon d’action. Le tout pour un prix catalogue de 115 millions de dollars ce qui porte le prix au siège offert à 490.000 dollars, dans la fourchette basse du prix d’un avion neuf. Bref, c’est le bon compromis entre la capacité, le rayon d’action et le prix.

Mais finalement, on ne pourrait pas parler d’avion miracle si son développement avec de nouveaux moteurs et une configuration de voilure très améliorée n’avait pas été lancé par Airbus. C’est l’A 321 Neo (pour New Engine Option). Et toutes les compagnies s’y sont intéressées au point que les commandes ont atteint 1 900 exemplaires en très peu de temps. Curieusement, cette machine attire tous les segments de marché, depuis les compagnies très traditionnelles comme Delta Air Lines - qui a fortement irrité Boeing en commandant 200 exemplaires en décembre 2017 - jusqu‘aux « low costs » qui se sont jetées dessus. Indigo Partners, avec sa commande de plus de 400 appareils de la famille A 320 Neo n’a pas caché que ces appareils étaient, pour l’essentiel, destinés aux transporteurs « low costs ». Et puis notons Norwegian, le turc Pegasus, Air Transat au Canada et j’en passe. En France, même Laurent Magnin a annoncé son souhait d’équiper La Compagnie avec des A 321 LR.

Il faut dire que le développement LR (pour Long Range) constitue une vraie nouveauté. Ce biréacteur mono couloir peut franchit 7 600 km. C’est-à-dire qu’il peut sans problème être mis en service sur la plus importante desserte internationale, je veux nommer le transatlantique nord qui couvre les liaisons entre les USA et le Canada et les pays européens. C’est sur cet axe que les transporteurs vont s’expliquer au cours des toutes prochaines années. L’A 321 a pris la place du regretté B 757 qui avait à peu près les mêmes capacités mais dont la fabrication a été arrêtée par Boeing en 2004. Seulement l’A 321 LR a un coût opérationnel inférieur de 25% à 30% par rapport au B 757. Voilà qui ouvre de nouvelles et colossales possibilités.

Alors, tout le monde va vouloir prendre sa part du gâteau. Le premier à dégainer a été Norwegian qui, avec sa commande de plus de 30 appareils, va devenir un acteur très sérieux sur cet axe. Mais pourquoi la concurrence s’arrêterait-elle là ? Pourquoi les compagnies auraient elles acquis en masse ce modèle, si ne n’est pour desservir des lignes de 5 à 7000 km ? Mais des lignes de cette distance et qui peuvent supporter une desserte au moins quotidienne avec un appareil de 200 places, il n’y en a pas tant que cela.

Et puis il y a les deux fameuses barrières des droits de trafic et des slots aéroportuaires. Il est clair, par exemple, qu’Orly est la plateforme parisienne la plus intéressante pour opérer un transatlantique. Mais pas de chance, les autorités continuent à restreindre administrativement son accès. En Grande Bretagne, les aéroports londoniens sont saturés sauf peut-être Stansted. L’Allemagne a plus de possibilités car le transport aérien y est moins concentré. Et Barcelone ne demande qu’à accueillir de nouveaux opérateurs.

Alors que va-t-il se passer ? Personne n’est devin et moi pas le premier. Mais on peut tout de même imaginer qu’un appareil d’une capacité somme toute moyenne soit plus facile à remplir et donc à exploiter que les avions long-courriers existants. Rappelons que l’appareil le plus répandu, le B 777, transporte 400 passagers. Donc l’A 321 va ouvrir de nouvelles possibilités pour des villes qui n’attendent que cela. En France, Lyon, Toulouse, Marseille ou même Nantes. En Grande Bretagne, Manchester, Birmingham, ou Glasgow. En Allemagne, Hambourg, Hanovre, Stuttgart, voire Berlin … et j’en passe.

Cela aura pour effet de désengorger les grands hubs mais cela fera-t-il les affaires des transporteurs traditionnels qui vivent sur ce concept ? Et puis, comme il faudra bien faire voler les appareils commandés, cela ne va-t-il pas amener une forte surcapacité au moins pendant quelques années? Une option qui pourrait entrainer mathématiquement une baisse des tarifs... et donc de la rentabilité déjà fragile du transport aérien.

Voilà qui va être passionnant à suivre.

Jean-Louis BAROUX