L’approche modulaire de l’achat (suite et fin).

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Dans les précédents articles, nous avons pu voir comment compiler les données provenant des demandes clients et les impératifs techniques dans une matrice nommée QFD. Nous avons vu également comment présenter cette matrice aux différents fournisseurs, afin de la faire évoluer et d’intégrer les dernières évolutions du marché grâce à leur feedback. Regardons maintenant comment finaliser ce QFD et définir les éléments composant l’appel d’offres.

Nous allons maintenant travailler sur la partie supérieure du QFD qui coiffe votre matrice. Elle représente une sorte de toiture où chacune des tuiles montre l’interaction entre deux impératifs techniques (voir le schéma joint). Ces interactions doivent conforter votre choix ou vous alerter sur de possibles incohérence voire même des impossibilités.

• Corrélation forte positive: Si une spécification augmente l’autre augmente fortement
• Corrélation positive: Si une spécification augmente l’autre augmente dans le même ordre de grandeur
• Corrélation négative: Si une spécification augmente l’autre diminue dans le même ordre de grandeur et inversement
• Corrélation forte négative: Si une spécification augmente l’autre diminue fortement et inversement
Cette toiture doit être réalisée avec toutes les parties prenantes de l’équipe projet (RH, Direction, IT, HSE&S, Comptabilité…).

Dans notre exemple, les colonnes en rouge vous montrent, grâce à la ligne de base, quels sont les critères sur lesquels vous devez porter votre priorité. A l’opposée, en haut de cette « toiture », vous pouvez voir les points problématiques et donc les prioriser dans votre appel d’offres ou, du moins, attirer l’attention de votre interlocuteur sur une problématique à laquelle il devra trouver une parade ou bien une solution.

Il est clair que l’exercice peut sembler difficile mais il est pourtant l'un des seuls moyens d’avoir une représentation physique et graphique claire, précise et sans équivoque de votre besoin. Les industries l’ont bien compris et utilise le QFD depuis déjà plusieurs années. C’est ainsi que les automobiles sont construites que beaucoup d’appareils dits modulaires sont connectés par des interfaces permettant l’exploitation de ces derniers en un ensemble cohérent.

La matrice finalisée vous permet maintenant de définir quels sont les modules et les interfaces sur lesquels vous devez focaliser votre attention, tant sur le plan des opérations que sur le plan des achats.

L’investissement humain que représente cet exercice est très largement compensé par le bénéfice que vous pourrez retirer car aucun des points critiques (avoués ou non) ne seront ignorés. Les fournisseurs seront ainsi invité à prouver leurs réponses aux différentes problématiques. Mieux, durant l’implémentation, aucun facteur ne sera laissé au hasard, minimisant ainsi les risques d’insatisfaction client.

N’oubliez jamais que le temps investit en amont d’un projet est entre cinq et dix fois plus productif que le temps nécessaire pour « corriger le tir » ! Le QFD s’intègre donc parfaitement dans la gestion de projet et ce, même si il provient des approches qualité usitées par les industriels (Six Sigma, TQM, Iso 9000…).
Pour en savoir plus sur le QFD, je vous conseille de vous reporter à l’ouvrage intitulé « Qualité en production » des éditions Eyrolles. De même, vous pouvez utiliser un format Excel pour construire votre matrice ou bien utiliser le logiciel Edraw.

Pour résumer, les avantages du QFD sont :
• Réalisation des attentes client: Corrélation entre les spécifications de définition et de service et « la voix » du client final.
• Réduction des délais et des coûts: Temps d’implémentation réduit de 30 à 50%, mise en évidence des conflits latents d’où suppression des blocages. Optimisation des spécifications de définition et de service, modifications moins nombreuses et moins tardives, réduction des coûts de projet par une meilleure utilisation des ressources
• Amélioration des modes de fonctionnement et de comportement: Travail en équipe pluridisciplinaire, réalisation d’objectifs identifiés, justifiés et partagés.
• Accroissement de la réactivité de l’entreprise: Circulation des informations plus rapide, décisions prises en commun plus rapidement répercutées.
• Indicateur permanent de performance économique: Comparaison des choix et des performances de l’entreprise aux réponses du marché, souplesse de la démarche, adaptation aux services et à l’entreprise.

Les inconvénients sont :
• Changement de mentalités: Accepter l’échange d’informations en flux horizontal et le décloisonnement.
• Simplicité complexité: Simple pour les services basiques, complexe dans le cas inverse
• Taille et nombre des matrices de déploiement: Travail fastidieux

Yann LE GOFF
Consultant achats
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