La lettre au Père Noël d’un spécialiste du train

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Une lettre au Père Noël ! Difficile exercice de style, nous explique notre ami Pat. Mais il l'avoue: "De nos jours, aucune difficulté qu’on ne puisse commencer à résoudre sur Internet. Quelques mots clés tapés sur le clavier et de judicieux conseils mode d’emploi s’affichent à l’écran". A son tour de prendre la plume !

Une lettre au Père Noël, c’est important. C’est faire travailler son imaginaire. C’est d’abord se poser la question, lourde d’angoisse m’explique t’on : est-ce que les demandes sont méritées ? Et puis apprendre à faire des choix. Hiérarchiser dans la liste. Trouver des solutions de remplacement si le premier choix n’est pas possible.

Eh bien dites-donc ! Dans quoi le rédacteur en chef m’embarque t’il ? Bon, il ne s’agit pas vraiment de moi mais, sous la plume du modeste chroniqueur ferroviaire de service, d’exprimer ce que pourraient être les attentes du voyageur, client, consommateur, usager, contribuable. Nous connaissons tous cette sorte de gyrovague.

Selon le mode d’emploi en ligne, avant de présenter sa liste au Père Noël, la première question à se poser serait donc : tout le monde a-t-il été bien sage ?

Euh, parait que non. Une sacrée bande de fraudeurs. Un manque à gagner estimé à 300 millions d’euros par an. Ce serait culturel. Qu’il n’y a qu’en France qu’on voit ça. C’est Guillaume Pepy, le patron de SNCF qui l’a dit. Ce problème fut l’une de ses priorités en 2015. Et pour le coup, notre Guillaume Pepy national davantage Père Fouettard que Père Noël.

Mais maintenant que SNCF contrôle a priori davantage, filtre les accès au train, sanctionne plus lourdement… va-t-elle revenir à meilleure fortune et nous permettre de présenter notre liste de cadeaux ?

Vous croyez au Père Noël ou quoi ? Un professeur d’économie évaluait en 2011 que la SNCF coûte à la collectivité 10 milliards d’euros par an. Que c’est structurel. Et qu’il est vain d’espérer faire mieux. Aie ! Peut-être pas trop le moment d’écrire au Père Noël ?

Oui mais bon. En 2014, a été votée une réforme du système ferroviaire. Là, il s’agit maintenant de stabiliser la dette d’ici cinq ans. « Ambitieux mais atteignable » selon Guillaume Pepy.  En 2015, la nouvelle gouvernance s’est ainsi mise en place au sein de ce qu’il convient dorénavant d’appeler le Groupe Public Ferroviaire (SNCF, SNCF Mobilités, SNCF Réseau). Exit Réseau Ferré de France, que certains membres éminents de l’alternance politique potentielle de gouvernement n’ont pas exclu (pas tous d’accord entre eux d’ailleurs) de remettre un jour. D’autres avant eux avaient déjà promis que (début de citation) : « Ce que la droite a fait, la gauche le défera » (fin de citation). Et vice-versa ? Chiche. Il y en a peut-être qui croient au Père Noël ?

Pour les cheminots, 2016 sera consacré au dur : convention collective versus statut, temps de travail, harmonisation sociale et tutti quanti… Peut-être alors le moment de demander au Père Noël qu’il n’y ait pas trop de nouvelles grèves ? Aie, aie, aie les organisations syndicales représentatives des cheminots, issues du scrutin professionnel du 19 décembre 2015, sont majoritairement hostiles à la direction que prend le Groupe Public Ferroviaire !

Mal barrée, la remise à plat des organisations de travail prônée par Guillaume Pepy. Condition sine qua non pour, dit-il, faire baisser le prix du train. Ah, voilà une demande sur laquelle tout le monde va être d’accord : des trains pas chers ! Avec tout ce qui précède, vous croyez encore au Père Noël ?

Peut-être le Wifi à bord des trains ? Investissement de 350 000 € par rame (le parc en compte environ 480). On pourrait peut-être commencer par demander une calculatrice pour faire les multiplications du coût de toutes nos légitimes revendications… que personne ne veut payer.

Ou alors promis, juré on arrête de faire des caprices d’enfants gâtés. Et, par exemple, plutôt que de seulement signer des pétitions contre la suppression d’une desserte, on l’utilise pour démontrer son utilité sociale et améliorer son résultat économique. Vade-retro Macron avec tes autocars ! Des TER plus nombreux, spacieux, confortables, réguliers, à l’heure… La lettre au Père Noël, c’était un peu le bulletin de vote des élections régionales des week-ends derniers puisque sur la question des transports, notamment ferroviaires, chaque camp, sans exception, a proposé monts et merveilles !

Allez, on y croit !

PAT