Le CES de Las Vegas, le jackpot du voyage d’affaires ?

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Le Computer Electronic Show qui ouvre ses portes ce 9 janvier à Las Vegas apportera comme à chaque fois son lot d'innovations, plus ou moins utiles, et marquera le début de l'année technologique. Mais plus que les autres éditions, cette rencontre sera placée sous le signe de l'utile que ce soit dans la sphère de la vie privée ou pour répondre aux attentes professionnelles.

Qui n'a jamais mis les pieds au CES de Las Vegas ne peut comprendre ce que le terme "nouvelles technologies" veut dire. 170 000 participants, 3 800 exposants - dont 350 entreprises issues de la French Tech - mais aussi plus de 7 000 médias et 13 500 journalistes, sans oublier les 150 pays présents…. Voilà pour la carte d'identité. Coté produits, ce sont plus de 25 000 innovations qui sont présentées que ce soit pour la voiture (Mercedes ou Général Motor seront au côté de Google et Tesla pour la voiture autonome), le bureau ou, bien évidemment, le voyage. Mais au-delà des nouveautés - et elles sont trop nombreuses pour les évoquer ici - c'est l'état d'esprit qui règne au CES qui fait la qualité de la manifestation. Le monde demain va chercher à convaincre celui encore figé, d'aujourd'hui.

Comme le disait le regretté Steve Job, observateur patenté et acteur visionnaire du monde des nouvelles technologies, "développer l'inutile c'est approcher le futur". Une vision toujours exploitée par Apple et qui sert désormais de fil conducteur a bien des start-ups dans le monde. Que nous réserve donc ce CES 2018 pour le voyage d'affaires ? Au-delà du flot d'objets connectés, de la valise à la montre de demain via notre brosse à dents ou nos vêtements intelligents, ce sont avant tout les outils d'aide à la décision qui feront l'innovation dans le monde du voyage d'affaires.

Nous sommes loin de la vision des années 2000 oùu cette assistance au quotidien se limitait à des alertes sur nos ordinateurs puis sur nos premiers mobiles avant d'intégrer nos smartphones ou nos tablettes. Aujourd'hui, l'aide à la décision dépasse l'imagination la plus fertile. A Las Vegas, nous verrons des applications qui, construites autour de l'intelligence artificielle, anticiperont les déplacements et organiseront nos voyages. Développés autour de l'analyse des informations récoltées sur tous les supports numériques, ces logiciels totalement transparents et intégrés à nos outils du quotidien viendront proposer concrètement des horaires de vols ou de trains, collecteront des données économiques sur l'interlocuteur et analyseront le besoin ou non de se déplacer.
Désormais, le voyage d'affaires ne se limite plus aux seules datas du déplacement mais prend en compte l'environnement économique et financier. L'assistant va au-delà de sa mission première. Il se transpose en une sorte de R2D2, le robot de Star Wars, véritable compagnon du voyageur d'affaires autant sur l'organisation que sur l'enrichissement de ses connaissances.

Des outils pour le futur

Comme à chaque édition, ce sont les visions futuristes des étudiants de Stanford qui feront également l'actualité. Dès 2014, ils avaient prédit les mutations des outils de réservation et l'évolution des GDS autour du big data. Pour 2018, ils font le pari de la dématérialisation totale du voyage. A la clé, des marqueurs invisibles pour l'utilisateur, paramétrés par l'entreprise en accord avec les voyageurs, et qui permettront à chaque étape du déplacement d'envisager et d'anticiper les besoins à venir : changements de vols ou d'hôtels, re-confirmation des rendez-vous, recherche d'informations... L'innovation ? L'association automatique des paiements avec une clé de validation établie en fonction du niveau d'autorisations accordé par l'entreprise. Et pour rassurer, l'optimisation de la dépense se fera en temps réel via des outils analytiques directement connectés à l'acheteur et aux outils comptables de l'entreprise. Mieux, l'association cerveau/machine est en route avec des systèmes d'analyse du savoir et des habitudes. En clair, le voyageur ne sera plus l'organisateur de son déplacement mais un acteur pris en charge à toutes les étapes.

Simplifier et dématérialiser, voilà donc le besoin clairement exprimé de l'utilisateur et de son entreprise. Mais au quotidien, les interrogations sont nombreuses car elles remettent en cause profondément l'existant. Cette question sera abordée par Michael Ableson, VP Global Strategy de General Motors qui, au-delà de la voiture autonome, abordera la psychologie du changement et démontrera qu'il faudra apprendre à "passer au-delà des peurs de voir le quotidien profondément se modifier pour accepter d'aller vers des process innovants…. Ce qui est d'abord une problématique humaine et non plus une simple vision technologique". Doit-on y voir une interrogation "générationnelle" ? Sans doute, expliquent nos futurs cadors du digital qui admettent que ces évolutions demanderont au minimum une dizaine d'années de travail.

De fait, tous les acheteurs ne sont pas prêts à abandonner à la machine des fonctions comme le reporting ou la négociation contractuelle. Bref, des questions aussi simples que "qui renseignera mon voyageur en cas de problèmes importants ?" sont aujourd'hui renvoyées au second plan car la solution est déjà en machine avec l'intelligence artificielle et la montée en puissance des chatbots ! L'intégration de la blockchain dans la gestion du savoir partagé et l'apport de solutions à un problème donné va faire muter nos habitudes. Y sommes-nous aussi prêts que semblent le dire les exposants du CES ?

"One tool, one success", prédit aujourd'hui Oracle qui reste persuadé que la réussite est dans l'outil unique, capable de gérer les demandes professionnelles et les attentes personnelles. Mais "one tool", c'est aussi tout le déplacement dans le même outil mobile. Plus question de passer d'une application à l'autre pour gérer un voyage et ses réservations, établir une (éventuelle) note de frais ou répondre à un mail commercial. Sécurité, efficacité et instantanéité sont la sainte trinité du business travel.

Chaque CES rend perplexe le visiteur. Trop d'innovations fait peur et déboussole et l'édition 2018 ne manquera pas de faire l'effet d'un tsunami. Seule certitude, cette version 2018 ne fait que préparer l'utilisateur à ce qu'il utilisera demain. Il reste à savoir quand ce demain débutera.

A Las Vegas,
Philippe Lantris