Le low cost long courrier veut aussi parler aux voyageurs d’affaires

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Il n’y a pas qu’en France que l’on évoque le Low Cost Long Courrier. Aux Etats-Unis aussi les projets commencent à éclore, principalement vers l’Amérique du Sud et sans doute, à terme vers l’Europe. Mais ici, on parle plus volontiers de low fare que de low cost. Question de mots ? Pas seulement. On sait aux USA que le "bon marché coûte cher".

Comme le disait Kevin Mitchell, Président de la Business Travel Coalition, lors de la réunion annuelle de l’association, "On ne saurait limiter l’aérien à la seule recherche du prix. Il y a un plancher que l’on ne peut repousser sans cesse faute de quoi il s’effondre". Remarque de bon sens pour celui qui lutte depuis des années contre les coûts cachés et les coups marketing des compagnies aériennes.

Mais au-delà du constat, l’idée même que le produit puisse s’adapter aux voyageurs d’affaires l’étonne: "Pour survivre, les Low Cost ont besoin de générer des revenus complémentaires en permanence. Tout ce que refuse l’acheteur qui veut un prix global sans surprise et sans note de frais au retour du voyageur". Bref, et en l’état, la BTC reste sceptique sur l’avenir d’un tel produit.

Où en sommes-nous réellement dans le low fare long courrier ? Premier constat, l’offre est loin d’être aussi claire que le disent les opérateurs. Sur un avion de 300 places d’une compagnie régulière, il n’y a pas plus de 15 % de sièges aux prix les plus bas. Pour les autres places, le jeu du yield et des classes (ouvertes, fermées ou renommées) viendra perturber ce que le consommateur prend pour argent comptant, à savoir un New York Paris avec un prix d’appel à 199 $ le segment par exemple. Inutile de chercher sur le site, il n’existe quasiment pas. Dans le sens Paris/New York, le prix affiché au final est de 600 € sans service complémentaire. Dans le sens contraire, le tarif le plus bas atteint les 794,30 $ (taxes et surcharges comprises). A ce prix-là, l’aller/retour est bien plus cher que les offres récupérées sur un comparateur (kayak) et qui débutent à 377 € avec British Airways (1 escale) ou à 407 euros avec Finnair en vol direct grâce aux accords avec American Airlines.

Peut-on alors encore parler de low cost ? Certainement plus. Et là est l’astuce, le coup marketing que toutes les compagnies qui se disent low cost exploitent : la grille tarifaire modulable. Un prix variable selon les canaux de distribution et qui, au final, est un tarif de base auquel vont s’ajouter des options multiples et variées. En France, on a vu French Blue se positionner sur ce marché en s’affichant "low cost et Long courrier". Mais sur une seule destination à ce jour, Paris/Punta Cana. Inutile de dire que le programme n’est pas, pour l’heure, destiné aux voyageurs d’affaires. Si beaucoup de low cost s'intéressent à ce marché business, EasyJet, Ryanair, Vueling ou Transavia notamment, une dizaine de destinations restent réellement intéressantes pour un « one day trip » business.

Quant à Air France qui reconnait réfléchir à cette idée d'une low cost long courrier, on doute de la capacité des syndicats à accepter l’idée. Bref, le Low Cost pour le Long courrier ne concerne véritablement que le monde du loisir… A condition d’être malin et de savoir acheter sur le net. Raisonnablement, si la vision marketing fait un carton, la réalité du marché et du terrain reste au final assez limitée. Delta a clairement fait savoir que pour "faire des bons prix il ne suffisait pas de changer de nom". Même les TMC s’y sont mises et l’on prête à Doug Anderson, le nouveau CEO d’Amex GBT cette vision cinglante: "L’enfumage consiste à croire à ces mirages tarifaires, pas à les offrir réellement".

Il reste que le sujet passionne les entreprises qui, elles, sur le domestique US, veulent de la low cost. Sur le long courrier aussi mais plus prudemment. Interrogé lors d’une rencontre de la GBTA, l’acheteur de Monsanto est resté flou sur sa capacité à accepter des offres aériennes bancales : peu de rotations, des aéroports secondaires, des frais à bord élevés… Mais il reconnait que sur le long courrier, l’offre peut être alléchante.

On le comprend mieux, l’offre low fare doit encore se peaufiner, se conforter en matière de services et offrir un écart tarifaire qui justifie que l’acheteur, comme le voyageur, vont la choisir. Visiblement nous n’en sommes pas là… Même si beaucoup pensent que le transport aérien doit se repenser. Mais à quels prix ?

A New York,
Philippe Lantris.