Actuelle, de quelle visibilité sur la data disposent les acheteurs et travel managers?
Keesup Choe : Les travel managers n’ont de la visibilité que sur 60% de leurs dépenses Travel. La problématique est la suivante : ils reçoivent des rapports de leur TMC avec un délai de plusieurs semaines. Or, ces derniers n’incluent pas toutes les dépenses, notamment celles liées aux cartes de crédit et celles que les voyageurs déclarent via l’outil Expense de l’entreprise. La data Travel pose deux challenges. Premièrement, de par le désordre et l’éclatement des données, les entreprises ne contrôlent pas la data/ Deuxièmement, une fois que l’on dispose des bons chiffres, on peut s’appuyer sur du machine learning. Mais sans visibilité sur le coût total, cela ne sert à rien.
Quelle est la particularité de la data « Travel » ?
Keesup Choe : Le Business Travel présente un défi unique et complexe lié à la data. Dans toutes les autres ‘business units’ d’une entreprise, la solution utilisée pour gérer l’activité est un système contrôlé par l'entreprise et sur lequel cette dernière a la main pour d’éventuels ajustements : le CRM, la solution de gestion des stocks, etc. Dans le voyage, les données de base sont traitées et gérées par un tiers, en l’occurrence par la TMC dans la plupart des cas. Le système de réservation et de stockage des dossiers n’est pas celui des entreprises, il s’agit en règle générale du GDS. Le Travel est quasiment le seul département sur lequel l’entreprise n'a pas de contrôle direct sur les données, leur granularité et les améliorations. Cela crée un challenge unique dans une perspective de recherche de coût total dans le Travel et l’activité Meetings & Events dans la mesure où l’entreprise doit intégrer de nombreuses sources de données. Cela se complexifie d’autant plus si elle est servie par plusieurs TMC et plusieurs fournisseurs de cartes de crédit. La difficulté émane également de la complexité des données : itinéraires complexes, segments de voyage multiples, certains réservés via la TMC, d’autres non, certains ayant bénéficié d’un upgrade…
Quel est l’enjeu de la visibilité sur le coût total du voyage ?
Keesup Choe : Un humain pourrait analyser l’ensemble des données pour déterminer le coût total du voyage, mais il n’est pas possible de le faire manuellement sur des centaines de milliers de transactions. Vous avez besoin d’un système reposant sur du machine learning pour calculer le coût total du voyage. L’idée est d’éviter les scénarios où les départements ne disposent plus de budget ‘Travel’ au troisième ou quatrième trimestre de l’année. Une bonne prédiction faite de manière anticipée dans l’année, mais surtout la compréhension de cette prédiction est essentielle car le DAF va pouvoir prendre des décisions éclairées sur les domaines stratégiques sur lesquels dépenser le budget de l’entreprise.
Comment la science comportementale et la data science peuvent être mises au service de l’acheteur ?
Keesup Choe : L’analyse du comportemental est la prochaine étape qui permettra de mieux comprendre les voyageurs. Il s’agit, à partir des données, de comprendre ce qui influence les cohortes. Ces données de base peuvent être la ponctualité d’un vol ou le temps total de voyage de porte à porte. En outre, certains voyageurs vont être influencés par les autres. Certains vont réserver X temps à l’avance, d’autres vont avoir tendance à sortir du cadre défini par l’entreprise. L’idée de la data science est de construire différents messages à destination de chaque classe de voyageurs pour influencer les comportements.
Comment voyez-vous la data et son exploitation évoluer?
Keesup Choe : Je pense que deux phénomènes liés à la data vont avoir lieu. Premièrement, la distribution décentralisée va s’accélérer et créer des opportunités ainsi que des risques. Il va y avoir davantage d’informations disponibles, comme des tarifs spécifiques et du contenu riche tel que des photos, etc. Ceci signifie que de nouvelles données vont être disponibles. Deuxièmement, l’automatisation reposant sur l’intelligence artificielle va se développer et permettre d’anticiper des disruptions, de réagir rapidement en envoyant les bons messages aux voyageurs, au bon moment. D’autre part, les équipes gérant le Travel au sein des entreprises sont souvent petites comparé aux budgets qu’elles doivent gérer. Le RPA –Robotics Process Automation- va prendre en charge les tâches répétitives.
Cette interview est issue du MOOK #2, plus d’infos ici Propos recueillis par Aurélie Krau.