Le « nudge », où l’art de faire adopter la politique voyages chez BCD

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Obtenir l’adhésion plutôt que de passer par la contrainte pour faire adopter la politique voyages par les salariés, tel est l’objectif du « nudge », l’art d’influencer les voyageurs d’affaires pour qu’ils fassent les « bons » choix, ceux qui rentrent dans la politique de leur employeur. La formule a été adoptée depuis 5 ans par Advito, la branche conseil de BCD Travel, avec un certain succès.

Comment faire accepter à des salariés une règle édictée par leur entreprise ? La question se pose en particulier dans le voyage d’affaires et notamment auprès de la génération Y, toujours convaincue de savoir mieux que son TM comment obtenir de meilleurs prix, quitte à contourner la politique voyages.

Depuis 5 ans, et sur les conseils de son cabinet Advito, BCD a adopté aux US puis en France une politique de « nudge ». Explications détaillées d’Olivier Benoît, Directeur général d’Advito, la branche conseil de BCD Travel.

DéplacementsPros.com : Commençons par le commencement, pourquoi faut-il convaincre les voyageurs d’affaires d’adopter des règles, ils sont si récalcitrants?

Olivier Benoît : La raison principale de convaincre les voyageurs d’affaires, c’est tout simplement de générer des économies pour l’entreprise. Les inciter à faire des choix informés et rationnels, cela permet de répondre à la fois aux besoins du voyageur et à ceux de l’entreprise. Du voyageur parce qu’on a répondu à sa volonté de se déplacer selon certains critères, et de l’entreprise parce que le voyageur a utilisé des fournisseurs avec lesquels elle a négocié des tarifs mais parfois aussi des services inclus et en tous cas, dans des critères de suivi des déplacements et de leur sécurité.

Dans ce contexte, il faut garder une approche positive. Le voyageur d’affaires a toujours la motivation de faire de bon choix. Mais dans le cadre du voyage d’affaires et s’il n’a pas tous les éléments, il risque de faire des choix qui ne correspondent pas à ceux de l’entreprise. Il n’est pas nécessairement rebelle, mais il ne connait pas nécessairement tous les critères de son entreprise.

Prenons l’exemple de l’hôtellerie, plus de 60% des nuits d’hôtel sont réservées par les salariés en direct, sans passer par le programme voyages défini par leur employeur. A titre personnel, les voyageurs d’affaires utilisent des outils performants et obtiennent parfois de meilleurs tarifs, ou du moins ils ont le sentiment d’avoir un meilleur tarif que l’entreprise. Ce qui les conforte dans l’impression qu’ils ont fait un bon choix. Mais est-ce que le wifi ou le petit déjeuner est inclus ? Est-ce que la résa est modifiable ou annulable au même prix ? In fine, le voyageur paiera en fait sans doute plus cher un service inférieur. Et l’entreprise ne bénéficiera pas des tarifs négociés avec certains hôtels.

DéplacementsPros.com : Vous avez-donc mis au point une politique de « nudge », de conviction?

Olivier Benoît : L’objectif n’est pas de « cadrer » le voyageur. Les politiques voyages sont souvent considérées comme punitives, rébarbatives, elles ne sont pas toujours faciles à trouver ou à lire et les outils sont souvent perçus comme moins faciles à utiliser que les outils grands publics. Ils sont donc facteurs de frustration et génèrent éventuellement des coûts supplémentaires.

Ce constat fait chez Advito il y a 5 ans nous a conduit à trouver une approche plus pertinente du point de vu de la rationalisation des dépenses, en obtenant la satisfaction des organisateurs de voyage et des voyageurs eux-mêmes. Il s’agit d’influencer le voyageur tout au long de son déplacement, pour qu’il fasse en permanence le bon choix, celui qui respecte les choix mûrement réfléchis de l’entreprise.

DéplacementsPros.com : Quels sont les outils que vous déployez?

Olivier Benoît : Nous utilisons toute la panoplie et les techniques de communication du marketing digital traditionnel. Tout d’abord on identifie avec l’entreprise les outils et les canaux dont elle dispose. Généralement nous faisons un « workshop » pour recenser les enjeux et les objectifs, vérifier et valider le plan de communication et les messages à faire passer : e-mails, réseaux sociaux de l’entreprise, messages texte et jusqu’aux outils de réservation en ligne qui peuvent être paramétrés. Ils sont particulièrement utiles puisqu’ils interviennent précisément au moment de la réservation. Nous utilisons également l’appli mobile Tripsource de BCD, pour communiquer des messages ciblés et géolocalisés aux moments clés.

En amont, pour Mondelez par exemple (NDLR : ex Kraft Foods, producteur des marques Milka, LU, Oreo, Côte d’Or, Toblerone…), nous avons créé de toutes pièces une marque Travel pour capter l’attention du voyageur. Cette marque donne des repères, elle a plus d’impact que les messages non-identifiés. Les messages sont courts et répétés, mais pas trop souvent non plus pour être efficaces.

Autre support très performant, les vidéos très courtes disponibles sur l’intranet de l’entreprise, via des rubriques, ou envoyés sur sollicitation par e-mail. Nous avons pu ainsi, par exemple, informer les voyageurs d’un nouveau programme avec une compagnie aérienne et les bénéfices à en attendre, pour des accès salons par exemple. Ces vidéos font passer des messages positifs, soulignent des conditions de voyage préférentielles et incitent ainsi à choisir la « bonne « compagnie.

DéplacementsPros.com : Quels sont les résultats que vous obtenez avec ce marketing de l’influence?

Olivier Benoît : Nous avons finalisé cette approche il y a 5 ans avec la création d’une équipe dédiée chez Advito et le recrutement d’experts de la communication digitale. Chez certains clients comme Mondelez, où nous nous sommes vu assigner des résultats il y a 3 ans, nous obtenons des résultats impressionnants de 20% d’économies réalisées sur le budget voyages d’affaires de ce client.

Pour l’aérien, nous avons analysé les comportements pour dénicher les pratiques vertueuses et nous nous sommes ainsi rendu compte par exemple, que nous pouvions obtenir une réduction de 40% des achats aériens dans les 15 derniers jours avant le déplacement, ce qui va à l’encontre des idées reçues.

DéplacementsPros.com : Vous obtenez un bon accueil pour ce « nudge » dans les entreprises?

Olivier Benoît : Oui parce que c’est très rentable pour elles. C’est même le type de mission qui se développe le plus chez Advito et le bénéfice en est double : il permet de concilier les besoins de l’entreprise avec ceux du voyageur, mais il valorise aussi le travail des acheteurs et des travel managers qui produisent un service considéré comme plus qualitatif pour les voyageurs.

BCD Travel est la seule TMC sur son marché à proposer ce service, et elle a déjà obtenu des résultats impressionnants pour suggérer sans imposer. Tout ce qui plait aux nouvelles générations.

Entretien réalisé par A. Fave