Les tarifs négociés, une assurance pour l’acheteur ?

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Les tarifs négociés « corporate » sont ils encore une assurance de performance pour l’acheteur dans sa mission d’optimisation ? Voilà une question essentielle pour le travel management.

Si le « confort » du voyageur est un critère qui progresse au sein des entreprises et se traduit progressivement dans leur démarche « achat » par de nouvelles exigences, la référence au prix reste prépondérante dans les appels d’offres et ne concerne pas uniquement les marchés publics, réputés pour cela.

Certaines études laissent entendre que l’utilisation des tarifs négociés corporate diminue d’années en années. Face à la multiplication d’offres internet (« webfares ») et des compagnies à bas coûts (qui s’intéressent au long courrier à présent !), elles ne représenteraient plus que 45 % des tarifs achetés par les entreprises aujourd’hui. En échangeant sur le sujet avec Déplacements Pros, il nous a semblé intéressant de faire le point sur ces contrats, leur utilisation et leur devenir.

Les transporteurs aériens et les hôteliers ont toujours cherché à fidéliser leur clientèle « affaires ». Pour certains acteurs, ce segment peut représenter plus de 70% de leur activité. Depuis longtemps maintenant, le prix a toujours été le critère majeur de décision et ces acteurs ont donc mis en place des offres spécialement dédiées aux entreprises pour atteindre cet objectif de rétention.

Dans l’aérien

Dans l’aérien, ces tarifs « corporate » varient en fonction des axes, du volume du client mais aussi, aujourd’hui, de la part de marché que l’entreprise va confier au transporteur dans son trafic total. La législation européenne étant assez contraignante pour les compagnies « nationales » sur leur territoire, celles-ci ont du adapter leurs offres pour s’assurer d’être en conformité avec le droit.

Ces grilles tarifaires concernent surtout les longs courriers et la haute contribution (classe économique plein tarif, classes premium éco, classe affaire, première quand elle existe encore !)
En France, les entreprises peuvent également négocier quelques accords sur le trafic domestique. Il représente une activité importante pour les sociétés implantées en région qui ont besoin de couvrir leurs besoins de déplacements en France, mais aussi à l’international (pré acheminements – source de « feed » qui contribue au remplissage des vols au départ des hubs (Paris Lyon Nantes…)

Les transporteurs souhaitent fidéliser les entreprises et leurs voyageurs. Elles conjuguent l’avantage prix, la flexibilité au confort (réseau et programmes de fidélisation) pour satisfaire aussi bien le voyageur que le payeur.

La flexibilité est un élément important pour l’homme d’affaires et l’avantage de ces tarifs « corporate » réside souvent dans la suppression des contraintes liées aux tarifs spéciaux dont les niveaux de prix deviennent alors accessibles aux entreprises.

Deux éléments viennent cependant perturber cette approche marketing.

Le premier est la multiplication des tarifs promotionnels en fonction du remplissage des vols. Les TMC disposent elles-mêmes de tarifs négociés qui répondent aux besoins et au trafic des clients. Elles sont aujourd’hui équipées de moteurs de recherches qui proposent bien souvent sur un même axe, voire un même vol, des tarifs plus intéressants que ceux publiés dans certaines grilles « corporate » (à destination de PME, notamment).
Ces tarifs sont alors souvent utilisés par les entreprises au détriment des grilles négociées, surtout, lorsque l’entreprise bénéficie d’un accord financier global sur le volume « volé » avec la compagnie concernée.

Le second élément est une conséquence du « yield management » en place aujourd’hui dans toutes les compagnies. Les grilles « corporate » sont réservables dans des classes de réservation spécifiques. Lorsque les tarifs sont très bas (c’est souvent le cas des compagnies asiatiques), le nombre de sièges attribués à ces niveaux tarifaires est souvent limité et ces classes de transport sont alors fermées à la vente. Certes, il existe encore quelques moyens d’obtenir le déblocage d’un siège auprès d’une direction commerciale pour un bon client. Mais ces démarches demandent du temps, de l’énergie que peu d’agences ont les moyens de mettre en œuvre depuis la disparition des commissions et la guerre des frais de services (voir mes récentes chroniques sur le frais à 0 €).

Le « best buy » devient alors l’approche privilégiée par les entreprises et leurs agences qui créent une plus grande valeur ajoutée vis à vis de leurs clients et dégagent alors une meilleure rémunération (marge – voir ma chronique sur le sujet)

Il ne faut pas oublier que ces négociations sont régies dans le cadre bien connu de l’offre et de la demande. Une compagnie aérienne sera plus agressive dans ses offres quand elle agit sur un marché étranger qu’elle ne le serait sur son territoire national. Lufthansa sera toujours moins chers ailleurs qu’en Allemagne, son marché national. Mais les niveaux tarifaires proposés seront également liés à plus ou moins de contraintes en fonction du prix, et notamment, plus ce dernier sera bas, plus le « robinet » d’accès au stock sera fermé.

Le rôle du travel manager, de l’acheteur, mais aussi de leur TMC est alors essentiel. Car ces accords doivent être ensuite gérés de façon optimale. En effet, au retour de Singapour, l’entreprise aura plus facilement accès à des prix bas si le voyageur effectue son trajet un mardi que s’il souhaite rentrer le dimanche avec tout le monde. Si c’est pour autant son cas, plus tôt l’entreprise réservera, plus de chance aura-t-elle d’accéder au meilleur prix de son accord. C’est aussi la raison pour laquelle les entreprises se voient proposer des remises de fin de période sur la totalité de leur trafic. Ainsi, même si elles ne bénéficient pas toujours du prix le plus bas, elles perçoivent en fin d’exercice un avantage financier non négligeable sur l’ensemble de la billetterie volée sur la compagnie.

Les plus grands comptes continuent à privilégier la négociation de grilles tarifaires leur garantissant le respect de leur politique voyages et des tarifs « maîtrisés » dans un processus simplifié. Ils sont aussi un moyen de contribuer au contrôle des dépenses, au respect des politiques achat, à la sécurité et au « confort » de leurs voyageurs. En effet, les voyageurs « corporate » sont identifiés par la compagnie et traités en priorité en cas de problème ou d’incidents (grève, alerte météo…)

Pour autant, aucun acheteur de ces grandes entreprises, ne déclare aujourd’hui s’abstenir de comparer leurs accords avec les tarifs marché. Ceux-ci deviennent leur référence pour leurs négociations à venir. Pour certains, ils imposent à leur TMC l’application du meilleur tarif disponible (accord négocié ou non). Certains ont même décidé de ne plus accepter de remise globale sur leur trafic. Seul le prix, au regard de la prestation achetée, devient l’élément de choix. Cette notion de « prestation achetée » est très importante. Ces grands comptes intègrent l’analyse du besoin dans leur décision d’achat. Une d’entre elles précise : « un directeur qui organise sa réunion d’équipe US chaque premier lundi du mois peut programmer ses déplacements sur le long terme et aura très peu de chance de devoir les annuler. Nous lui recommanderons donc de prendre des tarifs bas accessibles à l’avance. Par contre, un commercial, habitué à de très nombreuses modifications de voyages du fait de ses clients, se verra recommander de choisir un tarif plus élevé mais flexible à souhait ». Cet acheteur parle de « best purchase ».

Les compagnies ont bien compris ce mouvement de benchmark et s’inscrivent d’ailleurs dans la durée pour conserver la confiance de leurs clients. Ces adaptations multiples et nécessaires rendent les contrats « corporate » de plus en plus précis au regard des besoins des entreprises et leur épaisseur ne cesse de croître

Dans l'hôtellerie

Dans l’hôtellerie, l’objectif des professionnels est le même. La fidélisation de la clientèle affaires passe par des accords tarifaires agrémentés d’avantages services.

Trois approches sont possibles :

- Une grille de prix « lissés » sur l’année par villes et établissements fréquentés. Ces tarifs tiennent compte des saisonnalités (vacances, évènements (foires, congrès, salons).
- Un accord basé sur le « BAR », « Best Available Rate », assorti d’une possible remise sur le volume global.
- Une grille de prix « lissés » mais « switchables » avec le « BAR » si le niveau de ce dernier est inférieur.

Ces différentes approches commerciales illustrent l’adaptation des hôteliers dans leurs offres « Corporate » face aux reproches des entreprises.
Leurs griefs sont similaires à celles formulées pour l’aérien. Les « web fares » (tarifs disponibles sur le net) et les offres des consolidateurs (hotel.com par exemple) sont souvent plus intéressantes que les grilles « corporate ». Les entreprises choisissent donc, là encore, une approche « best buy » !

Second reproche, leurs tarifs « corporate » ne sont pas toujours réservables (périodes de foires et salons dans les métropoles). Pour répondre à ce reproche récurrent, certaines chaînes tentent de s’engager à proposer des disponibilités garanties et des services complémentaires (petits déjeuners inclus, chambre supérieure, club affaire…).

Les entreprises maîtrisent encore très mal leurs achats hôtels. Ils pèsent pourtant entre 20 et 40% du budget voyage (si l’on inclut ou non la restauration). Les plateformes hôtelières (HBT), les outils de réservations en ligne (SBT) et les GDS (outils de réservation utilisés par les agences) apportent des solutions en terme de contenu, d’accès à celui-ci et de contrôle du prix. Leur succès est croissant car ces outils répondent à un besoin prioritaire des entreprises.

Comme pour l’aérien, les possibilités restent nombreuses et les entreprises ont bien compris que les canaux de distribution sont multiples et doivent être tous explorés pour assurer un bon achat au meilleur prix. Le rôle des TMC et leur équipement informatique sont clef pour assurer à l’entreprise une démarche achat performante et de qualité dans un environnement toujours plus concurrentiel et mouvant dans lequel l’utilisation des tarifs « corporate » ne peut être la seule option.

Les PME et ETI (entreprise de taille intermédiaire) s’orientent souvent vers des achats d’opportunité, profitant de la dérégulation et de la concurrence. A noter, cependant, qu’elles peuvent bénéficier d’offres intéressantes des transporteurs et des hôteliers, plus adaptées et plus facilement commercialisées grâce à internet.
En résumé, les entreprises cherchent la réponse à trois besoins : le meilleur prix, la maîtrise de leur budget et le meilleur équilibre entre l’économie et la souplesse.

L’environnement concurrentiel, la dérégulation et le poids du yield management ont rendu la mission de l’acheteur plus complexe que par le passé. Le rôle du travel manager dans les grandes entreprises et de la TMC est essentiel pour faire le meilleur choix lors de chaque déplacement pour organiser chaque mission au mieux des intérêts de l’entreprise et des besoins précis de son voyageur. Un voyage d’affaire n’est pas un séjour golfique ! C’est un investissement de l’entreprise et l’organisation de la mission dans ses moindres détails sera clef de succès de celle-ci ou source d’échec. C’est la raison pour laquelle ces contrats « corporate » restent importants pour les entreprises qui doivent les négocier et les utiliser avec soin. Les TMC et autres cabinets conseil ont bien compris ce besoin et s’inscrivent souvent à leurs côtés pour les y aider.

Régis Chambert
RC2 Conseil
A propos de RC2

RC2, Régis Chambert Consulting, est une SARL créée en 2010 dans le but de mettre à la disposition de ses clients un savoir faire, une expérience de plus de 30 années dans le management d'entreprises Françaises, puis internationales, dotées d’organisations très diverses, traditionnelles ou matricielles et globales.
Régis Chambert a été Vice président - Directeur Général d'American Express Voyages puis présidé Avexia Voyages de 2011 à fin 2013.
La réflexion stratégique, la marque, la conduite du changement, la formation et le coaching sont les principaux domaines dans lesquels Régis Chambert intervient.

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