Les technologies qui vont bouleverser le rôle du mobile dans le voyage d’affaires

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Le futur du voyage d'affaires sera mobile où ne sera pas. Tous les spécialistes sont formels, pour faire évoluer la gestion des déplacements d'affaires sur téléphone comme sur tablettes, il faut s'intéresser aux technologies naissantes qui vont changer la donne d'ici deux ans. Inventaire de ce qui devrait arriver sur le marché d'ici quelques mois.

Contrairement aux idées reçues, la plupart des spécialistes reste persuadés que c'est le voyageur qui fera l'avenir de la mobilité…à condition que l'entreprise comprenne l'enjeu et accepte le principe d'ouvrir les achats de déplacements professionnels via les mobiles. Cette vision, largement portée par les développeurs d'applications, repose sur un principe simple : offrir aux voyageurs les outils qu'il attend et dont il se servira réellement sur le terrain. Actuellement une appli sur deux ne dépasse pas les 15 jours de durée de vie sur le téléphone des quelques 700 000 professionnels utilisateurs de mobiles en voyage, la marge de créativité est donc encore forte! On connaît aujourd'hui toutes les applications des TMC pour smartphone, capables de gérer en temps réel les retards, d'analyser les besoins sécuritaires ou d'engager une nouvelle soumission de billet en cas d'avions ou de trains manqués. Mais si toutes ont le mérite d'être (un peu) innovantes… Toutes se ressemblent.
 
Au-delà, le mobile veut aller plus loin en devenant le noyau central de toute réservation de voyages. Que ce soit pendant le déplacement, lors de la préparation ou après, pour la gestion et l'émission des notes de frais associées, pour l'aérien, l'hôtellerie comme pour le taxi moto. Toutes ces technologies nouvelles, qui reposent en grande partie sur la voix, l'intelligence artificielle et la géolocalisation existent individuellement. Toutes sont à perfectionner. Toutes sont à mixer les unes avec les autres pour obtenir l'efficacité attendue par l'utilisateur. Prenons la reconnaissance vocale, intégrée à Apple ou portable Android: elle devient capable d'assurer les recherches sur le Web et d'obtenir les informations qui faciliteront le contact entre le voyageur et le fournisseur que ce soit dans le monde de l'aérien ou du ferroviaire. Idem pour l'intelligence artificielle qui intègre aujourd'hui les profils voyageurs... sans pour autant les aider dans la longue chaîne du voyage. Mais le vocal n'est pas encore utilisé pour envoyer une demande de voyages à l'approbation, retourner les informations directement liées aux déplacements ou piloter un dialogue entre le voyageur et les bases de données. C'est en Californie, à Stanford, que se développent aujourd'hui ces outils indispensables au pilotage à la voix d'un smartphone.
 
Rien ne sera annoncé officiellement avant 18 mois mais d'ores et déjà les dangers de ces technologies nouvelles sont nombreux. Le premier, évident, et qu'il va permettre d'associer directement le fournisseur aux voyageurs en créant dans l'entreprise un centre de gestion exclusivement accessible aux personnes qui en ont la charge. Lufthansa et bien d'autres compagnies aériennes l'ont compris. Que deviendront alors les TMC ? Peut-on alors parler d'une facturation à l'acte, les fameux fees, ou devra-t-on aborder un sujet plus complexe, celui de l'abonnement que chaque voyageur pourra, via sa société, souscrire à une plate-forme de gestion ? Personne aujourd'hui ne peut dire qu'elle sera le modèle économique utilisé, même si beaucoup affirment que le mobile évitera de passer par l'agence de voyages qui sera alors réservée aux seuls voyages complexes. Ils ne représentent que 10 à 15% des déplacements dans les grandes entreprises.
 
Autre technologie mise en danger, l'open booking qui ne veut plus dire grand-chose dans les développements que nous allons évoquer. La notion de contrôle permanent, chère aux travel managers et aux acheteurs, est largement bousculée par les nouveaux logiciels qui, outre le renforcement de la sécurité sur le terrain, permettent une visualisation en temps réel des dépenses effectuées par le voyageur et la possibilité de l'en informer si celles-ci dépassent les montants autorisés. Il ne s'agit pas d'un flicage, comme pourrait le penser certains utilisateurs, mais d'une réelle assistance en ligne indispensable à l'évolution des technologies du voyage d'affaires.

Open booking et door to door sont à repenser

C'est souvent un polichinelle que l'on agite devant les yeux des acheteurs pour les menacer du pire si, demain, ils laissaient leurs voyageurs acheter eux-mêmes leurs déplacements professionnels. Mais l'open booking, contrairement à ce que peuvent affirmer bon nombre d'acteurs du domaine et des associations professionnelles, ce n'est pas la liberté à tout crin. C'est là, toute l'erreur d'interprétation souvent faite sur le terme utilisé et qui conduit aujourd'hui à refuser son implémentation sans que, pour autant, une analyse réelle du besoin ou des éventuelles économies réalisables soit effectuée.
Aujourd'hui, on voit arriver des modules spécifiquement dédiés à la réservation en ligne sur mobile. Un outil d'achat ouvert qui repose principalement sur des techniques de validation et de vérification. Le tout associé à des API dont la finalité, via smartphone, est de se connecter aux serveurs des fournisseurs, sans passer par la "case agences de voyages". Ce principe intégré aujourd'hui aux téléphones mobiles et d'une logique sans faille : relier la demande du voyageur aux outils de l'entreprise via des fournisseurs, eux-mêmes sensibilisés aux besoins de reporting et de contrôle de leurs clients. L'évolution qui devrait profiter le plus du mobile sera la nouvelle mouture du Door to Door qui, enrichi de modules d'intelligence artificielle, permettra automatiquement de donner les informations géolocalisées. Y compris pour les taxis, les bus voire même les vélos électriques en libre-service. Mais qui voudra payer pour des systèmes qui seront accessibles à tous via le net ? L'enjeu de la commercialisation est de taille !

Intelligence artificielle et portables

Née dans les années 80, l'intelligence artificielle est un serpent de mer qui commence à peine à révéler toute sa puissance. A sa naissance, la technologie laissait imaginer des millions d'utilisations. La réalité est plus soft. Mais on sait aujourd'hui qu'elle peut avec brio assister l'homme dans une grande partie de ses activités. Il y a 30 ans, on évoquait l'intelligence artificielle pour des projets souvent domotiques comme l'extinction automatique des lumières à la sortie d'un bureau, la gestion du chauffage ou des volets roulants bref une multitude d'actions intelligentes assistées par ordinateur. Aujourd'hui, elle va bien plus loin en permettant d'automatiser et de réfléchir sur des tâches, parfois primaires, mais indispensables au quotidien.
Dans le monde du voyage d'affaires, l'intelligence artificielle va largement anticiper les attentes du voyageur pour lui proposer des actions liées directement à ses déplacements professionnels. On voit donc arriver des logiciels qui vont analyser des mails ou un agenda, noter les rendez-vous indiqués, proposer des outils de déplacements pour les optimiser et calculer, quasiment en temps réel, le meilleur prix au meilleur moment. Au-delà, en cas de souci la gestion des solutions de remplacement se fera sans aucune intervention humaine et en toute transparence. Pas moins de 600 fonctionnalités de ce type sont présentées tous les ans par les petits génies américains, israéliens et européens. Autant de startups qui ont compris que simplifier, c'est s'ouvrir les portes de la réussite.
 

Des optimiseurs de profils

On le sait, voyager est un besoin naturel pour les entreprises qui doivent conquérir de nouveaux marchés et se développer. Mais voyager ne peut pas seulement signifier aller d'un point à un autre sans avoir une réflexion intelligente sur le déplacement et l'associer à la finalité attendue par l'entreprise, le fameux ROI. Aujourd'hui, plusieurs sociétés californiennes et allemandes travaillent à des optimiseurs de profil qui vont fonctionner à l'image d'une veille technologique ou économique pour déterminer et aider le voyageur à choisir un voyage, une visioconférence ou tout autre moyen de communication entre deux sites.
Ces optimiseurs, jusqu'alors réservés à de puissants ordinateurs, commencent à être présents dans des modules destinés aux mobiles pour aider le voyageur, une fois sur place, à optimiser son temps. Couplés à des outils d'intelligence artificielle, ils optimisent les besoins et sont forces de propositions. L'un des exemples les plus frappants, développé pour une société automobile allemande, permet d'analyser les 18 derniers mois de relations commerciales et proposera automatiquement à un voyageur d'aller rencontrer un prospect situé à proximité du premier rendez-vous, et qui mérite la visite en fonction de l'historique commercial analysé. L'idée, c'est l'économie de moyens et l'optimisation des déplacements ainsi offerts aux voyageurs.
Des modules complémentaires de profils, liés directement au ROI du déplacement, commencent également à être développés pour faciliter la relation entre tous les acteurs économiques de l'entreprise. Mais rien de bien concret sur les marchés avant deux ou trois ans.
 

Le vocal monte en puissance

On l'aura compris, la prochaine révolution informatique sera portée par la voix. Le principe de base : gagner du temps en parlant son ordinateur est plus facile qu'en tapant sur un clavier les éléments de langage que l'on veut échanger. Mais au-delà, c'est là encore l'association de l'intelligence artificielle et du vocal qui donnera toute sa valeur aux logiciels qui seront spécifiquement dédiés au business travel. L'une des grandes idées, développée entre autres par Google, est de faire que le langage naturel devienne langage de référence de l'informatique. On parlera à son téléphone comme on parlerait à son agence de voyages. Sur ces marchés innovants, la tentation de voire un Google ou un Bing entrer dans le jeu est forte. Google n'a pas caché son intérêt pour la résa mobile, principalement dans l'aérien et le l'hôtellerie. Apple, avec Siri et l'intégration d'outils de gestion de la data, travaille depuis quelques mois à une boutique virtuelle qui intégrerait les voyages. Le jeu est ouvert et la prime ira sans doute à celui qui tirera les premiers.

Gérer les moyens de paiement

Il n'y aura aucune évolution de la mobilité en voyage d'affaires sans l'association de moyens de paiement sûrs et efficaces. La dématérialisation est en marche et permet déjà d'engager un voyage sans que le voyageur ait besoin de sortir sa carte de paiement. Mais au-delà, la gestion de la dématérialisation passe par des outils de sécurité des moyens de paiements. Apple comme Google répondent à ces questions, via les portemonnaies électroniques, qui seront à terme associés à des cartes logées dotées d'une triple validation : le voyageur, l'acheteur, la banque.
Aujourd'hui, les premiers prototypes sont loin de donner totalement satisfaction et leur intégration ne fait que débuter mais, comme le précise Patrick Diemer, patron d'AirPlus "il n'y a plus aucun domaine des déplacements professionnels qui ne sera pas concerné par la dématérialisation, la seule technologie qui permettra le développement de la mobilité".
 

Une géolocalisation avec alerte intégrée

La géolocalisation est un faux problème pour la sécurité du voyageur. Désormais, toutes les entreprises spécialisées dans cet univers fournissent aux entreprises des informations précises de géolocalisation. On le sait, malgré les règles législatives, on se dirige lentement vers une surveillance accrue des déplacements professionnels via des technologies de plus en plus simples et intégrées au smartphone du voyageur. Il reste à définir les limites de cette sécurité active (aujourd'hui considérée comme passive) pour l'intégrer intelligemment aux gestionnaires de voyages mobiles.
Plusieurs pistes sont en cours de développement. L'une d'entre elles, issue du MIT à Boston, privilégie la notion d'alertes paramétrées - comme la politique voyages - en fonction des attentes de l'entreprise. Il s'agit d'une simple information en Push, capable d'alerter l'entreprise et par là même le voyageur, pour lui signifier les dangers qu'il encourt dans tel ou tel pays voire dans telle ou telle région et pourquoi pas dans tel ou tel quartier. Au-delà, les optimiseurs, enrichis de cette géolocalisation, pourront proposer des itinéraires ou des variantes aux déplacements professionnels engagés.
Il rste à se demander à quoi vont servir toutes ces innovations ? La réponse est naturelle: diminuer les coûts et simplifier le voyage d'affaires. D'autant que toutes s'appuient sur la transparence technologique au profit de l'efficacité sur le terrain. Nous sommes loin des premières innovations du business travel autrefois limitées aux seuls SBT. Aujourd'hui les acteurs sont nombreux, très concurrentiels entre eux et seul le meilleur gagnera. Quand l'entreprise l'aura compris, et assimilé, nul doute que la bataille technologique ne fera que débuter.
 
Philippe Lantris