Rocio Jolivet, Oman Air: « Les acheteurs ne savent pas toujours que nous allons au-delà d’Oman! »

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Avec 52 destinations, 47 avions, un nouveau terminal en construction à Mascate (son hub dans le Golfe), la compagnie Oman Air prétend concurrencer ses géants voisins par des atouts de service. Et, très vite, le déploiement à son tour à Paris d'un B787 "by Oman Air", attendu pour la saison été qui débute le 26 mars prochain.

"Nous attendons beaucoup de 2017 qui devrait nous amener une hausse du nombre de voyageurs vers les grandes destinations indiennes ou chinoises que nous desservons", explique Rocio Jolivet, DG de la compagnie en France, qui met en avant le vol quotidien au départ de Paris mis en place au mois d’octobre dernier. Un atout pour les voyageurs d’affaires.

Les chiffres de 2016 démontrent largement l’engouement des entreprises françaises pour le sultanat d’Oman et sa compagnie aérienne. Avec une fréquentation élevée - près de 69 000 passagers avec plus des deux tiers au-delà de Mascate, la capitale – le taux d’occupation, proche des 90 %, confirme la dynamique engagée par la compagnie après 2015, une année noire. Economiquement, Oman Air a réalisé à Paris en 2016 une croissance de 45% avec une hausse des revenus de plus de 35%. De quoi donner du sourire à l’équipe commerciale qui compte Thalès comme premier client Corporate.

L’arrivée du nouveau Dreamliner 787-9 d'Oman Air (jusqu'ici le Dreamliner était loué) sera le point d’orgue des nouveautés mis en place pour l’année qui débute, "Dès le mois de mars prochain, nous allons offrir plus de capacités avec 30 sièges en business", souligne Rocio qui attend impatiemment la mise en place de ce nouvel avion prévue avec la saison été.
Pour accompagner son développement, Oman Air veut aujourd’hui veut sortir du seul cliché idyllique que porte le Sultanat. "Bien sûr, le poids du loisir est fort mais nos clients voyageurs d’affaires vont souvent au-delà du hub, en particulier vers l’Inde. Nous desservons entre autres Chennai, Delhi, Cochin, Hyderabad ou Bangalore. Des villes très demandées par les entreprises françaises et européennes". Et Rocio de poursuivre: "Nous sommes aussi présents en Chine et l’ouverture récente des vols vers Canton (Guangzhou) répond aux attentes de nos clients".

L’autre outil attendu par la compagnie, c’est la mise en service du nouveau terminal en cours de construction à Oman: "Il va nous permettre d’accueillir 22 millions de passager avec une expérience client forte", explique Ihab A. Sorial, Senior Vice-Président des ventes internationales, "Nos avions serons au contact et notre parcours entre l’enregistrement et l’embarquement sera repensé pour offrir le meilleur de Muscat et d’Oman". Mais à ce jour aucune date officielle n’est donnée. La finition a pris du retard et si l’on évoque désormais l’été 2017, beaucoup tablent sur la fin de l’année.

La plate-forme n'est qu'un outil au service de grandes ambitions: "Non, nous ne sommes pas seulement la petite compagnie du Golfe, parent pauvre des géants qui nous entourent", sourit Ihab A. Sorial, Senior Vice-Président des ventes internationales, "En 2020, nous proposerons plus de 75 destinations contre 52 aujourd’hui avec comme maître-mot, la volonté d’un développement raisonné qui s’appuie sur des analyses de marché et un regard permanent sur la demande de nos voyageurs. Nous ouvrirons Nairobi en mars 2017 sur ces bases. Toujours en 2020, notre flotte sera de 70 appareils contre 47 aujourd’hui. C’est la preuve concrète et visible que nous nous donnons tous les atouts pour rester compétitifs". Pour cet ancien de Qatar Airways, le choix des prochaines ouvertures doit répondre à une logique des marchés et non à un simple effet de muscle pour montrer sa force et sa puissance. "En étant malins et réactifs, nous développons un réseau solide et concurrentiel", affirme Ihab. Une obligation de réussite car, dès l’an prochain, les 7 millions d’euros que versait annuellement le gouvernement à la compagnie seront supprimés même si, pour beaucoup, il sera difficile pour le Sultanat de se désengager totalement de la compagnie nationale.

Pour réussir ce développement sans aide publique, Oman Air compte sur sa capacité à générer de nouveaux marchés avec de nouvelles machines. "Le 787-9 à nos couleurs qui sera en service sur Paris va doubler notre capacité en business class", détaille Rocio Jolivet, "Certains jours nous sommes un peu courts, avec nos 18 sièges seulement". Mais dans les faits, le calcul est un peu faussé. Aujourd’hui, la compagnie utilise un appareil loué à Kenyan Airways avec 30 sièges en classe avant. Une configuration qui donne déjà une idée de la capacité disponible en 2017 une fois le nouvel avion positionné sur Paris.

Avec le passage au quotidien déjà réalisé en octobre et le nouvel appareil, la capacité augmentera en effet de 75 % au printemps 2017 par rapport à la configuration au printemps 2016. Oman Air ne veut pas évoquer pour l’instant la présence d’une Premium. "Elle ne correspond pas à nos marchés", estime Ihab A. Sorial qui ne veut pas pour autant fermer la porte, "En l’état et à ce jour, nous n’avons pas de projets en ce sens".

Enfin, avec le wifi à bord, Oman Air a su séduire ses passagers. Certes, la tarification reste élevée d’autant qu’en business, la tendance à la gratuité se développe. Une piste de réflexion pour les dirigeants qui mettent en avant une qualité globale: "Nos clients le disent, notre service est bon", note Rocio, "Au départ de Paris, nous allons chercher les classes affaires en limousine, à Mascate nous avons un terminal d’enregistrement dédié à la classe affaires et nos salons sont accueillants et agréables".
Les services c'est bien, mais la bataille véritable avec la concurrence se porte plus sur les prix que sur l’équipement des avions. "Je trouve que le prix des billets d’avion est très bas aujourd’hui", reconnait la Country Manager France de la compagnie. "Toutes les entreprises savent qu’il faut faire des bénéfices pour se développer et avancer. Cette tendance à la baisse pénalise toutes les compagnies aériennes dans le monde", remarque Rocio Jolivet qui reconnaît cependant que l’agressivité tarifaire d’Oman Air est jugée comme un atout de taille par les acheteurs français. "Je dis souvent que la première mission est de faire découvrir notre compagnie aux acheteurs français. Il est vrai que le prix est devenu une arme. Mais une fois qu’ils nous connaissent, ce n’est pas le tarif qui les pousse à venir chez nous, c’est le sens de l’accueil traditionnel et chaleureux accompagné des services en vol ou au sol ". Globalement, Oman Air est bien positionné vers l’Inde ou la Chine avec un billet business vendu environ 2500 €, hors promotion.

Autre point essentiel que travaille la compagnie, la diversité de sa distribution. "Aujourd’hui, la vente directe via notre site représente 1/3 de notre marché. 22 à 23 % de la commercialisation sont assurés par les OTA et environ 12 à 13 % via les TMC. Sans oublier la vente aux TO qui propose la destination", explique Rocio qui ajoute que 25 entreprises sont en contrat avec Oman Air dont 7 "très beaux contrats", elle n’en dira pas plus.

L’autre force de la compagnie est de disposer d’un contrat de pré acheminement avec Air France. Il est donc possible pour les entreprises de province de s’enregistrer dès le départ pour leur destination finale. "C’est une solution très appréciée des voyageurs d’affaires", détaille Rocio Jolivet, "Elle nous permet d’avoir des offres de bout en bout qui reste commercialement compétitives".

On l’aura compris, Oman Air n’entend pas jouer un rôle de second plan. La volonté est claire, les efforts engagés et les premiers objectifs atteints. Face à la demande vers l’Asie, la compagnie sait qu’elle a une carte à jouer. "Nous faisons tout pour être des compétiteurs reconnus par les entreprises française", confirme Rocio qui ajoute avec un grand sourire, "Et c’est bien parti".

M.L.