SNCF: les points durs de la grève créent les perturbations maximales

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Les syndicalts de la SNCF devraient recevoir aujourd'hui lundi 6 juin les toutes dernières propositions des employeurs du rail pour leur future convention collective. Pour l'heure et avec moins de 10% de grévistes, la SNCF connait un trafic toujours très perturbé. Comme notre chroniqueur l'avait pressenti, le mouvement dure donc. De quoi inspirer un nouveau Coup de Pat.

Les Assemblées générales organisées vendredi puis samedi à la SNCF ont toutes reconduit le mouvement. Mais c’est toujours comme ça. Certains leaders syndicaux savent y faire pour galvaniser les troupes . Mais par définition, ces rassemblements ne représentent au mieux que les grévistes d’un site ferroviaire. Soit, selon la SNCF, 17 % le 2 juin mais plus que 10 % le 3 juin. Des chiffres bas. Les organisations syndicales de cheminots considèrent d’ordinaire qu’une grève se doit de rassembler au moins 30 ou 35 % des effectifs, sauf à devoir passer assez rapidement à autre chose.

Cela-dit, au-delà de ces chiffres englobant des catégories professionnelles qui se mobilisent peu (directions, encadrement de proximité, administratifs, services d’appui éloignés de l’opérationnel…), force est de constater qu’il y a des points durs.

Si le secteur de Paris-Sud-Est (sites ferroviaires de Paris-gare-de-Lyon) n’affichait qu’un taux de grévistes de quelques 20 % le 3 juin (ce qui est déjà le double de la moyenne nationale), les agents de conduite y suivaient le mouvement à 75 % et les contrôleurs à 50 %. A la SNCF, Paris-Sud-Est constitue le bastion historique de SUD-Rail. Ceci expliquant peut-être cela, avec en conséquence une CGT inévitablement plus radicale aussi. Il y a longtemps que les organisations syndicales réformistes n’y font plus recette. Même l’UNSA - dont la structure nationale a pourtant levé le mot d’ordre de grève - doit faire avec ses militants locaux qui, eux, continuent.

Autre exemple, la région Bretagne, terre davantage réformiste. Le taux de grévistes n’y est que de 11 %, très proche de la moyenne nationale. Mais il faut quand même compter avec un bon tiers des contrôleurs et des agents de conduite ayant cessé le travail.

Malgré la grève reconduite, une amélioration de la circulation des trains ce lundi 6 juin ?
C’est assez probable et ce sera aussi tactique de la part de la SNCF.

Les contrôleurs, au-delà de leur mission de sauvegarde des recettes et de présence commerciale à bord, accompagnent les trains pour des raisons de sécurité (sauf "équipement à agent seul ", lire le seul conducteur, sur quelques lignes régionales). Pour permettre la mise en circulation du maximum de trains, notamment TGV, la SNCF réduit leur présence à bord. Là où on elle en met habituellement deux, elle fera avec un seul. Au pire, elle remplacera l’agent de métier par un cadre ayant les habilitations minimales de sécurité. Mais pallier à l’absence d’un agent de conduite, c’est par nature plus difficile.

La SNCF invitait d’ailleurs ses clients à annuler ou différer leurs déplacements prévus du 3 au 5 juin. En bornant ainsi sa recommandation, envisage-t-elle une amélioration pour le 6 juin ? Sans doute.
D’une part, parce que son expérience des mouvements sociaux lui fait savoir que le passage du premier week-end d’une grève prolongée est toujours un tournant. Dès ce lundi, elle peut donc croiser les doigts et espérer une mobilisation baissant significativement. Et pour accompagner au moment opportun ce mouvement de repli, elle aura souhaité garder quelques ressources pour faire rouler le maximum de trains. En tout cas davantage que les jours précédents. La grève, c’est aussi la guerre psychologique.
 

Les négociations en cours

Ce lundi 6 juin, les partenaires sociaux se rencontrent  officiellement. Nul ne doute que, dans les coulisses, ils se seront parlé avant, pendant ce week-end. La lecture attentive (entre les lignes parfois) de l’abondante communication des organisations syndicales de cheminots est instructive à ce sujet.

Trouver une porte de sortie pour la CGT ?
Qu’est-ce que la CGT peut raisonnablement espérer et que les pouvoirs publics auraient peut-être tort de ne pas lui accorder ?
C’est écrit dans l’un de ses tracts : « (…) Seules des organisations syndicales minoritaires pourraient prendre la responsabilité de clore de manière précipitée les négociations en cours.  (…) le décret socle stipule le maintien de la réglementation (actuelle, NDLR) jusqu’au changement de service du 11 décembre prochain. Pour la CGT, il n’y a donc pas lieu de précipiter l’ouverture à signature de la CCN (…).
Or, si UNSA et CFDT comptabilisent un score de représentativité suffisant pour valider un accord d’entreprise et une convention collective (30 % à eux deux), la CGT peut user d’une opposition légale avec le concours de SUD (plus de 50 % de représentativité ensemble).

Dans ce cas, adieu veau, vache, cochon ! L’accord d’entreprise imposé par le gouvernement maintenant la règlementation interne à la SNCF tomberait. Encore que les pouvoirs publics peuvent toujours prendre un décret puisque cette réglementation historique en est en fait déjà un. Mais point non plus de convention collective pour le secteur ferroviaire, ce qui ne ferait assurément l’affaire que des membres les plus libéraux de l’organisation patronale professionnelle, l’U.T.P. (Union des Transports Publics), au grand dam de la SNCF et de manière contre-productive pour l’ensemble des organisations syndicales de cheminots, CGT comprise.
Sacré dilemme pour la CGT. Le pire serait de l’acculer ! La CGT aura du mal avec SUD-Rail, mais ça, elle le sait depuis le début. Puisqu’elle dit qu’il n’y pas urgence à tout verrouiller, tout le monde serait sans doute bien inspiré de lui laisser un peu de temps.
Au 6ème jour de reconduction de cette grève, c’est la seule chose pour le moment tangible.

Les recadrages de la semaine dernière permettent de deviner que la direction SNCF fera ce que son Ministre de tutelle lui dira de faire. S’il faut différer l’accord d’entreprise, elle diffèrera. Côté organisation patronale U.T.P. et convention collective, c’est plus difficile. Le gouvernement n’a pas la main. Et l’U.T.P est sur une posture de ne rien vouloir entendre pour repousser la signature de la convention au-delà de la date prévue (8 juin). A prendre ou à laisser, semble-t-elle dire.

La fédération CGT-Cheminots a d’ailleurs appelé ses militants à se mobiliser dans les entreprises ferroviaires privées pour bien se faire comprendre de l’U.T.P.  Car c’est sans doute là que se joue maintenant la suite et la seule porte de sortie immédiate potentiellement à portée de main.
Au-delà, ce sera le 10 juin et l’ouverture de l’Euro de football, échéance à atteindre coûte que coûte pour les uns, chiffon rouge pour les autres. Et le tarif de sortie de crise risque alors de ne plus être le même.

Un ou deux jours encore pour que ça se décante
Même si notre hypothèse se vérifie - ce qui, amis lecteurs, constitue une grosse prise de risque du chroniqueur - il faudra sans doute encore compter 24 ou 48 heures pour que ça se décante. Une grève reconductible à la SNCF est comme un train lancé à grande vitesse. Il ne s’arrête pas instantanément.

Mais assurément, au rythme des Assemblées générales dont les rangs ne peuvent que s’éclaircir, du pourcentage de grévistes qui va sans doute inévitablement se tasser encore de jour en jour, du plus grand nombre de circulations ferroviaires que la SNCF fera tout pour assurer en ce début de semaine (les crues ne l’aident pas bien entendu), de la CGT qui risque de douter de sa stratégie…, pour toutes les parties impliquées, il y a un tournant à ne pas rater.

A bien négocier, si vous préférez.

PAT