Sébastien Guyot, Air France : « Sim-pli-fier le contrat et la relation client »

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Pour beaucoup d’acheteurs, le groupe Air France-KLM ressemble un peu à une nébuleuse. Un sentiment souvent partagé par les voyageurs eux-mêmes. Nommé il y a moins d’un an à la Direction des ventes, entreprises et agences du marché France, Sébastien Guyot a pris ses marques avec un leitmotiv : simplifier et fluidifier la relation avec les entreprises et les agences.

"Un seul contrat pour toutes les marques", c’est la promesse que fait le groupe Air France aux entreprises. Que les vols concernent Air France, Hop !, Transavia, KLM ou même Delta et, depuis janvier, China Eastern, "la commercialisation fait fi des marques", souligne Sébastien Guyot qui, à 41 ans, gère depuis juillet 2016 une équipe d’un peu plus de 400 personnes, dont 120 dédiées au Corporate. Dans un environnement très concurrentiel, le défi consiste à rencontrer les clients, les fidéliser et générer du trafic pour les compagnies du groupe. Ce n’est pas une mince affaire mais manifestement, Sébastien Guyot a de l’énergie et le sourire. Rencontre avec un Directeur qui se veut en empathie avec les clients. http://www.deplacementspros.com/photo/art/grande/13494056-19936547.jpg?v=1494920761

DeplacementsPros.com : Commençons par l’équipe. On s’y perd un peu dans toutes vos marques, comment fonctionne-t-elle ?

Sébastien Guyot : C’est une équipe d’environ 400 personnes au total, dont 80 pour suivre les ventes en agence et 40 pour les sociétés. A part Montreuil, où travaillent 11 commerciaux, nous avons une relation de proximité grâce à des bureaux à Strasbourg, Nantes, Bordeaux ou Marseille, et cela nous permet d’être au plus près des clients.

Nous avons environ 2.000 comptes pilotés par le Marché France. Notre souci, c’est d’animer cette relation, de faire vivre les contrats. Nous avons les comptes PME-PMI jusqu’à 500 000€/an de budget, les comptes France entre 500 000 et 2 millions d’euros et les grands comptes de plus de 2 millions d’euros de budget.

Depuis l’an dernier, les filiales françaises d’une entreprise étrangère sont suivies de plus près pour leur permettre de mieux mesurer les consommations et les contrats. Et deux fois par an, nous vérifions la consommation pour adapter le contrat en upgrade ou en downgrade, pour être au plus près des réalités et des besoins. Nous développons ainsi la meilleure « boîte à outils » pour répondre aux besoins des entreprises et des voyageurs.

DeplacementsPros.com : Un an ou presque après votre arrivée, quels sont aujourd’hui vos objectifs ?

Sébastien Guyot : Mettre davantage en avant la force du groupe et simplifier le contrat pour toucher le voyageur. Simplifier la relation. Par exemple on se moque de qui transporte, que ce soit Air France, KLM, Hop ou Delta, les transporteurs sont considérés comme ayant la même valeur. Le Travel Manager ou l’acheteur a ainsi un seul contrat au lieu de 5 (nous y avons inclus China Eastern au début de l’année). Nous suivons ainsi des PME aux grands comptes pour le marché France, tandis que Soline de Montrémy gère les multinationales.

Au-delà, nous voulons que le client puisse immédiatement mesurer l’intérêt qu’il va trouver dans notre organisation des ventes. Cela passe à la fois par la relation directe que nous entretenons avec lui et ce quel que soit son budget aérien. C’est un objectif important pour lui permettre de mesurer, à chaque étape, les points forts de nos offres.

DeplacementsPros.com : Et quelle est votre "boite à outils" ?

Sébastien Guyot : Nous nous appuyons beaucoup sur BlueBiz pour les PME-PMI et nous obtenons actuellement une croissance à deux chiffres sur ce marché qui est plutôt flat du côté des comptes globaux. La solution Bluebiz est simple : le billet a une valeur qui se transforme en points (Blue Crédit). La gestion est également simple : 1 Blue Credit = 1 euro. Parallèlement, les voyageurs d’affaires conservent leur Miles. La simplicité est payante et nous obtenons de vrais résultats, d’autant qu’en plus de Blue Credit nous pouvons négocier avec les entreprises des discounts sur certaines lignes précises et améliorer ainsi les tarifs sur un an.

Plus les comptes sont petits, meilleure est la progression. Il faut dire qu’avec la réduction des coûts, la PME-PMI avait déjà appris à gérer, elle était "à l’os" et que depuis plusieurs années, on voyage parce qu’on doit le faire. Dans les grandes entreprises, la pratique a été différente. Elles n’ont pas changé leur politique voyages mais elles ont réduit le nombre de voyages. La situation est à peu près stable depuis 3 ans. Et depuis 3 ans, le prix moyen des billets était en baisse, mais cela va mieux depuis le début de l’année.

DeplacementsPros.com : Parlons justement de réactivité, comment faites-vous pour essayer de rester dans le "tarif marché" ?

Sébastien Guyot : Nous avons un dialogue permanent avec l’équipe du Yield. Il nous faut 48h pour qu’un tarif négocié soit appliqué à un SBT ou un GDS de l’entreprise. Et nous mettons en avant la force du groupe pour inciter les entreprises à utiliser toutes nos compagnies. Depuis la province, nous avons ainsi une riposte à nos concurrents qui proposent d’éviter le goulot d’étranglement de Paris. Nous aussi nous avons cette option, avec KLM. 12 villes de France sont actuellement reliées directement à Amsterdam. Ces liaisons offrent de rebondir vers le monde entier autrement, tout en restant dans le groupe et donc dans le contrat.

Par ailleurs, nous avons engagé une réforme tarifaire qui n’est pas encore totalement déployée mais nous faisons en sorte que le full flex ne soit pas systématiquement le plus cher en instaurant des écarts fixes entre les tarifs Light, Standard et Flex. Il y a toujours 50€ entre le Light et le Standard, et 120€ entre le Standard et le Flex. L’ouverture des classes est toujours pilotée par le Yield mais nous avons baissé les prix pour reprendre des parts de marché. On s’aperçoit à l’usage que nous sommes la plupart du temps très concurrentiels sur les segments très demandés comme un Paris-Londres à 7h30 pour une demande située, comme c’est la moyenne, entre 7 et 3 jours avant le départ.

DeplacementsPros.com : C’est une critique forte du marché "Air France est trop chère", or vous dites justement le contraire ?

Sébastien Guyot : Je m’inscris en faux contre cette idée qui veut que nous soyons systématiquement plus cher sur le marché. C’est loin d’être le cas. Je voudrais m’attarder un instant sur ce point. Sur le long-courrier, au départ de Paris, il faut toujours comparer un vol direct assuré par Air France et celui proposé par ses compétiteurs. Si vous prenez les grilles tarifaires sur les grandes destinations transatlantiques ou asiatiques, vous constatez que nous sommes très souvent dans le peloton de tête des tarifs les plus compétitifs. On peut, très occasionnellement, trouver quelques différences de prix entre nous et les sites Internet qui nous vendent, mais ce sont généralement des opérations très ponctuelles.

Toujours au départ des grandes villes, sur les vols courts et moyens courriers, nous sommes souvent dans une gamme de prix assez comparable à celle proposée par les low cost aux mêmes heures que nous, avec un retour dans la journée, généralement le soir. Sur certaines destinations, le volume de fréquences que nous mettons en place expliquer l’écart de quelques dizaines d’euros que l’on va rencontrer.

Au départ de la province, en utilisant le hub parisien, nous sommes sur des tarifs assez proches, voire meilleurs, que ceux de nos concurrents avec, pour eux aussi, une escale vers la destination finale de nos clients. Globalement, si vous balayez le tarif en tenant compte des spécificités demandées par les voyageurs d’affaires, vous vous rendez compte qu’à service identique, Air France est loin d’être plus chère que ses compétiteurs.

Ce qui est certain, c’est que cette image infondée est souvent celle que nous renvoient les clients qui ne font pas toujours la comparaison que nous venons de faire ensemble. Une bonne partie du travail de mes équipes et d’expliquer, chiffres en main, que notre positionnement tarifaire est agressif, compétitif et bien adapté aux politique voyages de nos clients.

DeplacementsPros.com : Un mot sur les Miles qui sont les pires ennemis de vos concurrents. Votre programme de fidélisation devrait changer ?

Sébastien Guyot : Je ne suis pas suffisamment dans les secrets de la compagnie pour vous donner les grandes lignes de ce que sera demain notre programme fidélisation. Par contre, ce que je sais, c’est qu’il constitue toujours l’un des éléments les plus attendus par les voyageurs qui apprécient de pouvoir utiliser à titre privé les miles gagnés avec les nombreux déplacements professionnels qu’ils font pendant l’année.

Je vous rappelle que dans le cadre de contrats BlueBiz, voyageurs et entreprises gagnent des miles qui sont utilisables par la société dans le cadre d’un voyage. C’est un service qui séduit les PME-PMI.

DeplacementsPros.com : Et comment sondez-vous les besoins de vos clients entreprises ?

Sébastien Guyot : Nous réalisons tous les ans à l’automne un baromètre des PME-PMI. Nous envoyons un questionnaire à 1600 ou 1800 TM avec un bon taux de retour d’environ 30%. Nous posons ainsi une trentaine de questions sur tous les sujets : les relations avec AF/KLM, les rendez-vous ou les échanges de mails avec l’équipe, le paramétrage des outils, la perception de ceci ou cela.

Ce que les entreprises nous reprochent, c’est souvent la cherté dont nous avons parlé. Ce que les entreprises apprécient, c’est un contrat qui parle, une segmentation fine et la proximité du négociateur. Notre réseau est unique, et j’y tiens. Il nous permet par exemple de remonter des infos ou des besoins. C’est comme ça que nous avons intégré le Sky Priority à l’abonnement, ou relancé la ligne Orly-New York.

Au dernier baromètre, 91% des sondés qui ont répondu ont considéré que l’accord en place prenait bien en compte leurs spécificités, en nous attribuant une note de 8,8 sur 10. Elle n’est pas anodine, cette note, puisqu’elle est dans le bonus des commerciaux, y compris dans celui des cadres depuis cette année ! La satisfaction client est donc un élément clé.

DeplacementsPros.com : Le profil d’un bon commercial du groupe selon vous ?

Sébastien Guyot : Une personne qui a le sens du client, de l’empathie et la niaque, pour nous faire gagner. C’est d’ailleurs valable à tous les niveaux de l’équipe, et je le prends pour moi. Et ce n’est pas parce qu’on n’a pas de contrat qu’on n’a pas de relation commerciale. Comment savoir si le client a des besoins si on ne le contacte pas ?

Entretien réalisé par A. Fave