Stratégie « achats mobilité » : best buy ou accords corporate ?

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Le débat fait rage entre "anciens" et "modernes", avec des arguments forts et des convictions certaines chez les acheteurs ou travel managers : pour une bonne stratégie dans les achats de mobilité, faut-il privilégier le Best buy ou les accords corporate ? C'est toute la question sur laquelle travaille Régis Chambert.

La concurrence entre les transporteurs se renforce toujours plus chaque année. Au sein des entreprises, la génération « Y » prend la main. Habituée à consommer sur le net, à travers les applications qui fleurissent sur les mobiles, elle s’interroge, voire devient critique quant à l’énergie investie à l’interne pour négocier des accords contraignants avec les compagnies aériennes et d’autres acteurs de la mobilité (hôteliers,…)
Leurs arguments sont puissants : coût de ces négociations, du suivi des accords, contraintes (reporting…), captivité du voyageur et de son entreprise dans un marché très ouvert aux nombreuses opportunités. Ce constat pousse les entreprises à une réflexion nécessaire sur la meilleure stratégie « achat » à mettre en œuvre.

Chaque entreprise a son empreinte identitaire. Elle est liée à son âge, son histoire, sa culture, son secteur d’activité, sa taille, sa zone d’influence, sa localisation géographique,... Les critères sont multiples et vont faire varier les conclusions des études que j’ai l’occasion de mener pour des acheteurs qui, eux-mêmes, s’interrogent et cherchent à valider leur stratégie.

Pourquoi tenir compte de l’ADN de l’entreprise ? Quelles leçons tirer des tendances constatées ? Que deviendra la TMC dans ce contexte ? Cette chronique n’a pas pour objet de développer le sujet en détail, mais de tracer les éléments clefs qu’il faut intégrer.

L’âge, l’histoire et la culture de l’entreprise agissent sur le comportement des voyageurs

Une start-up est très souvent peuplée de jeunes talents dont la philosophie et les choix en terme de consommation sont le plus souvent guidés par la recherche d’efficacité et d’économie. Le secteur d’activité implique souvent des choix sociaux. L’attention accordée par l’entreprise au « confort » des voyageurs impacte les instructions et recommandations contenues dans les politiques voyages, souvent soumises aux partenaires sociaux.
Les accords du secteur « banque et assurance » sont différents de ceux signés par les entreprises industrielles - dans la métallurgie, à titre d’exemple.
La taille de l’entreprise implique plus ou moins de lourdeurs, des structures et des règles mises en place qu’il sera souvent difficile de faire évoluer. Plus l’entreprise est grande, moins elle est flexible et plus la conduite du changement devient cruciale.

La zone d’influence de l’entreprise est la donnée majeure de toute réflexion. Combinée à la localisation géographique, elle déterminera le degré de liberté (de captivité) de l’entreprise face à ses fournisseurs potentiels et donc les politiques possibles à mettre en œuvre avant de faire le bon choix. En effet, les plateformes aéroportuaires accessibles par les voyageurs et les destinations cibles de l’entreprise permettront d’identifier le panel des opérateurs et des offres disponibles. Pour illustrer ce point, une entreprise basée à Niort et se déplaçant sur Rhône Alpes Auvergne, Provence Côte d’Azur et l’Italie aura un choix plus restreint qu’une société basée en Ile de France qui aurait pourtant les mêmes zones de chalandise.

Le choix du « best Buy » peut se justifier

Le choix du « best Buy » peut se justifier aujourd’hui et s’avérer être la recommandation du consultant. Il implique une forte délégation sur des voyageurs et assistantes « initiées », un suivi et une mesure de l’efficacité rigoureuse. Les résultats sont souvent impressionnants et donnent alors raison aux militants de la cause.
Cette approche peut être amplifiée pour une ouverture à « l’open booking ». L’entreprise doit alors contrôler ses achats en amont de la décision, forte d’un processus de validation souple et efficace. L’entreprise étant pénalement responsable de la sécurité de ses voyageurs, il est impératif qu’elle s’assure que le choix fait pour le déplacement par le voyageur ne le placera pas en situation de risque accru (fiabilité du transporteur, localisation, nature de l’hébergement, tracking du voyageur).

La validation des applications utilisées par les voyageurs ou les assistantes sera importante et le tracking de la dépense incontournable. Le voyage est un budget conséquent pour l’entreprise et nécessite un contrôle efficace. Les cartes de paiement seront alors le meilleur allié du gestionnaire en charge.

De nouveaux services sont disponibles aujourd’hui pour renforcer le respect des politiques tout en apportant du confort au voyageur dans sa mobilité. Une jeune start up toulousaine que j’accompagne propose aujourd’hui aux entreprises une application permettant au voyageur de lutter contre la solitude à l’hôtel, de « résauter professionnellement » en contactant les autres voyageurs présents dans leur hôtel ou à proximité et en optimisant ainsi leur temps disponible.
En contrepartie de cet élément de confort, l’entreprise sera assurée que le voyageur aura réservé son hôtel dans le panel des hôtels recommandés par elle, aura la confirmation de sa présence sur son lieu d’hébergement et aura la possibilité de contacter le voyageur à travers l’appli pour l’informer en cas de danger ou d’urgence.

Que devient alors la TMC dans ce contexte ?

Dans ce contexte du Best buy, la TMC peut être le bras armé de l’entreprise pour mettre en œuvre cette stratégie d’achat. Elle devra, elle aussi, démontrer sa capacité à changer ses habitudes, à modifier si nécessaire ses processus traditionnels pour apporter à son client tout son professionnalisme, son expertise et ses solutions qui lui permettront d’ accéder aux offres disponibles sur le marché. L’entreprise devra rémunérer cette valeur ajoutée à son juste niveau et évitera en retour des pertes de temps et d’énergies en interne mais aussi, de graves désenchantements toujours possibles.

Je dois constater que la négociation de contrats avec les transporteurs reste encore le choix le plus fiable pour nombre d’entreprises. Leur taille, la multiplicité des destinations, leur localisation et les contraintes liées (pré-acheminements, inter-modalité…) limitent leur adaptabilité à une ouverture totale en terme d’achats voyages. La TMC doit alors performer aux côtés de ces clients pour les aider à optimiser leurs coûts et leurs dépenses à chaque demande.
Quelle que soit la stratégie retenue par l’entreprise, la TMC peut et, à mon avis, doit conserver un rôle important dans la pièce qui se joue. Elle doit, pour ce faire, se réaliser dans son métier de conseil et d’accompagnement. Pour cela, elle doit encore évoluer, privilégier ses investissements dans la formation de ses conseillers voyages, dans ses systèmes pour accéder au contenu et démontrer ainsi sa valeur ajoutée face à la multiplication des applications et des offres alléchantes disponibles sur le marché. L’entreprise doit aussi la rémunérer correctement pour ce service. Si le monde du business travel s’est digitalisé de façon impressionnante ces vingt dernières années, l’entreprise doit rester consciente des failles possibles de ces offres nouvelles et contrôler ses achats de mobilité en s’assurant de faire le bon choix quant à sa stratégie d’achats. La TMC devra rester son meilleur partenaire dans cette démarche.

Régis Chambert
RC2 Conseil
A propos de RC2

RC2, Régis Chambert Consulting, est une SARL créée en 2010 dans le but de mettre à la disposition de ses clients un savoir faire, une expérience de plus de 30 années dans le management d'entreprises Françaises, puis internationales, dotées d’organisations très diverses, traditionnelles ou matricielles et globales.
Régis Chambert a été Vice président - Directeur Général d'American Express Voyages puis présidé Avexia Voyages de 2011 à fin 2013.
La réflexion stratégique, la marque, la conduite du changement, la formation et le coaching sont les principaux domaines dans lesquels Régis Chambert intervient.

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