Sus aux iConneries, avant la prochaine bulle !

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Tous les experts financiers sont formels, une nouvelle bulle informatique se prépare. A la base, des valorisations énormes pour des entreprises qui ne font pas un sou de bénéfice. Twitter en est le plus bel exemple. Aujourd’hui, des centaines de nouvelles solutions et produits mobiles arrivent tous les mois dont pas une ne repose sur un constat réaliste du besoin.

Pas la peine de vous faire un dessin, vous avez tous souri devant ces projets fous qu’évoquent la télé, la presse ou même la radio. Des applis qui se veulent si utiles qu’elles en oublient le bon sens. Le voyage d’affaires n’échappe pas à la règle. De celle qui compte les miles parcourus lors d’un déplacement à celle qui détermine les calories perdues pendant une réunion difficile ou la cravate sur mesure pour séduire un client … Pas moins de 75 000 applications, iOs ou Android, se disent « traveller’s friendly ». Combien sont réellement utilisées ?
 
De récentes études menées aux USA démontrent que, quelles que soient les générations, peu d’applis restent plus d’une année sur le smartphone d’un voyageur. Les chiffres sont éloquents : 1 appli sur dix dépasse les 3 mois, et 1 sur 50 l’année. Bien sûr, il y a les marrantes qui vivent le temps d’une bonne rigolade et qui finissent dans les poubelles de la mobilité. Le fun fait aussi partie de notre vie.
 
Faut-il alors s’engager dans cette course à l’innovation sans se poser un seul instant la question essentielle : «à quoi cela va-t-il servir»? Je mets de côté les dizaines de sites qui veulent louer des appartements aux hommes d’affaires ou les offres de réservations hôtelières de dernière minute. Dans chaque domaine, il y a un leader. Les copies, fussent-elles améliorées, n’existent pas ou si peu. Au risque de paraître dépassé, je me souviens de ce que nos profs évoquaient à l’université : «Le besoin réel crée le marketing. Sans besoin réel, on ne vend rien».
 
Comment appliquer cette vision aux voyages d’affaires ? A priori, tout esprit sensé vous dira qu’il faut analyser les attentes du voyageur. Globalement, ses besoins sont simples: se déplacer, se localiser, modifier son voyage, se rassurer sur les moyens de transport. On peut y ajouter toute une série de services complémentaires à condition qu’ils collent aux attentes. Steve Jobes, fondateur d’Apple, disait avec bon sens «Avant de créer un outil puissant, il faut changer la vision de l’utilisateur». A quoi servirait une appli « note de frais » basée sur la prise de photos des tickets justificatifs si le voyageur est bordélique et désorganisé. On connait la fin de l’histoire, il déposera les notes en vrac à son assistante, charge à elle de s’arracher les cheveux pour reconstituer les dépenses.
 
Des exemples de ce type, il y en a beaucoup. Mais la qualité d’une appli pour le voyageur d’affaires est impossible à définir tant il y a de voyageurs différents. Seules solutions, concevoir une appli modulable, ce que tente de faire une jeune société californienne qui se développe dans le giron de Google. Le principe est simple, pas moins de 46 modules sont disponibles. Libre à l’utilisateur de faire son menu. Et le projet, qui ne verra pas le jour avant 2016, va plus loin en intégrant les applis ou les offres des plus grandes TMC, des compagnies aériennes ou des loueurs de voiture. AirBnB ou Uber sont intéressés par le concept et devraient proposer un module dédié à leurs clients. Un début d’Open Booking modulé ? Certainement même si, du côté des TMC, on modère l’enthousiasme des développeurs. Wait and see serait la règle de mise à ce jour. Mais qu’on se le dise, l’avenir n’est pas dans les offres qui se pointent aujourd’hui, mais dans la capacité à gérer véritablement le besoin.
 
Face aux iConneries qui se multiplient, ne l’oublions pas, le bon sens ne peut se numériser. C’est la force de l’homme sur la machine.
 
A San Francisco,
Philippe Lantris.