TMC, une vision pour un avenir prometteur

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La distribution dans le voyage d’affaire s’est considérablement transformée ces vingt dernières années. Les agences de voyages et TMC n’ont cependant pas encore trouvé leur modèle économique avec les entreprises. Ce modèle doit leur donner les moyens de remplir au quotidien leurs missions auprès de leurs clients.

Un peu d’histoire me semble nécessaire. Cette profession s’est développée depuis les années 70 dans un cadre économique très régulé et juridiquement réglementé. Les tarifs des transporteurs aériens étaient publiés par axes et la seule compétition se faisait sur les slots (horaires) et le service (appareil, service au sol et à bord...) L’agence de voyages était un mandataire au sens juridique du terme, rémunéré par des commissions connues sur les ventes (7% sur le national et 9% sur l’international pour faire simple). Le rail s’inspirait du même modèle. Ces conditions économiques étaient certainement trop généreuses car ces distributeurs se disputaient la confiance de leur clientèle à coup de remises. Celles-‐ci pouvaient atteindre 50% de leur rémunération dans les années 90. Des « super-commissions » fleurissaient en fonction des volumes distribués et la croissance de ceux-­ci. Ces remises accordées aux entreprises ont entaché la crédibilité des agences auprès des acheteurs, suspicieux face à un manque de transparence évident. Dans un mouvement global initié par le marché nord américain, les commissions ont été réduites plus ou moins brutalement. En France, Air France a accompagné les entreprises et les distributeurs dans le temps sur près de cinq années pour arriver à une commission réduite à moins de 1%. L’objectif affiché était de permettre aux agences et à leurs clients-‐entreprises de s’adapter à ce nouveau modèle. La corde était détendue, la tendre était une opportunité de réduction des coûts de distribution pour les compagnies !

Les TMC sont restées juridiquement mandataires des compagnies. Elles sont cependant toujours dues-­croire de leurs clients. Ce qui veut dire que si une entreprise est défaillante et ne paye pas son agence, l’agence paiera quoi qu’il arrive à la compagnie. Cette obligation contractuelle a justifié cette rémunération restante inférieure à 1% du volume émis. Le risque financier est très lourd : combien faut-il de ventes rémunérées à 1% pour faire face à un impayé d’une entreprise ?! La profession reste également toujours réglementée en France. L’agence doit être immatriculée (licence) et présenter toutes les garanties financières nécessaires pour émettre de la billetterie (cautionnements bancaires coûteux, assurances, ...) Aujourd’hui les conditions imposées à celles-ci se durcissent encore avec la réduction des délais de paiement des billets émis de 30 à 15 jours et par le bouleversement des conditions d’accès aux contenus (réservations, émissions) qui nécessitent de nouveaux investissements (NDC) et impliquent des coûts supplémentaires d’exploitation (GDS). Parallèlement, heureusement, les paiements par cartes (corporate ou logées) se sont développés, comme les contrats d’assurance crédit et limitent le risque pour l’agence qui doit cependant en assumer une grosse partie du coup. Aujourd’hui, à titre d’exemple, certaines agences ont plus de coûts opérationnels qu’elles ne perçoivent de commissions pour vendre le rail du fait des frais qui leurs sont refacturés pour accéder au stock et vendre en ligne.

Le modèle est donc totalement déficitaire pour ces intermédiaires que sont les agences et TMC et celles-­‐ci ont du retravailler sur leur vision de ce métier, leur mission et leur modèle économique pour ne pas disparaître.

La TMC a toujours été considérée par les entreprises comme un fournisseur de « commodité ». Appeler l’agence, connaître les options possibles pour voyager (horaires, tarifs), réserver dans le respect des règles édictées par l’entreprise (classe, compagnies, prix...), payer ses dépenses sur relevés et ouvrir ainsi une ligne de crédit fournisseur, obtenir des reportings sont les missions essentielles de la TMC aux yeux des acheteurs. Ceux-‐ci considèrent souvent ce service comme une prestation à faible valeur ajoutée, surtout lorsqu’il s’agit de négocier les frais de services de l’agence. Il faut dire que les distributeurs cautionnent ce postulat et se battent entre eux sur le prix de leurs prestations plutôt que sur les niveaux de services et la qualité de leur prestation de conseil en gestion et optimisation des budgets déplacements. Je rappelle souvent que le budget voyages d’une entreprise est composé d’achats de prestations (transport, hôtellerie, locations de voitures, visas...) pour 97% et des frais d’agence pour 3% en moyenne aujourd’hui sur le marché Français.

Ces 3% sont cependant stratégiques et insuffisants pour la pérennité des TMC qui ne peuvent garantir une bonne prestation à ce prix, mais aussi pour les entreprises qui pâtissent, de ce fait, d’une gestion et surtout d’une optimisation des dépenses qui ne peut être optimale. Je pense que la mission d’une TMC relève d’une démarche d’expertise et de conseil. Gérer et optimiser le budget de mobilité d’un client impliquent des investissements en systèmes, des coûts chaque jours plus élevés : GDS, connections directes NDC, robots, portails de réservations en ligne, outils de facturation et de reporting, des personnels qualifiés et formés, de nouvelles équipes pour gérer les référentiels, maintenir les systèmes, des consultants pour analyser les dépenses des clients et établir des rapports d’activités et recommandations en terme d’achat et de choix... Nous sommes très loin d’un métier de commodité mais plutôt en présence d’un service d’accompagnement et de conseil. Cette profession qui venait de perdre en quelques mois la quasi totalité de ses revenus a logiquement demandé à ses clients une rémunération pour ces services rendus. Dans un premier temps, la tenue d’un compte d’exploitation (livre ouvert) intégrant l’ensemble des commissions restantes et des charges engagées pour servir l’entreprise a semblé être un modèle intelligent et transparent permettant aux agences et à leurs clients de calibrer ensemble le niveau de service, l’agence facturant ses coûts et dégageant son profit sur une rémunération fixe (0,50% du volume facturé) et variable (en fonction de l’atteinte ou non d’objectifs qualitatifs ou quantitatifs – économiques). Malheureusement, la recherche de croissance à tout prix permettant de lisser les investissements incontournables sur des plus gros volumes a brisé cet espoir et les agences se sont lancées dans une guerre suicidaire qui s’est traduite par des grilles de frais (transaction fees) chaque jours plus bas jusqu’à atteindre des niveaux incroyables de 1 voire 0€. Ces modèles ne sont que des leurres qui répondent aux attentes des acheteurs de prix. Ils contribuent à ternir l’image de cette profession et à semer le doute chez les acheteurs quant à la transparence des TMC.

Pour faire face à leurs coûts, les agences cherchent de nouveaux leviers de revenus. Certains se sont inspirés du négoce. Ils achètent un billet à un prix net proposé par une compagnie et appliquent un taux de marge dessus, maintenant le tarif margé à un niveau intéressant pour le client qui réalise encore une économie par rapport au prix public. Le manque de transparence est total et les compagnies sont inquiètes de perdre le contrôle de leur prix. La ligne rouge est franchie lorsque des tarifs concédés à des entreprises font l’objet de ces pratiques. L’actualité récente démontre les limites de l’exercice et une ou plusieurs agences risquent de disparaître pour avoir pensé simplement qu’un tarif se construisait en achetant un voyage à un prix et en majorant ce tarif de façon non affichée pour publier un prix de vente comme dans de nombreux commerces... Les dérapages sont nombreux et la créativité des TMC est dopée par la nécessité de survivre ! Certaines agences trouvent les revenus qui leurs sont nécessaires par d’autres biais. Pousser les ventes sur une compagnie qui rémunère mieux la TMC ne garantit pas la défense des intérêts du client... Chacun doit comprendre que le client majeur de la TMC est aujourd’hui devenu l’entreprise. La rémunération de l’agence est assurée très majoritairement par elle. Les compagnies l’ont souhaité ainsi et doivent assumer les conséquences de ce modèle. Elles sont aussi entrées dans cette danse concurrentielle en distribuant directement aux entreprises des tarifs exclusifs (quelquefois non accessibles à la distribution) et à des conditions financières impossibles à challenger (0 frais). Pour autant, les entreprises souhaitent elles devenir captives et ne pas profiter de la concurrence entre les transporteurs dans ce marché dérégulé ? Cela serait une grave erreur à mon sens et je leur déconseille fortement. Je pense qu’il est temps pour ces agences de travailler sur une vision valorisante de leur profession et les missions qui en découlent. Cette vision pourrait se résumer à : « La TMC est un pôle d’expertises et de compétences dont la mission est d’accompagner les entreprises dans la gestion quotidienne de leur mobilité dans un marché global et dérégulé et d’en optimiser les dépenses. » Dans ce cadre, elle répond aux besoins de l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise concernés (voyageurs, secrétaires, services supports) et met à disposition les ressources matérielles et humaines nécessaires pour informer, étudier les meilleures solutions et prix, réserver, émettre, facturer l’entreprise dans le respect de ses règles sociales et sécuritaires de fonctionnement et de sa politique achat.

La TMC assure un suivi des dépenses voyages de l’entreprise, alerte sur les écarts éventuels, conseille les voyageurs et gestionnaires de budgets (acheteurs, travel managers) sur les mesures correctives et décisions à prendre. Elle participe ainsi à la sécurité des voyageurs et à la protection des informations de l’entreprise. Pour ce faire, elle doit être rémunérée pour chacun des actes de vente (à la transaction éventuellement) en cohérence avec les moyens mis en œuvre (processus dématérialisé en ligne ou assistance humaine au téléphone). Cette rémunération doit couvrir les investissements nécessaires et les coûts opérationnels mais aussi permettre à l’agence de dégager une marge minimum. Aujourd’hui, ce poste représente en moyenne 2,5 à 5%
du volume facturation (en fonction des processus adoptés : en ligne ou au téléphone, taux de modifications , etc.) La prestation d’accompagnement, de mesure et de conseil doit faire l’objet d’une facturation de services (sur la base d’une tarification jour/homme quantifiable ou d’un forfait contractuel comme le propose tout consultant expert) Une rémunération variable sur l’atteinte d’objectifs doit compléter ce dispositif. Les collaborateurs de la TMC en charge de l’entreprise devraient contractuellement en bénéficier également pour donner de la cohérence à ce modèle économique.

La TMC, intermédiaire entre l’entreprise et les fournisseurs, peut également être amenée à apporter des services à valeur ajoutée aux compagnies et peuvent être rémunérées par elles pour ceux-­ci (garantie de paiement, connaissance des produits, gestion de l’après-‐vente, traitements administratif, mise en avant de produits...) Ces prestations n’ont pas à être à la charge des entreprises. Ces actes ne doivent en aucun cas nuire aux intérêt des entreprises clientes de l’agence. L’agence doit veiller à ne pas se trouver en conflit d’intérêt. Une charte éthique de la profession devrait garantir cet engagement et je pense qu’un « ordre » pourrait être créé pour y veiller. Un syndicat professionnel (EDV ?) pourrait prendre ce sujet en charge. La profession a besoin de s’organiser pour valoriser son image et contribuer à éviter les dérapages nuisibles constatés ces dernières années. Ainsi les entreprises auraient elles à leurs côtés des partenaires loyaux, professionnels et experts, rémunérés correctement pour leurs services, leur expertise et savoir-­faire, leurs outils mis à disposition, et la démarche de conseil. Celles qui jugeraient préférable de laisser leurs collaborateurs acheter librement en ligne sans l’investissement d’un professionnel garant du respect de leurs décisions sociales (éviter les discriminations, respect du règlement intérieur et des politiques voyages et achats) devraient alors assumer les risques pris pour réaliser une petite économie sur la prestation de l’agence, laisser leur budget voyages déraper sans contrôle interne et mettre à mal la sécurité des personnes et des informations sensibles. De nombreux experts soulignent en effet le risque majeur pour les entreprises de laisser les voyageurs naviguer sur le net à la recherche de solutions de voyages.

Je suis personnellement convaincu que quelques mois suffiraient pour redonner de la crédibilité à cette profession qui en a fort besoin depuis qu’elle s’est livrée à cette guerre suicidaire du prix. Elle en sortirait renforcée sur le marché pour le bénéfice de tous.

Régis Chambert

A propos de RC2

RC2, Régis Chambert Consulting, est une SARL créée en 2010 dans le but de mettre à la disposition de ses clients un savoir faire, une expérience de plus de 30 années dans le management d'entreprises Françaises, puis internationales, dotées d’organisations très diverses, traditionnelles ou matricielles et globales.

Régis Chambert a auparavant exercé les fonctions de Directeur Régional chez Scac Voyages (groupe Bolloré), chez Havas Voyages, puis de Directeur Général d'Havas Voyages American Express qu'il a lancé, et de Vice président - Directeur Général d'American Express Voyages.

Il a présidé plusieurs sociétés du groupe American Express en Europe (Belgique, Espagne, Pays-Bas) et siégé dans plusieurs conseils d'administration de sociétés partenaires (UVET AMEX en Italie), il a présidé Avexia Voyages de 2011 à fin 2013.La réflexion stratégique, la marque, la conduite du changement, la formation et le coaching sont les principaux domaines dans lesquels Régis Chambert intervient.

Régis Chambert participe régulièrement aux colloques dédiés au tourisme et partage ainsi ses expériences avec le plus grand nombre.

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