Yves Weisselberger, PDG de SnapCar : L’écosystème est mûr pour des changements radicaux

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Pour observer notre industrie, quoi de mieux que de prendre un peu de recul ? Trois « outsiders » passent en revue la technologie, les nouveaux entrants, les business models, leurs déceptions, leurs espoirs, la capacité des protagonistes de notre industrie à se réinventer… ou pas. Rencontre avec Yves Weisselberger, PDG de SnapCar. Cet entretien est extrait du Mook For Business Business Travel réalisé en collaboration avec Aurélie Krau, associée Festive Road.

Cette interview est issue du MOOK #2, plus d’infos ici.

Globalement, comment percevez-vous l’évolution du marché du Voyage d’Affaires

Yves Weisselberger, PDG de SnapCar : Après une longue carrière d’insider, voici quelques années que j’évolue en périphérie du voyage d’affaires et je constate qu’il existe un vrai paradoxe : les innovations sont nombreuses dans le secteur mais la chaîne de valeur, pourtant analysée depuis longtemps comme obsolète, est stable en réalité. Le résultat est un sentiment de lenteur qui jure avec l’accélération incroyable de l’adoption des nouvelles technologies et des ruptures introduites par les startups dans la plupart des autres secteurs. L’écosystème me semble donc se désagréger de manière invisible de l’intérieur et je le crois mûr pour des changements radicaux dans les années à venir.

Quels sont les facteurs endogènes à l’industrie du Travel à l’origine de ces secousses ?

Yves Weisselberger : Cela a pris du temps, mais l’adoption désormais massive de la réservation en ligne force les TMC à redéfinir en profondeur leur proposition de valeur. Surtout, nous n’en sommes probablement qu’aux premiers remous provoqués par la New Distribution Capability (NDC), une vraie bombe à retardement susceptible de disloquer les maillons de la structure traditionnelle de distribution. Enfin, les innovations d’usage, misant par exemple sur la responsabilité des voyageurs plutôt que sur l’adoption de règles strictes, à l’image de Rocketrip, sont susceptibles de changer la donne.

Et quels sont les facteurs exogènes ?

Yves Weisselberger : Ces facteurs sont liées à deux révolutions au moins -pour ne mentionner qu’elles- qui sont porteuses de ruptures puissantes. D’une part, l’intelligence artificielle. Elle permet aux systèmes de s’adapter finement aux utilisateurs : le vieux rêve du marketing « one to one », jusque-là un slogan davantage qu’une réalité observable, n’est plus hors de portée. Le langage naturel ou la reconnaissance d’images, deux technologies riches de potentialités, permettent aussi d’offrir des services nouveaux et instantanés. D’autre part, la blockchain que beaucoup considèrent comme aussi importante que l’apparition du Web à la fin des années 90. Elle offre un niveau de sécurité inégalée pour les transactions, qu’elles soient de nature monétaire ou non -suivi des bagages, contrats, transmissions d’informations entre les acteurs- et une décentralisation qui ferait exploser les modèles business existants. Tout cela crée un contexte explosif latent et je suis frappé de voir que la plupart des acteurs continuent à communiquer et à agir comme si de rien n’était, comme si le monde était destiné à se figer durablement sur les modes opératoires qui leur sont familiers. Plus dur sera le réveil.
Cette interview est issue du MOOK #6, plus d’infos ici

Propos recueillis par Aurélie Krau.