Et si la grève avait du bon ?

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Julien Chambert, fondateur de CBT conseil, nous donne son point de vue sur l’impact des grèves dans le domaine des déplacements d’affaire.

J’entends déjà les agents de voyages me dire de prendre leur place en temps de grève pour essayer de trouver du bon dans ces moments… Je vous arrête tout de suite, cette tribune n’est pas politique. J’ai plutôt envie de mettre l’accent sur le côté processus voire comportemental.

Nous, chez CBT Conseil, travaillons dans le voyage d’affaires, et parfois j’explique à mes clients que c’est dans leur intérêt de mieux voyager, parfois en voyageant moins.

Les événements récents nous obligent à moins voyager, faute de moyens de transport disponibles. 40 jours de grève… C’est impactant pour nos métiers et le développement de nos business, mais c’est aussi l’occasion d’adapter, de faire évoluer sa politique de voyage.

Depuis les années 1950, le chiffre « magique » de 21 jours est très largement diffusé pour nous expliquer qu’il faut à minima 21 jours pour changer nos comportements… Des études plus scientifiques donnent une durée moyenne de 66 jours… Peu importe, l’idée de mon propos est de le rapporter au nombre de jours de grèves et de réfléchir à l’incidence sur les comportements de nos voyageurs.

Lorsque vous subissez des annulations de trains, des difficultés à se déplacer dans les grandes villes, il est nécessaire de s’adapter et de trouver des solutions pour maintenir une activité correcte. C’est aussi l’occasion de tirer des enseignements et revoir sa politique voyage, analyser et s’adapter aux usages… Typiquement les moyens de transport types trottinettes et vélos en libre-service. C’est l’occasion idéale d’avoir recours au service et peut être de créer de nouvelles habitudes. Certainement… mais pas n’importe comment. C’est aussi la responsabilité de l’entreprise d’alerter les collaborateurs sur les risques pris et les comportements à adopter. Depuis le début des grèves du 5 décembre, les accidents sont en hausse de plus de 20% dans la capitale par exemple.

Dans Paris, le nombre de cyclistes a augmenté de plus de 100% ces dernières semaines. Les collaborateurs cherchent des solutions pour se rendre sur leurs lieux de travails, à leurs rendez-vous, dans les gares pour prendre les rares trains circulants.

C’est là que le travel manager entre en jeu. Comment s’adapter ? Les conseils à fournir aux voyageurs, les précautions à prendre, les équipements obligatoires, l’assurance que la société paye couvre-t-elle bien ces risques ?

Il en va de même pour les déplacements longues distances annulés. Il n’est pas toujours possible de les reporter, c’est à ce moment-là que les visioconférences sont utiles, pas toujours adaptées, mais parfois une solution alternative intéressante.

Le travel manager ne peut pas mettre en œuvre ces solutions seules, mais il peut travailler avec l’IT pour utiliser les outils disponibles (salles, logiciels sur les PC) et aider le voyageur dans les bonnes pratiques. Chaque voyage annulé pour motif de grève pourrait faire l’objet d’un rappel des bonnes pratiques en termes de visioconférences.

Ces situations de blocage exceptionnelles sont aussi l’occasion pour le travel manager d’auditer l’ensemble des voyages annulés. Ont-ils été reportés, des solutions alternatives ont-elles été mises en œuvre ? Si oui, c’est peut-être, là aussi, l’occasion d’en tirer les enseignements pour changer les habitudes. Quelle est la satisfaction des utilisateurs quant à ses outils ? Si non, peut-être que le voyage n’était pas si nécessaire que cela…

La grève a du bon dans le sens où, une fois le calme revenu, les travel managers vont avoir de nouvelles informations pour adapter leurs politiques voyages. Les solutions alternatives et la qualité de leur fonctionnement, les principales difficultés rencontrées, comment parcourir les derniers kilomètres, à moindre coût, tout en atteignant un niveau de sécurité raisonnable…

Mais aussi, plus largement, comment la communication a-t-elle été faite, est-ce nécessaire de l’améliorer, de l’adapter ? Faut-il accepter la trottinette ou le vélo en lieu et place du taxi / VTC par exemple ? Sous quelles conditions de sécurités ? C’est aussi l’occasion de communiquer cette analyse et cette décision aux collaborateurs.

Ces moyens de transport étant rarement stipulés dans les politiques voyages, c’est l’occasion d’acter une position qui accompagne le voyageur ou protège l’entreprise des risques.

Les outils de visioconférences sont-ils une alternative sérieuse, dans quels cas les recommander à la place d’un déplacement physique ? Beaucoup de questions qui, fort des comportements modifiés ces derniers jours (non pas par choix, certes) donnent l’occasion aux travel managers d’analyser les comportements, en proposer de nouveaux ou encore acter des décisions non écrites jusque-là (comme l’interdiction de tel ou tel moyen de transport, par exemple). C’est aussi l’occasion pour le travel manager de travailler avec ses pairs et les autres directions (RH, IT) afin, encore une fois, de mettre en lumière l’intérêt d’un travel manager au sein d’une entreprise.

Mon optimisme me laisse donc à penser que subir cette grève apporte, certes un grand nombre de contraintes, mais aussi des opportunités pour le travel manager.

Julien Chambert, Fondateur de CBT conseil