Acheteurs, Travel Managers, mettez votre gilet jaune !

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2018 vient de nous quitter et le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle n’aura pas marqué les esprits par la mise en application des innovations promises… Mais ce constat est-il vraiment différent de celui des années précédentes ?

Sur le marché des déplacements professionnels, la frustration des donneurs d’ordre et des voyageurs est énorme car une fois de plus, des promesses ont été faites et ne furent finalement pas tenues. Prenons par exemple la norme NDC qui n’a pas encore intégrée de solutions industrielles (circuits de distribution, connections directes…). Même les compagnies ne se bousculent pas pour mettre en œuvre ce protocole de communication qui paraît finalement être une source de coûts plutôt que de revenus à court terme…

Côté demandeurs, le tableau n’est pas beaucoup plus reluisant car peu d’innovations sont testées, voire acceptées. Pourtant les jeunes pousses sont légion et proposent toutes des avantages souvent supportés par des faits. En bref, la disruption n’est pas de mise sur le marché des voyages d’affaires et il est fort à parier que 2019 ne sera pas un meilleur millésime si une remise en question des donneurs d’ordres ne s’opère pas. Dans un tel cas, les fournisseurs historiques auront gagné.

En achat, un marché n’est intéressant, pour les Directions, que s’il permet de contrôler les coûts et qu’à condition qu’il produise a un effet concret sur le compte de résultat. Or dans un marché immobile, la négociation ne peut pas à elle seule faire des miracles et comme pour les biens d’équipement industriels, il faut viser l’innovation ou bien une façon différente de consommer l’offre. Puisque la première solution ne semble pas prendre, regardons la seconde.

La massification des achats est la seule vraie façon de faire baisser les prix (valeur faciale d’un produit ou d’un service). La promotion des meilleures pratiques est, quant à elle, la meilleure solution pour faire baisser les coûts (valeur totale d’un déplacement par exemple). Terminés les appels d’offres complexes, chronophages et interminables. Idem pour les négociations ou arracher 1 ou 2% est le résultat d’un travail de fond méritant plus que ça (le fameux constat « tout ça pour ça »…). Exit les contrats corporate avec les compagnies aériennes. Croire que ces pratiques payent encore, c’est avoir la garantie de se faire mettre sur le banc de touche par sa propre Direction. Plusieurs marchés ont essuyé les plâtres de l’immobilisme et sont maintenant contrôlés que par les Directions Administratives et Financières. Ainsi le marché du conseil, de la communication ou de l’informatique passe de plus en plus en dehors du circuit achat « officiel » des entreprises.

Sur le plan humain, l’actualité montre que les Fédérations (partis politiques, syndicats…) ou les Directions (gouvernements, comités exécutifs…) ne sont plus suivies par « la base » autrefois inerte. L’écoute et la co-construction sont maintenant de mise et rendent obsolète les solutions d’avant crise. Pour moi, les acheteurs et les travel managers doivent réagir pour ne pas perdre le pilotage du marché des déplacements.

Dans la logistique, l’approche fût différente car des acteurs intégrés (DHL, FEDEX, CHRONOPOST…) ont donné une impulsion radicale qui fût suivie par les grands transitaires et logisticiens (GEODIS en est un parfait exemple). De nos jours certains acheteurs en avance sur leur marché ont gardé la main et travaillent avec ces groupes sous obligation de résultat et non plus sous obligation de moyens. Cela change tout, apporte du service et des résultats et peut, bien entendu, être transposé sur le marché des déplacements professionnels.

Certes, je me répète mais la distribution classique est morte. En revanche, celle qui est capable de réellement optimiser le marché d’un client est le vainqueur de demain. La place de marché, ex-TMC et nouveau mode de distribution, doit prendre des risques et offrir à ses clients des prestations innovantes et de qualité (de la valeur ajoutée). Elle doit également donner accès à des prix fixes sur les routes les plus usitées (air, fer, route, hôtellerie) afin de protéger son client des fluctuations constantes rendant le suivi des économies hypothétique.

En clair, grâce à une parfaite maîtrise des coûts, du yield des opérateurs et de ses achats, la place de marché est capable de dégager de la valeur ajoutée bénéfique pour ses clients et pour sa propre structure (elle sera donc capable d’innover et de garder un coup d’avance sur la technologie et sur l’évolution du marché. De fait, elle protégera son client en lui proposant toujours une solution ayant un coup d’avance sur les fournisseurs).

Cette approche n’est pas une révolution. C’est la seule planche de salut de la distribution mais aussi celle des acheteurs qui vont pouvoir afficher des évolutions de coût et de prix réalistes générant des gains visibles et mesurables sur les comptes de résultat. Sur la logistique, les acheteurs visionnaires se sont affranchis du yield et des frais ancillaires (légion dans ce domaine) et travaillent à coût objectif avec les logisticiens. Cette approche leur permet un bien meilleur suivi des coûts et une meilleure intégration de ce poste dans l’offre commerciale de leurs employeurs. Si vous en doutez, regardez le succès commercial des plateformes comme Amazon qui fait payer un abonnement en échange d’une approche coût complet en échange d’un service (prix, coût, inventaire, réactivité et support client).

En termes d’opération, cela demande d’accepter de donner à la place de marché, la possibilité de sélectionner l’opérateur, d’afficher des inventaires mais plus le prix dynamique, voire le nom de l’opérateur, sujet à trop de discussions. En clair, l’acheteur et/ou le Travel Manager sait ce que lui a coûté un voyage donné en année N-1. Il fixe, en accord avec la place de marché, un budget année N, mesure et pilote parfaitement le résultat de la consommation.

Bien entendu ce sujet demande plus qu’un article pour être développé car le débat est économique mais également philosophique. Les enjeux sont considérables et nul doute que les "innovants"  se verront freinés dans leur élan. La transition a toutefois démarré dans les pays scandinaves et une chose est certaine : celui qui a la donnée, la capacité de traitement et de stockage est l’acteur du futur. Alors j’entrouvre la porte et attend de voir le retour des acteurs de notre marché qui sera forcément passionnant.

En 2019, ne restons pas inertes. Provoquons le marché pour ne plus entendre que rien n’a changé et ne changera. Ce sera une façon de voir notre marché (clients et prestataires) mieux considéré et prospérer (dois-je rappeler que l’Allemagne voyage deux fois plus que la France…?).