Elles sont en tout sept à être pointées du doigt suite à une campagne de testing de quarante grandes entreprises françaises.
Suite a une campagne de testing sur la discrimination à l’embauche commandée par le gouvernement, sept entreprises françaises ont été pointées du doigt pour « présomption de discrimination à l’embauche ». Name and shame assumé, leur nom a été rendu public. Il en ressort que deux d’entre elles appartiennent au secteur du voyage et du tourisme : Accor et Air France.
Méthode
40 entreprises françaises de l’indice boursier SBF120 ont été testées, sous la conduite d’une équipe de chercheurs de l’université de Paris-Est. Plus de 10 000 candidatures et demandes d’informations (fictives) concernant des postes d’hôtesses d’accueil et de techniciens de maintenance ont été adressées entre novembre 2018 et janvier 2019 à ces sociétés. A chaque fois, deux paires de CV ont été envoyées : profils identiques mais dans un cas avec un patronyme maghrébin, dans l’autre un patronyme d’origine française.
Résultats
« Sur l’ensemble des entreprises testées, il est estimé que le taux de succès du candidat dont le nom a une consonance maghrébine est de 9,3 % contre 12,5 % pour le candidat avec un nom à consonance européenne », ce qui représente « 25 % en moins de chances » d’avoir une réponse − de bonne réception ou donnant une information − font savoir les ministères concernés par cette étude.
Pour 7 entreprises, ces différences de traitement sont plus importantes encore que cette moyenne de 25 %. Il s’agit de Air France, Accor, Altran, Arkéma, Renault, Rexel et Sopra Steria. Parmi elles, deux entreprises dont l’État français est actionnaire : Air France et Renault. A noter, en outre, que le groupe AccorHotels est un habitué de ce type de liste noire des discriminations à l’embauche : c’est la troisième fois qu’elle y figure, après un premier testing de la Halde en 2008 et celui lancé par la ministre Myriam El Khomri en 2016.
Une méthode critiquée
Dans un communiqué commun, six des sept entreprises ont immédiatement souligné leur profond désaccord et leur indignation « face aux faiblesses manifestes de la méthodologie utilisée » qui aboutit, selon elles, à des « conclusions erronées« . Ces sociétés pointent notamment du doigt l’utilisation de la méthode de testing par candidatures spontanées, alors, disent-elles, que leur processus de recrutement est très centralisé et passe par le service DRH.
Des réserves, parmi d’autres, que partage en partie les ministères et les chercheurs eux-mêmes.
Conclusion
La réaction des six entreprises incriminées s’est faite sur le mode de l’indignation dans l’objectif de discréditer l’étude. Elle est forcément critiquable comme tout protocole mené en sciences humaines. Pourtant, les résultats sont d’une telle ampleur qu’on est en droit de soupçonner un vrai problème. Et de cela, le communiqué commun ne dit pas un mot.
On peut citer l’étonnante déclaration d’une porte-parole de l’entreprise Altran : « Nous recrutons 4 000 personnes par an en France sur un marché d’ingénieurs ou règne la pénurie, nous ne pouvons pas nous permettre de faire de la discrimination ». Soit cette assertion est à prendre au premier degré et elle est proprement scandaleuse. Soit – ce qui semble être le cas – elle est prononcée sur le mode de l’ironie. Cet humour-là, sur ce sujet-là montre à quel point peut être pris à la légère l’injustice fondamentale que révèle l’enquête, les préjugés abjects qui la sous-tendent et les drames humains qu’elle implique.
Pour l’heure, le gouvernement n’a pas annoncé de nouvelles mesures dans la lute contre les discriminations à l’embauche.