Tribune JL Baroux – Le transport aérien va mieux, mais…

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Tribune JL Baroux - Le transport aérien va mieux, mais...

Jean-Louis Baroux est un acteur reconnu du monde des compagnies aériennes. Créateur du World Air Transport Forum et de l’APG, il constate dans cette tribune les signes très clair du secteur aérien... Mais pointe les difficultés qui pourraient venir la contrarier.

La bonne nouvelle c’est que le transport aérien est reparti, je dirais même : sur les chapeaux de roues. Les avions sont pleins et, mieux, les réservations pour la période été marchent à fond et ce dans tous les pays où on peut circuler normalement. Est-il besoin de rappeler à ceux qui prêchent la décroissance de cette activité que le désir de voyager et de rencontrer d’autres individus que ceux de leur environnement rapproché, est devenu vital dès que les possibilités sont offertes ? Je note d’ailleurs que la pression écologique se montre moins virulente depuis que les frontières se sont rouvertes.

Certes tout n’est pas encore rentré dans l’ordre. Une partie importante du monde, l’Asie du Sud Est notamment, reste encore sous de grosses contraintes. Cela s’explique par la stratégie adoptée qui a consisté à empêcher le Covid d’infecter les populations alors que dans d’autres continents, les autorités sanitaires ont plutôt privilégié l’immunité collective avec l’aide de vaccins plus performants que ceux utilisés en Asie de l’Est voire en Russie.

Inflation

Bref, tout va dans la bonne direction. Les flottes aériennes longtemps clouées au sol se remettent en circulation. On estime même que leur utilisation sera proche de 100% dès cet été, tout au moins pour les grands pays occidentaux. Les commandes d’avions ne ralentissent pas. Et les compagnies aériennes qui se sont beaucoup allégées au cours des deux dernières années voient leur point d’équilibre beaucoup baisser. Ainsi elles dégageront plus vite les profits indispensables à leur développement. Réjouissons-nous de cette situation, sans pourtant oublier qu’il reste quelques sérieuses difficultés à affronter.

On pense bien sûr à la situation internationale créée par le conflit ukrainien qui risque bien de s’enliser avec les dramatiques conséquences pour les populations civiles concernées, mais également par les effets induits sur l’alimentation de certains pays très dépendants de l’agriculture russe et ukrainienne. Il paraît évident que les prix des matières premières et des approvisionnements énergétiques vont monter sérieusement ce qui entrainera inéluctablement un renchérissement des tarifs aériens.

Mais, à première vue, cela ne freine pas les ardeurs des clients qui semblent accepter facilement de payer plus cher un service devenu indispensable y compris pour les loisirs. Toute médaille ayant son revers, les difficultés liées aux approvisionnements pétroliers vont conduire les constructeurs à accélérer le développement de systèmes de propulsion moins polluants. Dans toute crise, il y a des opportunités.

Personnel

Par contre, je note la fâcheuse tendance des syndicats à réclamer tout de suite des augmentations de salaires ou de nouveaux aménagements des conditions de travail avant que le secteur d’activité ait retrouvé son nécessaire équilibre économique. Il est donc à craindre que des conflits sociaux éclatent dès cet été. Nombre de préavis de grève sont ainsi déposés. Les syndicats ne sont d’ailleurs pas tous d’accord entre eux. Ne serait-ce qu’à Air France, les uns et les autres se battent en justice pour de curieuses questions de représentativité qui ont tout de même pour conséquence de mettre en cause les décisions sociales déjà acquises après des mois de discussions.

Autre souci : la remise en activité des équipages ne va pas sans quelques difficultés liées à la perte des réflexes des pilotes. Les coûts de formation vont s’en trouver alourdis. Les incidents, certes sans grande gravité voient le jour dans certaines opérations de routine. La machine aérienne est extrêmement complexe et les mécanismes peuvent rapidement gripper. L’interface entre les transporteurs et les infrastructures aéroportuaires est difficile à caler. Il est plus facile d'ouvrir une nouvelle destination que de remettre en service un nouveau terminal aéroportuaire. Ainsi on assiste déjà à des engorgements causés non seulement par un manque de services au sol, mais également par l’ajout de procédures sanitaires que l’on ne connaissait pas auparavant.

Enfin, on ne peut pas passer sous silence les déboires à jet continu que Boeing s’efforce de gérer. Le grand constructeur américain n’a pas fini de payer la calamiteuse gestion de l’équipe précédente qui a privilégié le profit à court terme pour servir les dividendes réclamés par les fonds d’investissement présents à son capital, au détriment des élémentaires règles liées à la sécurité. La FAA a perdu confiance dans les équipes du constructeur et elle fera payer cher à ce dernier les conséquences liées aux certifications du Boeing 737 Max. Cela n’est pas une bonne nouvelle. Il est en effet indispensable qu’au moins deux constructeurs se partagent un marché qui revient en croissance.