Le Chief Commercial Officer (CCO) d’American Express Global Business Travel, dans le cadre du dernier salon IFTM Top Résa, est revenu pour nous sur la reprise du secteur du voyage d’affaires. Le numéro deux de la TMC américaine nous a également donné son point de vue sur l’évolution des besoins de l’entreprise et du voyageur 3.0, sur la consolidation en cours du marché, sur le modèle de rémunération des TMC, le format NDC et l’apport de l’intelligence artificielle dans le business travel.

M.Crawley, pouvez-vous nous faire un point sur la reprise de l’activité du voyage d’affaires ? Quelle est notamment votre perception du marché européen ?
Andrew Crawley : La reprise est globalement très forte sur les marchés domestiques. C’est le cas notamment aux Etats-Unis où le rétablissement de l’activité concerne d’abord les petites entreprises, qui ont pour beaucoup d’entre elles l’impératif de vite recommencer à vendre.

L’Europe aussi est en forte reprise, dont l’Allemagne et la France. Les résultats de cette dernière sont surprenants, avec une croissance à deux chiffres depuis début septembre. Nos ventes Hôtels et Vols domestiques s’inscrivent en baisse de 20 à 30 % par rapport à 2019, ce qui traduit néanmoins une forte reprise. Globalement, l’ouverture des frontières américaines aux voyageurs vaccinées est une très bonne nouvelle pour le secteur. Les compagnies aériennes mettent beaucoup de capacité sur la transatlantique cet hiver. L’offre se situera entre 70 et 90 % de celle de 2019. Un indicateur traduit l’optimisme ambiant : 98 % de nos clients, d’après la dernière de nos enquêtes mensuelles, nous confirment qu’ils auront recommencé à voyager cette année, et ce même s’ils n’iront pas aussi loin qu’avant la crise.

De nouvelles habitudes ont été prises, avec le recours massif au télétravail et à la visioconférence, ainsi qu’une sensibilité accrue aux questions d’environnement. Le voyage d’affaires de l’après-crise sera-t-il très différent de celui de l’avant-crise ?
Oui et non. La visioconférence a été très utile quand on ne pouvait pas voyager. Mais elle ne peut pas remplacer les rencontres en face à face. Donc oui, on aura davantage recours à la visio après la crise, mais plutôt pour certaines réunions, notamment en interne. Mais rien ne remplacera l’échange en présentiel. La compétition va être très forte avec la reprise. Et le fait de se déplacer sera un atout pour les entreprises face à leurs concurrentes. Il faut compter aussi avec la lassitude de beaucoup de collaborateurs à rester assis toute la journée devant son écran, avec parfois même des conséquences sur le plan psychologique.

Les voyageurs d’affaires vont-ils dorénavant voyager moins mais mieux ?
Les directeurs financiers de la plupart de nos clients interrogeaient déjà, avant la crise, sur la notion de voyage indispensable, sur le fait de savoir s’il n’était pas préférable d’utiliser plutôt Zoom et Teams. La nouvelle grande affaire aujourd’hui, pour le secteur, est clairement la dimension durable. Elle est devenue l’une des priorités de nos clients, s’inscrit clairement dans leur agenda. Chez Amex GBT, nous pensons que nous avons un rôle à jouer, des outils et des services à disposition, afin d’aider nos clients à atteindre leurs objectifs « carbone », à compenser (la TMC est partenaire de Carbonfund et Carbon Footprint, ndlr). C’est une voie étroite. Notre première démarche vise à réduire et rendre transparentes nos émissions de gaz à effets de serrre, comme en témoigne notre récente initiative RSE pour le sourcing hôtelier avec Cvent. Notre seconde traduit notre conviction que la technologie facilitera les déplacements tout en stabilisant les émissions de carbone. Ce qui permet de lier cette exigence à la demande de nos clients pour plus de digitalisation.

Sur le volet aérien, nous avons conclu un accord avec Shell. Le carburant vert peut changer la dynamique du marché avec des crédits carbone. A terme, ce bio-fuel doit concerner tous nos clients et toutes les compagnies aériennes. Mais il est encore rare, il faut inciter à l’investissement afin de pouvoir répondre à la demande.

La crise est-elle en train de rebattre les cartes dans le secteur du voyage d’affaires ? Une grande TMC comme la vôtre doit-elle craindre le dynamisme de nouveaux acteurs tels TripActions et TravelPerk ?
Leur marketing est excellent. Mais il faut beaucoup de temps pour offrir une solution globale. Nous aimons la compétition. Mais nous regardons d’abord les besoins des clients. S’ils veulent à la fois des technologies, des outils sophistiqués et un service de haut niveau, qui passe aussi par le off line, nous sommes la solution. Et l’agilité n’est pas l’apanage des petites TMC.

Amex GBT a émis en mai dernier une offre d’achat ferme afin d’acquérir Egencia, la branche voyages d’affaires d’Expedia Group…
Le monde des TMC est très fragmenté. Et il y a aujourd’hui des opportunités à saisir. La crise a été très dure et va accélérer la consolidation du secteur. Ce qui ne change rien à notre stratégie de développement, guidée par le mix client.

Parlons du modèle économique…
Nos clients, au delà de la dimension transaction, demandent aussi du conseil, du service, de l’aide à l’organisation de réunions et séminaires. Certains d’entre eux veulent combiner les différents modes de rémunération. Nous gérons un important volume basé sur les « management fees » (frais de gestion). La part de la rémunération à la transaction devrait baisser un peu mais rester encore très importante. Restera-t-elle majoritaire ? Cela dépend des TMC. Mais je ne pense pas qu’il y aura de révolution du modèle économique. Chez GBT, nous avons l’agilité de pouvoir répondre aux différents besoins de nos clients.

Sur le format NDC, les GDS sont-ils des acteurs incontournables ?
Nous devons offrir à nos clients une expérience d’achat globale. Et celle-ci passe par la comparaison qu’offre les GDS tout autant que par l’accès aux services ancillaires des compagnies aériennes via NDC. Nous devons d’abord répondre aux besoins de nos clients. Le marché est le juge de l’efficacité de notre distribution.

Vous avez acquis l’an dernier 30SecondsToFly, une start-up spécialisée dans l’intelligence artificielle (IA)…
Cette technologie peut accélérer la réponse à nos clients sur des questions simples. Elle facilite sa démarche sur la partie mobile ou email. Mais nous pensons aussi qu’elle doit, à terme, améliorer l’ensemble de l’expérience du voyage d’affaires.