Où en est aujourd’hui la réouverture des frontières en Europe, à l’heure du Covid ? Quelles sont les dossiers politiques impactant les voyageurs d’affaires au niveau européen ? Quid de la stratégie européenne de décarbonation du secteur aérien ? État des lieux avec Raphaël Heliot, consultant chez Grayling, agence d’affaires publiques européennes pour la GBTA à Bruxelles.
Nul hasard si la première intervention de la Masterclass de la GBTA, ce jeudi à Paris, portait sur l’Europe. De nombreux dossiers qui concernent très directement les déplacements professionnels sont en effet traités à Bruxelles. D’où la décision de l’association mondiale du voyage d’affaires de s’engager dans des actions de lobbying dès 2015, en faisant appel à Grayling. “Aujourd’hui, la GBTA est connue à Bruxelles. Et des ‘decision makers’ viennent maintenant nous voir pour demander conseil”, a d’abord rappelé Raphaël Heliot, Senior Account Executive en charge des politiques de transport chez Grayling, en préambule de son intervention.
La priorité du moment est bien sûr la réouverture des frontières, et d’abord à l’intérieur du continent européen, surtout pour les personnes vaccinées. “Et nous avons constaté que les voyageurs d’affaires étaient très vaccinés” a-t-il ajouté. L’une des complications est le fait que le Conseil européen fait des recommandations que les États ne sont pas obligés de suivre. Recommandations que l’on retrouve avec ses listes de pays classés selon différentes couleurs. Ainsi en est-il par exemple de la couleur écarlate avec mise en quarantaine, que certains pays n’imposent pas malgré les recommandations.
Raphaël Heliot a par ailleurs parlé du certificat numérique européen comme d’une « belle réussite européenne« , ayant permis de supprimer de nombreuses barrières au voyage. Mais la “liste verte” européenne ne compte pas beaucoup de pays aujourd’hui. Et se pose la question de l’interopérabilité de ce “passeport”, déjà effective pour un certain nombre de pays tels la Turquie, la Norvège ou le Maroc. L’UE est en négociation avec un certain nombre d’autres pays, dont le Royaume-Uni. Les Etats-Unis, outre le manque de réciprocité dans les conditions d’accès au territoire états-unien, posent un autre problème en l’absence de certificat unique. Et les Européens eux-mêmes d’adopter des positions différentes, les Américains vaccinés pouvant se rendre en France mais pas aux Pays-Bas, tandis que la Grèce les accueille même non vaccinés.
La GBTA a ainsi mené une grande action il y a quelques jours pour demander aux États membres d’autoriser les voyageurs américains et ressortissants d’autres pays extra-européens à se rendre en Europe s’ils sont vaccinés ou disposent du pass sanitaire.
Le transport en première ligne du “Fit for 55”
Autre sujet majeur pour l’association, le Pacte vert européen. Le 14 juillet dernier a été publié un paquet climat très ambitieux, en terme de réduction des rejets de CO2, concernant tous les secteurs d’activité. Le “Fit for 55” invite à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici 2030. “Le secteur transport est le plus concerné par cette démarche” a rappelé Raphaël Heliot, soulignant quelques unes des initiatives devant être prises pour atteindre les objectifs. Parmi celles-ci, la fin de l’exemption de la taxation du kérosène et le déploiement des carburants alternatifs.
“Cela pourrait avoir un impact à la hausse sur le prix du billet d’avion, par exemple pour un vol aller-retour en Europe de l’ordre de 35 euros” a-t-il ajouté. La position de la GBTA : “Promouvoir des mesures qui ne vont pas nuire à la mobilité, tout en montrant que l’association est un partenaire de confiance en matière de durabilité”, a poursuivi Raphaël Heliot, soulignant son souhait que le fruit de la taxation du kérosène, si elle se fait, se porte dans les investissements dans les carburants alternatifs. Des discussions portent par ailleurs sur l’intégration et l’harmonisation du régime onusien CORSIA destiné à compenser et réduire le carbone pour l’aviation internationale, avec ETS, celui interne à l’Europe.
ETIAS, le futur «ESTA» européen, prévu au plus tôt pour fin 2022
Quels enjeux législatifs futurs pour GBTA ? L’un d’eux porte sur ETIAS, le futur «ESTA» européen, le système d’autorisation pour ceux qui n’ont pas besoin de visa pour entrer en Europe. Les nombreuses discussions, au niveau européen, pourraient bien déboucher sur un coût final « raisonnable » de 7 euros, une validité pendant trois ans, et une exception pour les passagers en transit. Sa mise en œuvre est envisagée pour fin 2022, « mais la prudence s’impose au regard des nombreux retards déjà constatés ».
EES, le système de surveillance des entrées et sorties dans l’UE, visant à permettre un voyage plus fluide, est lui aussi « en cours d’opérabilisation », avec là encore une prévision de mise en service en mai 2022 «au plus tôt». La GBTA est enfin associée à un autre gros dossier, la révision du règlement sur un affichage neutre des prix et des horaires sur les plateformes de voyages en ligne, laquelle devrait aboutir dans les prochains mois.