E. Ebray (HRS) : « On est parti pour une aventure de deux ans, notamment inspirée par notre client Amazon »

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L’outil de réservation hôtelière HRS a mis à profit la crise pour se réinventer, entre urgence et long terme. A la clé : des adaptations et un gros chantier. Entretien avec son manager Europe de l’Ouest Emmanuel Ebray.

Comment se sont déroulés ces 12 derniers mois si particuliers pour HRS ?

Emmanuel Ebray : La première chose que nous avons eu à faire fut évidemment, dans ce contexte pandémique, de garantir la sécurité de nos collaborateurs. Puis, rapidement, d’assister nos clients dans la gestion d’annulations et de reports dans des volumes considérables.

Au-delà de la gestion de l’urgence, quels enseignements avez-vous tiré de cette crise ?

D’abord, on s’est découvert un nouveau métier : des associations et des gouvernements ont fait appel à nous pour créer des solutions de bout en bout, en deux semaines, du sourcing à la gestion des flux dans les appli comptables, en passant par la négociation avec les hôtels – dont certains étaient fermés, le moyen de paiement, etc. Ca a été le cas en Californie pour 2 millions de nuitées sur l’année, dans l’état australien du Queensland ou encore en soutien à l’armée allemande dans ses campagnes de vaccination… Nos équipes et nos outils ont été à la hauteur et nous pouvons désormais décliner cette expérience en cas de crise météorologique, politique… 

Les protocoles sanitaires ont dû aussi constituer l’un de vos sujets principaux…

Oui, ils se sont logiquement multiplié dans les hôtels et nos clients ont été en demande d’explications et de clarifications. Alors, avec l’un des grands acteurs mondiaux de la certification, SGS, on a lancé Clean and Safe Protocol en tenant compte des différentes recommandations de diverses autorités sanitaires à travers le monde dans une démarche de consolidation et de normalisation. 65.000 hôtels y ont adhéré, l’ensemble des grandes chaines mais aussi énormément d’indépendants qui pouvaient ainsi donner de la visibilité à leurs mesures sanitaires, sans avoir les ressources d’hôtels de groupes. Désormais, on voit ce macaron Clean and Safe, aussi bien dans les outils de procurement (accessibles aux acheteurs et travel managers, ndr) que de réservation (à l’utilisateur final, ndr).

Le sanitaire, plus globalement le duty of care, et, pour élargir le spectre, la RSE, sortent-ils renforcés de cette crise ?

C’est notre conviction. C’est pourquoi, justement, cette expérience Clean and Safe, d’interroger sur leurs mesures sanitaires des dizaines de milliers d’hôtels, nous l’avons mise à profit pour créer un autre label, destiné à la dimension écologique de la RSE. Car c’est un enjeu de premier ordre pour nos clients et nous avons notre rôle à y jouer. C’est le label Green Stay qui a pour objectif de mesurer la performance des établissements en termes de gestion des déchets, de l’énergie, de l’empreinte carbone… On a démarré avec un très gros client pilote, en collaboration avec des organismes spécialisés dans le domaine. L’objectif est, pour le client, de disposer des outils de mesure de la performance RSE de son programme hôtelier. Et par ailleurs, on pense que l’existence d’un tel label, visible lui aussi dans l’outil procurement et réservation, est de créer un effet d’entrainement incitant les hôtels à s’y conformer au mieux.

Ces derniers mois, ce sont surtout les collaborateurs de PME qui ont voyagé. Or, vos clients sont des grands groupes. Pensez-vous adapter votre offre pour capter cette clientèle ?

Notre outil est utilisé par des collaborateurs de PME, par l’intermédiaire de certaines TMC. Mais il est vrai qu’au global, notre approche est directe et que notre offre n’est pas dimensionnée pour les PME-PMI. Et ce n’est pas notre volonté de changer notre stratégie commerciale pour un phénomène qu’on estime très conjoncturel. La tendance au retour plus rapide des voyageurs de PME est indéniable, mais, parmi nos clients, nous avons observé un autre phénomène : une augmentation, en proportion, exponentielle du segment « longs séjours » – de 15 nuitées. Parce qu’ils correspondent à des métiers qui nécessitent le déplacement, même dans les circonstances pandémiques : BTP ou maintenance, notamment. On en a été très surpris, et là encore, ça a été l’occasion de créer un package adapté à ce type de demande qui, traditionnellement, se faisait en-dehors des canaux – ce qui pose problème pour la traçabilité des collaborateurs et pour la perte de toutes les vertus de consolidation des données.

Un package « séjours longs », une offre « solution de crise », deux labels créés… Il faut des crises pour innover ?

En tout cas, l’innovation est une bonne réponse aux crises. Mais honnêtement, on n’attend pas les crises : je suis chez HRS depuis 10 ans, et tous les 6 mois, j’ai l’impression de bosser dans une nouvelle boite, tant notre technologie – dont nous sommes à 100 % propriétaires – est en perpétuelle évolution. D’ailleurs, la plus grosse actualité de HRS n’a rien à voir avec la pandémie. Elle est le résultat de notre fréquentation de nos clients, notamment Huawei, Ali Baba, les Gafa. Leur modèle nous a fait réfléchir à notre propre modèle… On est au tout début d’une aventure : la refonte complète de notre plateforme, totalement intégrée. On va procéder par itération, brique après brique et cet énorme chantier qui à débuté à la mi-2020 trouvera son aboutissement dans deux ans. C’est certainement notre plus gros investissement, et je dis ça alors qu’on a racheté il y a quelques jours Itelya, un acteur important de paiement centralisé, de récupération de facture auprès des hôteliers en connexion avec les fournisseurs de paiement… C’est une des briques parmi d’autres.

En quoi le modèle de vos clients hi-tech vous ont-ils inspiré dans ce programme de refonte ?

Pour le dire très simplement et pour prendre l’exemple de l’un d’eux : Amazon. Cette plateforme totalement intégrée est capable d’échanger de façon automatisée avec des dizaines de milliers de fournisseurs, de la TPE à la multinationale, partout dans le monde. C’est forcément inspirant pour nous. Aujourd’hui, les hôtels ont accès à notre extranet, peuvent fournir leur inventaire par le biais de connectivités plus ou moins directe. Parmi eux, il y a les hôtels de chaine – dans ce cas, je ne veux pas dire que c’est facile, mais presque – mais il y a aussi et surtout des dizaines de milliers d’établissements indépendants. L’idée est que tous ces échanges d’informations soient totalement intégrés, du sourcing à la récupération de TVA, en passant par les différents éléments qui fixent le prix de la chambres en temps réel, le rebooking, le recommandation engine, le paiment… au niveau mondial. 

En fait vous êtes une boite de tech remplie de développeurs…

Nous sommes une boites de tech qui produit du conseil sur une catégorie d’achats bien particulière. C’est pour ça que nos 1.000 collaborateurs se répartissent partout où nous proposons nos services dans le monde, dont une quarantaine en France. Ce sont nos clients grands comptes qui nous réclament cette proximité et cet accompagnement.

Vous considérez que la prépondérance du voyage PME est conjoncturelle. Mais alors, quand les grands comptes repartiront-ils ?

La reprise va se faire par vague, par pays, en fonction des taux de vaccination. Mais aussi par type d’industrie. Par exemple, nous avons pu constater que l’industrie pharmaceutique a davantage maintenu ses voyages que d’autres secteurs. Et enfin par entreprise, en fonction de leur politique voyage. On observe une reprise des réservations chez HRS, en juin et surtout en septembre, y compris liées à des événements d’entreprise, certes de dimension modeste – disons 75 personnes. Mais attendons la rentrée de septembre pour en dire davantage.