Alors que notre rapport au bureau évolue et que de plus en plus d’entreprises sautent le pas en misant sur le flexoffice, Wojo continue de développer son réseau et enrichit son offre. Ouvertures en Europe, location d’espaces sur la durée, établissement « mixed use »… La société appartenant à Accor continue de disrupter le marché hôtelier et s’adapte à un contexte mouvant. Entretien croisé avec Stéphane Bensimon, CEO chez Wojo et Lenaic Bezin, Head of Third Places Development.
Après deux ans de crise sanitaire, quel est l’impact sur l’activité de Wojo et l’évolution de votre offre ?
Stéphane Bensimon : Le monde du travail a fortement évolué avec la crise. Nous observons que les entreprises ont profondément transformé leur façon de fonctionner et la temporalité de cette crise fait que cette évolution est désormais ancrée. D’un point de vue entreprise, la généralisation du télétravail et les coûts liés au « bureau » a rebattu les cartes. Avant la crise sanitaire, il y avait déjà 30% des bureaux qui étaient mal utilisés et post-crise, ce chiffre a considérablement augmenté.
En plus, il a fallu redonner du sens aux collaborateurs afin de leur donner envie de se rendre au bureau. Le fait de travailler dans des espaces qui répondent aux attentes et nouveaux besoins des travailleurs, participe à leur bien-être. Nous avons également tous pu observer qu’il y avait une limite au homeworking. Les collaborateurs ont besoin de se retrouver et de vivre une expérience enrichissante lorsqu’ils viennent sur site. Dans ce contexte, Wojo a mis en place encore plus de flexibilité pour ses offres et nous insistons sur le fait que nous proposons un vrai lieu de vie avec du serviciel. Nous proposons des espaces de coworking certes, mais nous avons également développé une offre dédiée aux professionnels qui souhaitent « louer » des espaces privatifs et des salles de réunion occasionnellement ou sur la durée.
Développer un espace Wojo au sein d’un établissement hôtelier permet-il réellement de générer des revenus supplémentaires ?
Stéphane Bensimon : Les entreprises et les collaborateurs sont encore en train de créer leur «schéma directeur». Dans les mois à venir, 40% des entreprises vont transformer le fonctionnement de leurs bureaux. Avec Accor, notre intérêt est de disrupter l’hôtel pour y faire entrer une nouvelle activité. Cette dernière n’a besoin que de deux choses : des espaces disponibles et du service. Quoi de mieux que les hôtels et le réseau Accor pour répondre à cette demande. Aujourd’hui, nous avons plus de 400 espaces Wojo, avec des ouvertures en Allemagne et en Autriche récemment. Résultat : ces espaces génèrent du flux, de l’intérêt venant des entreprises pour signer avec nous sur du long terme. Pour les hôteliers, leur intérêt est d’occuper les espaces disponibles dans la journée, de favoriser la consommation sur place ou l’utilisation des assets de l’hôtel.
Venir travailler dans un hôtel a toujours existé, pour les voyageurs d’affaires notamment. Pour les habitants du quartier ou les entreprises en revanche c’est quelque chose de nouveau.
Lenaic Bezin : Le résultat financier des hôtels varie selon l’implication de chaque propriétaire et de ce qu’il fait de cet espace de coworking. Ceux qui performent ont fait un vrai travail de formation des équipes, ont adapté les process opérationnels … L’enjeu désormais va être de comprendre les fonctionnements des entreprises pour les faire signer avec nous. Avoir des clients c’est bien, les garder c’est mieux.
En parallèle, durant la crise sanitaire, plusieurs espaces Wojo n’ont jamais fermé leurs portes, contrairement à la partie hôtelière. Ces établissements sont justement ceux qui avaient une clientèle fidèle et qui avaient réussi à créer une véritable expérience dans leurs espaces. Grâce à ça, ils ont pu générer du chiffre d’affaires et se doter d’un « matelas financier » qui leur a permis de compenser en partie les pertes liées à la crise. Nous parlons de plusieurs milliers d’euros de chiffre d’affaires à l’année pour certains établissements… Etant donné que c’est de l’optimisation d’espace, l’investissement est moindre.
Selon vous, l’intérêt de lier les deux activités est donc établi ?
Stéphane Bensimon : Depuis la première heure je suis convaincu que oui, il y a un réel intérêt de lier hôtellerie et coworking. Je suis d’autant plus convaincu que post-crise, le rapport au bureau évolue. Nous devons désormais travailler afin de rendre ce dispositif le plus fluide et compréhensible possible pour les entreprises. Il faut que l’espace hôtelier entre dans le schéma immobilier des sociétés. Nous sommes d’ailleurs en train de développer un concept d’établissement « mixed use », où l’hébergement et le coworking disposeront à 50/50 des espaces. L’objectif est de créer des hôtels à double positionnement.
Lenaic Bezin : Notre marché va grossir de 200% par an. Le vrai sujet pour le marché hôtelier est : quid de l’évolution du Business Travel ? Chez nous, on pense qu’il y a des chances pour que les grands voyageurs ne reviennent pas, du moins pas autant qu’avant. L’objectif est donc de cibler les entreprises. En 2022, nous souhaitons upgrader nos réseaux et proposer des fonctions additionnelles. Nous nous concentrons plus sur l’amélioration de notre réseau que son développement. Sur la partie « mixed use », plusieurs signatures ont déjà eu lieu et des ouvertures sont prévues en 2023, 2024 et 2025. Ce qu’il faut garder en tête est que Wojo permet aux hôteliers de diversifier leurs revenus, leurs services et d’améliorer indéniablement l’expérience client. Pour les entreprises, les enjeux liés à la RSE et à l’hybridation du travail ne vont faire que s’accélérer. Ce type d’espace permet, en partie, de répondre à ces nouveaux besoins.