Amérique latine : le secteur aérien ne retrouvera pas sa taille avant 2025

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L’Amérique latine reste aujourd’hui la région du monde la plus affectée par l’épidémie de coronavirus avec le cap des 100 000 morts qui vient d’être dépassé. Le secteur aérien subit cette crise de plein fouet et il lui faudra plusieurs années pour retrouver son niveau d’avant la pandémie.

José Ricardo Botelho,est le président de l’Association du transport aérien d’Amérique latine et des Caraïbes (Alta), il vient d’accorder un long entretien au journal colombien La República sur la reprise et sur l’avenir du secteur une fois la crise passée. Nous en reproduisons ici plusieurs extraits.

Comment sera l’industrie aérienne après la pandémie ?

Lorsque nous pourrons à nouveau opérer, les compagnies aériennes reviendront au départ avec une capacité réduite, moins de routes, moins de fréquences, moins d’avions et moins de passagers, elles devront donc évaluer où elles ciblent leurs investissements et leur capacité opérationnelle. Cela se traduira par une moindre connectivité pour la région et une industrie plus petite, comparable à l’aviation que nous avions dans la région en 2009, ce qui peut certainement générer quelques inconvénients dans les chaînes logistiques et le tourisme qui dépendent directement du transport aérien.

Quand l’industrie pourrait-elle revenir aux niveaux d’avant la pandémie ?

Une étude du cabinet de conseil ICF indique que d’ici 2023, nous verrons environ 96 % du trafic de passagers que nous avons vu en 2019 dans la région (un peu plus de 300 millions de passagers) et que ce n’est que jusqu’en 2025 que nous verrons les niveaux de 2019.

Par conséquent, nous réaffirmons l’importance d’un travail coordonné entre les autorités et l’industrie pour relancer les opérations de manière harmonisée et rapide. Pour la région, il sera essentiel de disposer de compagnies aériennes reliant les points les plus importants, tant du point de vue du tourisme que des voyages d’affaires. Nous avons des pays comme le Mexique et aussi les Caraïbes où plus de 15 % de l’économie dépend directement du secteur des voyages et du tourisme, ce qui montre que la grande majorité des touristes arrivent par avion. Notre industrie jouera un rôle fondamental dans la reprise économique de nos pays.

Quels étaient les niveaux du secteur avant la pandémie ?

L’aviation en Amérique latine et dans les Caraïbes connaît une croissance constante et, depuis 1970, le trafic a doublé en moyenne tous les 12 ans. Au cours des 16 dernières années, le trafic n’a cessé de croître et la connectivité de la région s’est également considérablement améliorée. Pour cette année, nous avions prévu une croissance d’environ 5 %, mais les estimations actuelles indiquent que nous terminerions le mois de décembre en fonctionnant à 50 % de la capacité initialement prévue.

Comment voyez-vous le processus de relance du secteur dans le monde ?

Dans d’autres régions du monde, nous commençons déjà à voir une reprise progressive des opérations. En effet, le mercredi 17 juin, plus de 8 000 vols ont été effectués en Europe, ce qui en fait le jour où le plus grand nombre de vols ont été effectués au cours des trois derniers mois. C’est une bonne nouvelle, même si le niveau des opérations en Europe se situe autour de 25 % par rapport à l’année précédente.

En Chine, nous avons commencé à voir le redémarrage en mai. Les compagnies aériennes ont transporté 25,83 millions de passagers, soit 52,6 % de moins que l’année précédente, mais cela représente une amélioration de 15,9 points de pourcentage par rapport au mois d’avril.

Dans l’ensemble, les recherches de voyages aériens sur Google ont augmenté de 25 % à la fin du mois de mai par rapport au creux d’avril. Il s’agit d’une augmentation par rapport à une base très faible et elle est de 60 % inférieure à celle du début de l’année, mais nous constatons lentement un intérêt pour les voyages.

Comment la reprise dans la région se compare-t-elle à d’autres expériences ?

Notre région continue d’avoir un niveau de trafic très faible. Les marchés du Mexique, du Brésil et du Chili sont restés opérationnels sur leurs marchés intérieurs, mais aussi avec des réductions de trafic de plus de 90%. En ce qui concerne la réouverture, nous avons vu l’Equateur ce mois de juin et nous considérons comme positive l’annonce de l’aéroport de Medellin de commencer les vols à partir du 1er juillet vers San Andres, une destination importante en Colombie.

Le transport aérien est un puissant activateur pour de nombreux secteurs économiques. C’est pourquoi nous réitérons constamment l’importance et l’urgence d’une mise en œuvre harmonieuse des protocoles de santé et de sécurité recommandés par le groupe Cart sous la coordination de l’Oaci et de la réouverture des frontières.

Quels sont les défis que cette pandémie a dévoilés pour l’industrie ?

Il est extrêmement coûteux d’opérer dans la région par rapport à d’autres régions. Au cours des trois derniers mois, les compagnies aériennes n’ont pas pu fonctionner, mais ont maintenu plus de 50 % de leurs coûts fixes. Il n’est pas viable pour une entreprise, quel que soit le secteur économique, de maintenir des coûts fixes sans un certain revenu. Le rôle des gouvernements est crucial en ce moment pour assurer la viabilité de millions d’emplois. C’est pourquoi nous réitérons constamment l’urgence de mettre en œuvre et/ou de prolonger les mesures temporaires et spéciales d’allègement fiscal, de faciliter la renégociation de la dette, de permettre le réinvestissement des budgets publics dans l’aviation et d’inclure le secteur dans des programmes d’aide spéciaux pendant la grave situation à laquelle nous sommes confrontés, ainsi que d’éviter l’augmentation des redevances et des droits, d’ajuster les conditions de travail et d’étendre la flexibilité en ce qui concerne les règles d’attribution des créneaux horaires et d’autres dispositions non liées à la sécurité, afin de permettre au secteur de prendre des décisions opérationnelles en fonction des besoins des consommateurs aujourd’hui sans nuire aux possibilités de voyage futures.