Gilles Gompertz (Avico) : « Le monde peut se passer de hamburger mais pas de transport aérien »

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Premier courtier français et acteur majeur de l’affrètement en Europe, le groupe Avico a également développé une large gamme de services dans le transport aérien et le tourisme. Cela va de l’assistance aéroportuaire au financement d’avions, en passant par la formation ou encore la distribution touristique. Son directeur général, Gilles Gompertz analyse, pour DéplacementsPros, les conséquences de cette crise sanitaire sur le transport aérien.

DP : Quelles sont les premières conséquences de la crise pour Avico ?

Gilles Gompertz : Tout ce qui était programmé a disparu, c’est un premier effet négatif et très violent sur les premières semaines de crise. Mais par la nature même de nos activités, nous sommes habitués à gérer des situations peu courantes, notamment sur le plan géopolitique et nous possédons donc les réflexes permettant de faire face à tout type d’imprévu. Nous avons déjà vécu les conséquences de la guerre du Golfe, puis celles post attentats du 11 septembre et aussi les perturbations causées par l’éruption du volcan islandais qui avait paralysé une bonne partie du trafic aérien. Aujourd’hui, la situation est bien plus grave, on s’installe dans la durée et le transport aérien va être très sérieusement affecté car la réouverture des frontières dans le monde va prendre du temps. Il est clair également que la question de la distanciation sociale n’est pas facile à mettre en oeuvre dans les avions et les aéroports, ce qui réduit d’autant la capacité d’assurer un transport aérien sans risque.

DP : Subissez-vous une perte d’activité ?

GP : Non, pas du tout, bien au contraire car sur les premières semaines nous avons connu une activité supérieure à la normale. Notre métier, c’est de trouver des solutions là où les acteurs du transport aérien ont du mal à le faire. Nous avons de la chance, si l’on peut dire, car à chaque fois qu’il y a des disjonctions dans l’offre et la demande, le secteur a besoin de gens comme nous. En temps normal, cela représente 30% de notre activité. Nous avons ainsi procédé à des affrètements urgents, pour répondre aux besoins impérieux de rapatriement et d’import de matériel médical. Au total, ce sont plus de 13 000 personnes et 10 millions de masques et matériel médical associés qui ont été rapatriés ou acheminés, sur 45 vols affrétés par Avico pendant ce premier mois de confinement. La gamme des avions affrétés va du Boeing 747 au Cessna Citation, en passant par des avions régionaux comme l’Embraer 145, les moyens courriers Boeing 737 et Airbus A320, presque toute la gamme long courrier Airbus (A330, A340, A350), qui ont parcouru l’Europe, l’Afrique, les Amériques, l’Asie au pied levé.

DP : Vous attendez-vous à un changement de la demande à la sortie de la crise ?

GP : Il est très difficile de présager la sortie de crise et les retombées sur le transport, notamment sur les voyages d’affaires car les mesures sanitaires seront un frein à une reprise totale. Ces mesures sanitaires vont changer la donne et domineront désormais aussi bien en matière de transports que dans notre vie quotidienne. C’est maintenant une nouvelle donnée qu’il va falloir intégrer, comme le risque terroriste qui conditionne aussi les déplacements. Il est cependant certain que notre métier va changer, de nouveaux marchés vont apparaître alors que d’autres disparaîtront. Il va falloir s’adapter à ces nouvelles règles et nous essayerons d’apporter des solutions aux disjonctions.

DP : Quels sont aujourd’hui les risques pour l’ensemble du secteur aérien ?

GP : L’impact sera et est déjà considérable pour les compagnies aériennes. Le taux de faillite sera bien sûr supérieur à la normale, nous sommes actuellement dans la phase critique de cette crise sanitaire. Mais je reste émerveillé par la capacité d’adaptation du secteur aérien et par sa compétence à faire évoluer les process. Je pense que la moitié du trafic va reprendre très vite, pour le reste, cela risque de prendre des années. Le besoin de transport aérien est indispensable. Nous avons, par exemple, une demande urgente pour le fret aérien dont une partie était assurée par les vols avec passagers. Aujourd’hui malgré la réduction du trafic, le fret doit continuer d’être acheminé et nous avons un gros besoin en termes de cargo. Les avions vont donc continuer à voler. Le monde peut se passer de hamburger mais pas de transport aérien comme le disait, en son temps, Lotfi Belhassine, le fondateur d’Air Liberté.