Les start-up du voyage d’affaires ont-elles un avenir ?

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Une très grande majorité des voyageurs, travel managers et acheteurs, a été déçue par les promesses technologiques annoncées par les opérateurs historiques du marché. Pourtant, plein de bonnes idées étaient présentées mais elles avaient le défaut d’être lancées trop tôt ou, elles nécessitaient une technologie de support pas totalement disponible (exemple le scan des notes de frais imposant l’équipement de smartphones, les charges de roaming maintenant disparues en Europe…).

Ce qui fût fait et proposé le fût par des opérateurs qui ont eu le courage de d’innover mais qui se sont heurtés à la lenteur ou à l’immobilisme d’acteurs clés (côté vente ou achat) qui buttaient sur des problématiques techniques ou qui n’osaient pas franchir le pas. En clair, il y avait des trous dans la raquette lesquels n’étaient pas forcément détectables à la genèse du projet. Problème de conduite du changement ?

L’innovation et les acteurs sont présents sur le marché des déplacements professionnels. Les nombreuses annonces et enseignes le prouvent. Une étude parue récemment dans la presse américaine montre qu’il y aurait, dans le monde, 15.000 start-ups intervenant sur le marché des déplacements. Toutes ont pour leitmotiv l’innovation et le service au client. Les offres techniques et commerciales proposées répondent à des attentes ou créent même un besoin pour les voyageurs. Alors pourquoi les fusions acquisitions ne sont pas toutes des réussites ?

Pour commencer, il faut savoir que l’on s’adresse à deux types d’organisations distinctes. L’organisation traditionnelle est plus généralement usitée chez les opérateurs historiques. En termes d’innovation, on considère, dans ce type d’organisation, que toutes les idées nées en dehors de l’organisation ne sont pas les bonnes. A l’inverse, dans l’organisation apprenante usitée par les start-ups, on considère que les idées nées dans l’organisation sont à proscrire (je vous suggère de vous référer aux publications d’Henry Mintzberg qui a été prolifique sur le sujet).

Les deux modèles s’affrontent, s’entraident et peuvent même cohabiter au sein des sociétés (et là, il y a risque de blocage). Lorsqu’une organisation traditionnelle prend le contrôle d’une consœur apprenante (cas d’un rachat d’une start-up par un groupe attaché à l’existant) il y a un problème de culture et d’objectifs qui apparaît immédiatement. La conduite du changement nécessaire à l’intégration de l’organisation apprenante est alors complexe et demande la mise en place d’outils spéciaux (aide à la décision, reporting, procédures d’escalade…). Dans la majeure partie des organisations Européennes, cette transition est souvent ignorée ou sous-estimée. De fait, près de 80% des intégrations finissent par des échecs, 60% des projets font face à des délais ou à des surcoûts, 30% demandent de la reconception et/ou de l’ajustement au cours de l’implémentation et l’utilisation est en moyenne 55% plus onéreuse que prévu initialement (pour le créateur de service mais cela affecte également et partiellement l’utilisateur). Pour noircir le tableau, certain  "business angels"  misent des fonds sur des start-ups mais en attendent un retour sur investissement à court terme ce qui est souvent irréaliste. Elles prennent alors le contrôle, changent la structure et font capoter (dans la majorité des cas) les initiatives.

Alors faut-il croire et miser sur les jeunes pousses ? La réponse est OUI ! Mais attention, il y a des codes à respecter. Plus qu’une solution technique, il faut regarder l’écosystème qu’elles génèrent, pilotent voire créent et ce même si vos références historiques sont mises à mal. Il faut donc aller bien au-delà des solutions techniques ou commerciales proposées et bâtir un vrai plan stratégique d’intégration pour maximiser les chances de succès. Il est impératif de voir comment adopter une solution dans un écosystème voire comment lier cet écosystème à votre solution technique. Cela demande du temps, de l’investissement, des ressources (internes et externes) et donc, du conseil. Alors comment imaginer le futur et surtout, comment ne pas se tromper tout en gardant un coup d’avance sur le marché ?

Communiquer, échanger et partager est la clé du succès. Se fédérer dans les associations (fournisseurs et clients), participer aux salons et s’abonner aux différentes publications est essentiel. A ce titre, le TOTEC qui se déroulera la semaine prochaine est l’événement incontournable permettant de prendre en compte la vision du futur du marché des déplacements professionnels. Mieux, la manifestation permettra de constater ce que proposent les start-ups et comment les opérateurs historiques comptent intégrer leurs services. Il est même certain que l’on découvrira de nouveaux écosystèmes. C’est donc une opportunité pour les vendeurs mais surtout pour les acheteurs car seule l’innovation peut apporter des réductions de coût complet.

Faire de la veille technologique est capital voire obligatoire. Ce n’est ni une perte de temps, ni un investissement à perte car cela permet de poser les bonnes questions, de connaitre les acteurs fiables et surtout d’imaginer le futur pour anticiper l’avenir de la stratégie de mobilité ou de la politique voyage.


Yann Le Goff
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nilrem.fr