Châteauform’ : “On recrute sur des valeurs plus que sur des compétences”

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Châteauform’ : “On recrute sur des valeurs, plus que sur des compétences”

Châteauform’ est désormais une “société à mission”. Claire Schwartz, responsable de l’Engagement, explicite le nouveau statut, encore méconnu, de son entreprise.

Châteauform’ est récemment devenu une société à mission. De quoi s’agit-il ?

Claire Schwartz : Depuis la loi Pacte (de 2019, ndr), les entreprises ont la possibilité d’intégrer officiellement ce concept dans leurs statuts - c’est alors indiqué dans leur Kbis, par exemple. Ca implique d'avoir inscrit dans ses statuts une raison d'être, des objectifs statutaires associés, d’avoir constitué un comité de mission composé de membres extérieurs à l'entreprise, garant du respect de la mission, et d’avoir mandaté un organisme tiers indépendant qui va vérifier au bout de 18 mois la première fois, puis tous les 2 ans, que les objectifs statutaires sont bien réalisés. Ensuite, il y a un rapport de mission écrit par le comité de mission, validé par l’organisme tiers, attestant de la réalisation de la mission. Si c’est le cas, le statut est maintenu jusqu’à la prochaine échéance. En d’autres termes : on peut le perdre. L’objectif ultime d’une entreprise est de faire du profit. Avec ce nouveau statut, l’entreprise peut mettre en avant une raison supérieure au profit et doit en conséquence rendre compte à ses actionnaires de la réalisation de sa mission.

Voilà, pour le cas général. Concernant Châteauform’, quels sont votre raison d’être et vos objectifs ?

Ça fait 26 ans que Châteauform’ a fait de l’humanisme une valeur cardinale et on veut garder cette culture de management très spécifique et la renforcer. C’est donc tout naturellement que l'humanisme est désormais statutairement notre raison d‘être. Notre premier objectif est tourné sur notre modèle de management, nos talents, qui sont au nombre de 2.000. 

Rares sont les entreprises qui ne prétendent pas placer l’humain au cœur de leur projet… Avez-vous procédé à des licenciements durant la pandémie ?

Non, on n’a pas licencié durant le covid. Très bonne question, donc ! On considère effectivement l'humain comme notre priorité absolue avec l’objectif que chacun puisse s’épanouir par le travail dans l’entreprise, se révéler, dévoiler tout son potentiel. Et pour ça, on a un mode de fonctionnement spécifique. On fonctionne en pyramide inversée : on laisse une autonomie au terrain qui est au service du client - c’est lui le patron - et les fonctions supports ainsi que la direction sont là pour soutenir la pyramide, faire en sorte que tout se passe bien pour le client et que le travail du terrain soit facilité. 

On a un management par les valeurs. On recrute les gens sur leurs valeurs - c’est certainement plus difficiles de juger les valeurs plutôt que les compétences mais c’est ce qu'on fait car on sait aussi qu’il est plus facile d’acquérir des compétences que d’adopter des valeurs. L’avantage de cette méthode, c’est qu’elle permet de collaborer en toute confiance. Et c’est cette confiance qui permet l'autonomie dont je parlais, mais aussi de permettre une mobilité au sein de l’entreprise : d’y vivre une histoire.

Je continue mon petit contrôle "humanisme"... Quels types de contrats de travail proposez-vous ? Qu’en est-il du télétravail dans votre entreprise ?

On a essentiellement des talents salariés de l’entreprise, en CDI : il y a peu de contrats précaires, même s’il nous arrive, pour répondre aux fluctuations du marché ou aux difficultés de recrutement, d'avoir recours à des contrats courts ou de l'intérim. Mais notre modèle, c'est le salariat en CDI. Par exemple, toutes nos maisons sont tenues par un binôme - souvent un couple - salarié en CDI, qui vit sur place (quand c'est un lieu d'hébergement), accompagné d'une équipe qui compte de 12 à 60 personnes couvrant tous les métiers de l’hôtellerie (dans le cas des expériences "au vert") ou de l’accueil (pour nos lieux sans hébergement, en ville). Seuls nos lieux purement événementiels (la salle Wagram, le Palais de Paris-Saclay, les Docks de Paris…) ne sont pas sur ce modèle. 

Pour le télétravail, évidemment, notre métier étant celui de la rencontre, il n'est pas possible pour le terrain. Mais il est tout à fait possible, en ce qui concerne les équipes de nos deux "maisons de famille" - c’est le nom qu’on donne à notre siège - à Saint-Ouen et à Persan (Oise).

Ce modèle de management, vous en êtes si satisfaits qu’il est également au cœur de votre deuxième objectif : influencer les entreprises sur ce sujet. De quelle façon ?

Le premier levier est informel. C’est l’inspiration par l’exemple, car notre management se ressent : nous avons souvent des questions à ce sujet et tous nos collaborateurs sont prêts à partager cette expérience. Le deuxième : à chaque événement que nous accueillons, il y a un temps de présentation de Châteauform’ et, depuis que c'est d'actualité, du concept de "société à mission". Le troisième est plus ponctuel : on propose à nos clients un vrai temps de parole pendant leur séminaire où on explique dans le détail notre modèle… D’autre part, Benjamin Abittan, notre DG, est de plus en plus sollicité publiquement pour partager sur ce sujet. Et, depuis peu, nous avons même eu des clients qui nous ont demandé des programmes de formation au management par les valeurs, auxquels nous répondons favorablement.

Quant au troisième objectif, il concerne les événements que vous accueillez…

On a une formule pour synthétiser cet objectif : créer des rencontres respectueuses des hommes, des territoires et du vivant… On travaille sur l’écoconception des events : chaque moment du parcours participant est pensé pour réduire au maximum son impact. Pour ça, on utilise le référentiel LEAD (Label des événements à ambition durable), créé par Green Événements et le cabinet de certification SGS, portant sur 12 critères : zéro déchet, ambition zéro net carbone, impact social positif…

Que le client veuille faire labelliser ses events (et, dans ce cas, on sait l'accompagner) ou non, on utilise ce référentiel. Quelques exemples concrets : pas de bouteilles en plastique mais des fontaines à eau, une nourriture plus végétale, un sourcing local…

Concernant la gestion de nos lieux, notre responsable énergie nous accompagne sur la sobriété, identifie des pistes de réduction de consommation d’eau et d'énergie. 

De plus, nous nous engageons aussi à entretenir et faire vivre le patrimoine immobilier et naturel. Nos lieux (70 en Europe, dont 42 en France, ndr) ont tous une histoire (certains sont même classés) et ça fait partie de l’expérience que de la raconter, d’en donner l’accès bien sûr à nos participants mais aussi lors des journées du Patrimoine, par exemple. Et on veut développer les visites scolaires, associatives... Voilà pour l’immobilier. Le patrimoine naturel, c’est plus récent - depuis le dispositif “société à mission : dans nos grands parcs, nos forêts, on se demande comment contribuer à régénérer la biodiversité - ou, en tout cas, à l’entretenir.

Et enfin, l’ancrage local : notre rôle est de tisser des liens avec le bassin local - recrutements, achats…

Ce troisième objectif correspond-il à une requête plus fréquente de la part des clients, que ce soit lors d’un événement ponctuel ou dans le cadre d’un appel d’offres ?

Très clairement, depuis 2018, ça devient de plus en plus fréquent. Et aujourd'hui, c'est systématique. On peut nous demander une évaluation Ecovadis, des informations relatives au bilan carbone… Puisque les entreprises évaluent désormais leurs scopes 1,2, 3 et que le plus gros impact, c’est le scope 3, il est logique qu’en tant que fournisseurs, nous soyions sollicités à ce propos.

Votre secteur n’est pas épargné par la pénurie de personnel. Cette mise en avant de vos valeurs est-il aussi un moyen d'attirer des talents ?

La démarche n’a pas été initiée pour cette raison, mais on pense effectivement que c’est de nature à retenir les talents. Quant au recrutement, c’est beaucoup plus facilement mesurable. Nous avons rendu public notre statut de société à mission en janvier dernier. Nous avons reçu 140 candidatures spontanées sur les deux premiers mois de l’année. Auparavant, nous en recevions 35 mensuelles. C’est donc un doublement.