MPI (Meeting Professionals International) publie chaque trimestre son baromètre international « Meetings Outlook ». Véronique Holveck, présidente du chapitre France-Suisse de cette association mondiale, la plus grande uniquement dédiée au secteur du MICE, commente pour nous les résultats du premier trimestre 2025. Lesquels sont d’autant plus instructifs que 60% des 15 000 membres actifs de MPI vivent aux États-Unis, un pays souvent annonciateur des tendances évènementielles de demain, et qui connait quelques soubresauts politiques et économiques actuellement.
Qu’est-ce qui motive l’organisation des événements professionnels aujourd’hui ? Le dernier baromètre met-il l’accent sur des changements dans les objectifs fixés, sur des évolutions en cours ?
Véronique Holveck : 2023 avait été une année record en termes de demandes, du fait surtout d’un besoin stratégique de recréer de la cohésion d’équipe après les années Covid. En 2025, il est devenu essentiel pour les entreprises de s’assurer que les participants à un événement professionnel perçoivent vraiment la valeur ajoutée qu’il peut leur apporter.
Il est donc crucial de réfléchir plus que jamais au contenu. Cela passe par la mise en œuvre d’un plan d’action précis pour obtenir des résultats concrets. Le format d’un évènement est également important pour identifier la proposition de valeur spécifique que l’entreprise veut offrir. Ce qui prévaut déjà indéniablement cette année, ce sont les notions d’unique et d’atypique notamment dans le choix de lieux, d’engageant, d’impactant.
L’industrie évènementielle a aussi compris qu’il est essentiel, en 2025, de travailler sur des programmes sur mesure qui engagent toutes les parties prenantes, qui délivrent des expériences alignées sur les objectifs des équipes. Par exemple, avec l’émergence de l’IA, on peut concevoir un contenu spécifique susceptible d’attirer des jeunes participants ayant grandi dans un environnement numérique.
Quid des autres tendances du moment ?
V.H : La stimulation et la motivation des collaborateurs resteront le premier motif des évènements professionnels cette année. Autre constat, les voyages d’incentive sans aucune réunion d’affaires sur place perdront à nouveau quelques parts de marché, comme c’était déjà le cas l’an dernier par rapport à 2023. On peut par ailleurs noter que les séminaires au vert continuent d’être plébiscités car ils favorisent la stratégie RSE des entreprises et les teambuildings avec des activités sportives. De plus, le budget moyen d’un séminaire en dehors des grandes métropoles est généralement plus accessible.
D’autres évolutions sont perceptibles notamment aux Etats-Unis ?
V.H : Ce pays est souvent précurseur dans notre industrie. Et l’on y constate notamment qu’une majorité d’organisateurs MICE incluent des apparitions de célébrités dans le cadre d’un évènement professionnel. D’une façon générale, les participants sont beaucoup plus intéressés par des expériences amusantes, insolites, participatives. Ils ont alors davantage la sensation d’avoir « fait la fête » que d’avoir assisté à une conférence professionnelle classique.
Différentes enquêtes notent aussi que les événements à l’étranger sont organisés moins loin qu’avant…
V.H : Notre baromètre souligne en effet le fait que les entreprises inscrivent la réduction des distances dans leur démarche RSE. Et les acheteurs MICE basés en France, qui travaillent sur des évènements en dehors du territoire national, continuent à privilégier surtout des destinations court et moyen-courrier. Les deux facteurs combinés de l’inflation et de la RSE encouragent les entreprises à favoriser des destinations proches desservies par le train comme le Royaume-Uni, le Benelux, l’Allemagne ou la Suisse.
Quels sont vos prévisions pour l’année 2025, au regard des chiffres du dernier baromètre ?
V.H : Les perspectives globales du secteur restent très positives. 71% des personnes interrogées s’attendent à des conditions favorables cette année, en nombre de demandes. Le baromètre révèle aussi que 76 % de nos sondés prévoient d’organiser ou de participer à des réunions en présentiel, contre 71% au premier trimestre 2024. L’impact des réunions en présentiel est plus fort. Les réunions virtuelles montrent leurs limites. Seuls 18% de nos sondés tablent sur une augmentation de celles-ci en 2025 par rapport à l’an dernier.
Quels facteurs inquiètent aujourd’hui les professionnels du secteur ?
V.H : Les sondés pensent que notre industrie restera dynamique en 2025. Mais ils s’inquiètent dans le même temps de l’augmentation des coûts. Le niveau des budgets alloués aux événements professionnels est également une préoccupation fréquemment citée. Ainsi, 61% des répondants s’attendent à des niveaux de budgets corrects sur 2025, contre 72% il y a encore un an. 47% d’entre eux ont même déclaré être très préoccupées par le surcoût des prestations MICE dont le montant dépasse les budgets validés par leurs clients.
Pour 2025, les sondés ont déjà constaté une augmentation considérable des coûts sur l’ensemble des segments. Pour 27% d’entre eux, l’augmentation de tarifs la plus élevée (de plus de 10%) concerne le food & beverage, devant les prestations audiovisuelles. Sont ensuite cités l’hébergement, le personnel, les locations de salles de conférence et le marketing. Selon eux, cette tendance se poursuivra tout au long de l’année 2025, mais pas aussi sévèrement qu’en 2024. Le secteur MICE, en France comme à l’étranger, perçoit en effet un léger ralentissement de l’inflation depuis quelques mois.
Au-delà des coûts et des prix, quels autres facteurs préoccupent la profession ?
V.H : Quel que soit leur pays d’origine, les professionnels prennent clairement en compte les enjeux géopolitique et climatique, le contexte économique et la stabilité politique. Et il est clair que cette dernière pèse depuis quelques temps sur l’attractivité de la France, alors que notre pays dispose d’infrastructures évènementielles parmi les meilleures au monde.
Ce contexte se traduit par un certain attentisme quant à la validation de projets futurs par les grandes entreprises du CAC 40. Chez ces dernières, la majorité des décideurs reportent des évènements majeurs au second semestre 2025. Certains budgets sont gelés. Les PME et PMI sont pour l’instant légèrement moins sensibles à cette situation.
Aux États-Unis, les sondés ont un autre sérieux problème. Au sein des entités gouvernementales comme dans le milieu associatif, l’heure est plutôt à l’attentisme, faute de visibilité, avec les coupes budgétaires gouvernementales prévues.