Aéroports régionaux : le cas d’Aurillac, où des voyageurs professionnels témoignent

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Aéroports régionaux : le cas d'Aurillac et le témoignages de voyageurs professionnels
(Ph. Aurillacagglo)

Les petits aéroports français, majoritairement déficitaires, sont au cœur d'un débat sur leur utilité économique et sociale. Témoignages de voyageurs professionnels utilisant celui d’Aurillac.

Samedi dernier, l'émission de France Inter  « On n'arrête pas l'éco » s’est penché sur le cas de l’aéroport d’Aurillac. Nous reprenons ici les témoignages de voyageurs professionnels utilisant la ligne reliant Paris-Orly à la préfecture du Cantal (opérée par Chalair), en les remplaçant dans le cadre plus large du débat sur l’utilité économique et sociale des aéroports régionaux français.

En France, la question de la pertinence des 80 aéroports qui maillent le territoire se pose avec acuité, particulièrement pour les structures régionales de petite taille. Le cas d'Aurillac est emblématique de ces liaisons d'aménagement du territoire, coûteuses pour les finances publiques mais considérées comme essentielles par leurs usagers et les élus locaux. Dans un contexte post-Covid marqué par l'évolution des pratiques professionnelles et l'augmentation des taxes aériennes, ces infrastructures doivent repenser leur modèle économique pour assurer leur pérennité.

85 aéroports, 70 déficitaires

La France compte 85 aéroports, majoritairement des structures régionales ou de proximité. Parmi ces infrastructures, seulement une quinzaine, dont Paris, Bordeaux, Lyon et Nantes, parviennent à l'équilibre financier. Les 70 autres, accueillant moins d'un million de passagers par an, sont déficitaires et nécessitent des subventions publiques importantes.

Depuis la pandémie de Covid-19, le trafic aérien domestique français a considérablement diminué. On observe une baisse de 25% en métropole, avec un recul particulièrement marqué de près de 30% sur les liaisons Paris-régions, ramenant le trafic au niveau de 1984. Cette situation s'explique notamment par le recours accru aux visioconférences, qui a réduit les déplacements professionnels. Les allers-retours dans la journée ont ainsi chuté de 60% par rapport à la période pré-Covid.

L'augmentation des taxes et redevances aggrave cette situation, particulièrement le triplement de la taxe sur les billets d'avion dans la loi de finance 2025. Cette taxe pénalise davantage les vols domestiques puisqu'elle s'applique à l'embarquement, donc deux fois pour un aller-retour intérieur, contre une seule fois pour un vol international.

Aurillac-Paris : une ligne sous perfusion mais essentielle

L'aéroport d'Aurillac, dans le Cantal, illustre parfaitement les enjeux des liaisons aériennes régionales. Situé dans le département considéré comme le plus enclavé de l'Hexagone, il représente un cas emblématique des lignes d'aménagement du territoire. A défaut de ligne aérienne, le trajet en train dure 7 heures et nécessite une correspondance à Brive ou Clermont-Ferrand.

Sur le plan économique, l'aéroport d'Aurillac reçoit 1,3 M€ de soutien public annuel. La ligne Aurillac-Paris est subventionnée à hauteur de 5 M€ par an, répartis entre l'État et les collectivités locales. Le billet aller-retour coûte entre 150 et 250 €. Le taux de remplissage actuel est de 45 à 50%, en baisse depuis la pandémie. L'aéroport accueille désormais 26.000 passagers annuels, contre 30.000 avant la crise sanitaire. La clientèle est majoritairement professionnelle, représentant 50 à 55% des voyageurs.

Des voyageurs professionnels témoignent

Nous reprenons ici les témoignages recueillis à l’aéroport d’Aurillac diffusés dans l’émission citée plus haut…

Jean-Vincent, employé dans un laboratoire agroalimentaire : « Je travaille dans un laboratoire agroalimentaire qui compte 120 salariés sur le site. Sans aéroport, ce serait beaucoup plus compliqué économiquement, tant pour aller vers nos clients que pour recevoir nos fournisseurs. En partant à 7h du matin, à 9h30, nous sommes à Paris. Nous repartons le soir à 20h d'Orly et à 21h30, nous sommes chez nous à Aurillac. Face à cela, le train n'est pas compétitif. »

Anne-Sandrine, employée à l'Assurance Maladie : « Je prends l'avion pour le travail. Je travaille à l'Assurance Maladie. J'ai une formation sur la journée à Paris, donc je fais l'aller-retour dans la journée en avion. Sans l'avion, ce ne serait pas possible car il faudrait partir la veille, etc. Je suis seule avec ma fille et je n'ai personne pour la garder. En termes d'organisation personnelle, c'est la seule solution. On gagne du temps. Le train, c'est trop long. »

Vincent Descoeur, député de la circonscription d'Aurillac : « L'aéroport est vital pour nous ici. Personnellement, j'effectue 15 à 20 trajets aller-retour par an. Dans des territoires comme le nôtre, nous n'avons pas le choix. De nombreux chefs d'entreprise nous ont confié que sans cette ligne, leurs entreprises auraient été condamnées à envisager une nouvelle implantation. Quand vous voulez recevoir un commercial, si vous n'êtes pas en mesure de lui proposer un aller-retour dans la journée, vous n'êtes pas compétitif. Pendant ce temps, il peut se rendre chez un concurrent à Milan. »

Deux visions antagonistes pour l'avenir des aéroports régionaux

David Perrier, directeur de l'aéroport d'Aurillac, défend cette ligne comme "indispensable au désenclavement du territoire" et relevant d'une "obligation de service public". 

« C'est une ligne qui est indispensable. Chaque année, l'aéroport d'Aurillac est soutenu à hauteur d'1,3 M€ d'argent public qui lui permet de se maintenir à flot. Sa ligne Aurillac-Paris reçoit plus de 5 M€ par an de subvention répartis entre l'État et les collectivités locales afin de combler son déficit. C'est l'une des 12 liaisons aériennes en France dite d'aménagement du territoire », explique-t-il.

À l'opposé, Jacques Pavaux, ancien directeur de l'Institut de l'aviation, estime qu'il y a "tout simplement trop d'aéroports en France". Selon lui, sur les 70 aéroports déficitaires, "il y en a au moins la moitié, peut-être même 40 qu'il faudrait fermer". Il souligne que les subventions atteignent parfois 200 à 300 € par passager et que ces fonds, “environ 140 M€ par an depuis 20 ou 30 ans, auraient pu permettre de construire ou réaménager des lignes ferroviaires sur des centaines de kilomètres".

Sur la table de la Commission européenne

Laurent Timsit, délégué général de la FNAM (Fédération nationale de l'aviation et de ses métiers), pointe du doigt le poids de la fiscalité : « La taxe sur les billets d'avion a été triplée dans le cadre de la loi de finance 2025. La particularité sur les liaisons domestiques, c'est que vous allez la payer deux fois parce que comme c'est une taxe à l'embarquement en France, si vous faites un Paris-Toulouse, vous la payez au départ de Paris et au retour de Toulouse. Alors que si vous allez par exemple à Francfort, vous allez la payer qu'une fois sur le Paris-Francfort. »

La Commission européenne s'interroge elle-même sur ce modèle et débattra en 2027 sur la possibilité d'octroyer des aides de fonctionnement aux aéroports accueillant moins de 3 millions de passagers par an.

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