“Avec Neo et Egencia, on crée le plus grand labo ‘business travel’ du monde”

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“Avec Neo et Egencia, on crée le plus grand labo ‘business travel’ du monde”

Alors qu'Amex GBT et Egencia viennent d'annoncer leur connexion au contenu NDC d'Air France-KLM, les équipes des deux TMC du groupe vont bientôt être réunies sur un même site. Laurent Demaret, VP Global Sales & Marketing de Neo Technology Group, nous en parle.

Amex GBT et Egencia viennent d’annoncer la disponibilité des contenus NDC d’Air France-KLM pour leurs clients. Les limitations en termes de fonctionnalités et de productivité ont donc été levées ?

Laurent Demaret : En amont de ce déploiement, nous avions développé un Minimum Marketable Product (MMP) : une liste d’exigences relatives à la distribution du contenu NDC dans nos outils Neo (pour Amex GBT) et Egencia en France. Ce standard MMP a été bien accueilli par les compagnies aériennes, les fournisseurs technologiques et les plateformes d’outils de réservation en ligne. Et c’est sur cette base qu’on a aidé tous ces partenaires à développer leur connectivité ou leurs API. Avec Amadeus et AF, on a travaillé de manière très étroite, presque chaque semaine, pour pouvoir corriger et améliorer la situation jusqu’à ce que ces problèmes de fonctionnalités et de baisse de productivité soient proches de zéro. 

> Lire aussi : NDC : Comment GBT collabore avec AF et pour quels résultats

Et en interne, on a beaucoup travaillé en synergie avec Egencia, en suivant une même méthodologie : aller chercher ce contenu dans un outil "maison" qui appelle SMP, qui est connecté aux API des GDS (NDCX pour Amadeus, par exemple)… C’est un grand avantage d’avoir développé notre propre outil qui permet à nos agents de traiter cette donnée. Car la difficulté n’est pas de récupérer le contenu NDC, mais bien de pouvoir l’exploiter, dans la partie after-sale, notamment. Aujourd’hui, notre priorité en termes de NDC, c’est American Airlines - un enjeu important depuis le transfert de 40% de leur stock des canaux historiques vers le NDC (depuis début avril 2023, ndr) : les tests sont lancés.

Vous parlez de synergies entre les équipes Neo et Egencia… Ce qui colle à votre actualité puisqu’elles vont être prochainement réunies sur un même site...

Depuis le rachat d’Egencia par GBT (en 2021, ndr), presque tous les bureaux du monde ont été réunis sur le site d’une des deux entités en fonction du mieux-disant. Ce n’est toujours pas fait en France, qui est un cas particulier : s’y trouvent à la fois les équipes de développement de NTG (Neo Technology Group) et d’Egencia. Il nous est apparu que les bâtiments de NTG à Issy-les-Moulineaux offraient les meilleures conditions de travail, et étaient dimensionnés pour ces équipes de talent. Aujourd'hui, on a accueilli Amex GBT sur un nouveau plateau, et en juin, ce sera Egencia. Les espaces ont été pensés pour créer un environnement créatif  - c’est la singularité de ces populations que de devoir être ensemble, de brainstormer, d'écrire partout sur les murs, de se projeter… On aura 5000 m² dédiés au design, au développement, à l’implémentation, au support.

On est en train de faire de la France une référence en termes de R&D dans le voyage d’affaires, avec l'ambition de définir et même redéfinir cette industrie. Et donc, à partir de juin, avec ces plus de 500 personnes spécialisées dans le développement de logiciels dédiés au business travel, on sera certainement le plus grand laboratoire du monde dans ce domaine. C'est incroyable !

Comment faire fonctionner une synergie entre deux outils, certes, propriétés du même groupe, mais clairement distincts ?

Effectivement, il faut le préciser : l’idée n’est évidemment pas de fusionner les outils car ils sont différents, aussi différents que les deux marchés auxquels ils s’adressent. Un outil ne peut pas répondre à tous les secteurs d’activité, et à tout type d’organisation : le fameux “One fit all” ne fonctionne pas dans le monde des OBT. 

Au moment du rachat d'Egencia, on avait deux solutions. Neo sur un positionnement "grands comptes" avec une certaine forme de complexité. Et Neo One, disponible en Angleterre et aux Etats-Unis, un outil de spend management pour les petites et très petites entreprises unmanaged (sans contrat avec les fournisseurs, ndr). On était bon en haut et en bas. Avec Egencia, sa crédibilité, on a pu capter le mid-market auquel on avait du mal à avoir accès. Bien sûr, on veut absolument conserver cette couverture complète due à notre offre différenciée.

En revanche, Neo (pour GBT) et Egencia ont des problématiques communes - non pas d’UX ou d’interface utilisateur, mais sur les sujets de contenus. C’est le cas de NDC, comme nous venons d’en parler, mais aussi de la future défragmentation du train en Europe, qui est un défi comparable. Sur ces sujets, il est bon d'avoir une réflexion commune, quitte, in fine, à ne pas adopter la même solution. Pour reprendre le cas de NDC, c'est cette réflexion commune qui nous a fait adopter cette stratégie de développer SMP plutôt que de passer par un tiers comme Travelfusion, par exemple. On ne le regrette pas.

Puisque vous évoquez le mid-market, avez-vous constaté, comme beaucoup, une dynamique post-Covid plus vigoureuse sur ce segment ?

Egencia fonctionne très bien, c’est sûr, mais j’avoue avoir une vision des comptes trop "Neo" pour pouvoir établir une comparaison. En tout cas, ce que je peux dire concernant Neo, c’est que je travaille avec des grands comptes globaux qui, au Q1 2023, explosent leurs chiffres. Neo enregistre sur ce trimestre 78% de croissance par rapport au Q1 2022 (marqué par le variant Omicron, ndr), et est même supérieur au Q1 2019. Et cela plutôt avec des grands comptes, donc. Pour Neo, depuis le début d’année, nous opérons environ 1 million de transactions par mois, dont un mois de mars historique de 1,2  million de transactions. On prévoit une année 2023 aux alentours de 12 millions de transactions voire plus, alors qu'en 2019, il y en avait un peu plus de 10 millions.

Vous disiez que la libéralisation du rail en Europe constituait un défi technologique comparable à NDC. A ce point-là ?

Oui ! On est arrivé à la conclusion qu’entre contenus GDS, contenus en lien direct, et agrégateurs, il n’y a pas une bonne solution. Ça va être d’une telle complexité qu’on va devoir trouver une solution qui combine ces trois options et qu’on l'adaptera en fonction des pays. Par exemple, l’API SNCF est très satisfaisante, celle de la Deutsche Bahn - dont ils parlent depuis 4 ans - est inexistante; SilverRail sera pertinent ici, Trainline conviendra mieux là, etc. C’est donc un défi fonctionnel car, si on va au bout de nos convictions, on va devoir concevoir une solution riche de plusieurs propositions pour restreindre les limitations en termes d’échanges des billets, de choix de son siège, d’option multi-passagers… 

Outre ces chantiers “contenu” de plus ou moins court terme, sur quels développements vos équipes tech vont-elles travailler à plus longue échéance ?

Deux choses à l’agenda : il y a 10 ans, on a été les premiers à proposer, à travers Neo, la possibilité de considérer son voyage à travers trois dynamiques : budgétaire, bien-être, RSE. Aujourd'hui, il faut que nos clients disposent d’une combinatoire des trois, avec, en plus, de la prescription et de la “comparaison sociale”. On voit l'appétence des entreprises clientes pour le train dans le cadre de leurs objectifs RSE; et certains de leurs collaborateurs les plus concernés nous demandent des Paris-Milan, par exemple : des trains de nuit !

Le deuxième relève de l’intelligence artificielle. Pas pour qu’elle se substitue à la compétence des agents de voyage, qui est essentielle; au contraire : en les déchargeant des tâches à faible valeur ajoutée. Avec la technologie de 30SecondsToFly (acquise par GBT en 2020, ndr), nos clients peuvent dialoguer avec l’agence via les neuf canaux les plus importants - Messenger, Whatsapp, des outils plus "corporate". L’objectif est d’apporter plus d’intelligence dans ces canaux, pour répondre à une demande de facture, par exemple. 

Pour ce dernier projet, ferez-vous appel à un opérateur d’IA à l’image de Navan avec OpenAI ?

Il y a de nombreux acteurs sur le marché, alors pourquoi s’en priver si on peut s’éviter la conception d’une structure pour se concentrer sur le contenu ? Un outil d’IA n’est pas intrinsèquement intelligent. Ce qui le rend intelligent, c’est l’observation, l’habitude, l'entraînement - le machine learning. Si une IA sait lire une note de frais, c'est parce qu’elle a été entraînée des millions de fois pour lui permettre de reconnaître la TVA, la devise utilisée, la date, etc. Donc oui, on se concentrerait davantage sur les actions qui rendent l'outil "intelligent". 

Vous l’avez dit, c’est GBT France qui a la haute main sur le développement technologique de GBT au niveau mondial. Et, par ailleurs, on connaît beaucoup de solutions business travel hexagonales. Y a-t-il une French touch en la matière ?

On peut être fier - en tout cas, moi, je le suis - d’avoir en France des players comme CDS, Goelett, feu-Traveldoo, Expensia (sans oublier la dimension tunisienne de son identité), Mooncard… Ou bien sûr KDS qui n’est rien moins que le bras armé technologique d’Amex GBT, soit la plus grosse TMC du monde. Et maintenant, avec Egencia, encore française d’origine, on est en train de doubler les capacités de réflexion et de créativité. 

Pourquoi cette excellence française ? Il doit y avoir différents facteurs explicatifs mais en tout cas, on a des complexités en France, et plus largement en Europe, qui n'existent pas aux Etats-Unis. On ne s’arrête pas à Delta, AA, Avis et Hertz… Il y a d’autres choses, notamment une compagnie ferroviaire par pays, minimum ! Ça pousse nos ingénieurs à réfléchir à des solutions plus riches et plus abouties. Il y a beaucoup plus de sociétés technologiques françaises qui se sont étendues globalement que de sociétés américaines qui ont réussi à s'imposer en France - à part Concur pour l’expense mais qui, aujourd’hui, ne donne pas entière satisfaction sur la partie travel… Donc une French touch, c'est possible, mais une French tech, c’est sûr !