D'après le Travel Market Report : Perspectives 2025 de BCD Travel, le contexte aérien, de moindre croissance de la demande et d'augmentation de l’offre, peut ouvrir une fenêtre de renégociation des contrats.
BCD Travel vient de livrer son Travel Market Report : Perspectives 2025. L’étude, fournie, offre un large panorama des tendances du business travel, notamment de l’évolution des prix des différents fournisseurs de voyage. Pour intéressante qu’elle soit, il ne faut pas oublier que son commanditaire est partie prenante de l’écosystème, avec sa propre stratégie, ce qui, selon nous, influence parfois (nous le signalons quand ça nous semble être le cas) l'analyse et les conclusions qui y sont proposées.
Nous nous en tenons ici à la partie consacrée à l’aérien. Elle débute par un rappel : en février 2024, l'IATA (Association internationale du transport aérien) annonçait pour la première fois qu’ “une reprise complète du trafic total de passagers” post-pandémie avait été atteinte. Avec un delta de +5,7 % par rapport à février 2019, le marché avait effectivement clairement rebondi.
L’Asie, frein puis moteur
Cependant, dans les différentes zones mondiales, les taux de croissance du transport aérien international tendent lentement à diminuer. Bien qu'il y ait des signes évidents d'essoufflement du boom post-pandémique en Asie, cette région reste un élément clé de la reprise mondiale. Depuis le début de l'année, la demande de voyages internationaux en Asie a encore augmenté de près de 30 %, contre 15 % au niveau mondial, par rapport à 2023.
Cette performance contraste avec celle de l'Amérique du Nord, qui n'a enregistré une croissance que de 0,5 % en septembre, son résultat le plus faible en glissement annuel depuis la pandémie. Si le retard pris par l'Asie dans sa reprise a freiné la reprise mondiale des voyages aériens internationaux, il semble qu'elle sera le moteur de la croissance future des voyages aériens, alors même que la demande dans d'autres régions s'essouffle.
Rendements en baisse
Au fur et à mesure qu'elles progressent dans le cycle de reprise, les compagnies aériennes du monde entier voient leurs tarifs de plus en plus sous pression. Cette situation s'explique en grande partie par un ralentissement de la croissance de la demande (par rapport à son rebond initial après la pandémie) et par le retour d'une plus grande capacité sur le marché.
Les revenus par kilomètre par siège disponible se sont détériorés parmi certaines des plus grandes compagnies aériennes d'Amérique du Nord depuis le troisième trimestre de 2023. Et rien ne montre que ce ralentissement soit arrivé à son terme, avec des rendements inférieurs de 2 % au troisième trimestre 2024 vs l'année précédente.
La faiblesse des rendements s'est également manifestée parmi les principales compagnies aériennes en Asie et en Europe. C’est encore plus vrai en Asie, où la reprise de la demande de transport aérien s'est avérée plus lente et plus faible que prévu. En l'absence de signes d'une diminution correspondante des coûts, la baisse des rendements a eu un impact sur les marges d'exploitation des compagnies aériennes. Au cours de chacun des quatre derniers trimestres, les marges ont diminué d'une année sur l'autre presque partout.
Une opportunité pour les acheteurs
Alors que les compagnies aériennes rétablissent leurs programmes de vols aux niveaux précédant la pandémie (et souvent au-delà), on constate dans le même temps un fléchissement de la demande dans le segment “loisirs”. Ce nouveau déséquilibre entre l'offre et la demande va intensifier la concurrence, en particulier sur certains des principaux marchés d'affaires, les compagnies aériennes cherchant plus activement à attirer et à développer l'activité “business travel”.
BCD Travel considère que cette évolution devrait permettre aux acheteurs de voyages d'être en meilleure position pour renégocier certains accords. Les compagnies aériennes commencent à reconnaître que leurs récentes stratégies ont négligé leurs clients professionnels et elles sont désormais prêtes à revoir leurs propositions de rabais. L'adoption de réductions, même par quelques grands transporteurs, est susceptible de créer un effet boule de neige, les autres compagnies aériennes devant suivre le mouvement sous peine de céder des parts de marché "entreprise".
La généralisation de la NDC va prendre du temps
En termes de distribution, 2024 a été une année d'évolution plutôt que de révolution. BCD Travel considère que le paysage de la distribution a peu changé, et ne voit guère apparaître les tarifs sur mesure et les offres groupées de produits que la mise en œuvre par les compagnies aériennes de la NDC est censée permettre. Ce qui ne signifie pas qu'il n'y a pas eu d'activité notable cette année. A ce sujet, les compagnies aériennes sont dans des situations différentes, entre celles qui sont déjà à un stade avancé de la mise en œuvre et du déploiement de la NDC et celles dont la stratégie est toujours en cours de réflexion.
Il y a cependant de bonnes raisons de penser que l'adoption de la NDC pourrait s'accélérer dans les mois à venir. BCD souligne en effet que SAP Concur a commencé à activer la NDC sur certains marchés, ce qui pourrait enclencher un mouvement d'adoption à grande échelle parmi les entreprises clientes. Suivant la voie généralement adoptée par les TMC, Concur met à disposition le NDC par le biais d'une connexion GDS, plutôt que par des connexions directes aux inventaires des compagnies aériennes. Mais pour cela, les entreprises clientes devront passer à la nouvelle plate-forme T2 de SAP Concur, qui est d’un développement récent. Même avec le soutien d'une organisation de la taille de SAP Concur, il ne faut pas s'attendre à une transition rapide vers la NDC.
A noter que dans ce sujet de la NDC, l’enquête ne s'appesantit pas - c'est un euphémisme -sur l’émergence de nouveaux acteurs technologiques, notamment au niveau local, ni sur la stratégie de certaines TMC qui développent leur propre outil de connectivité. On ne saurait dire si ce choix est guidé par le fait que ces phénomènes sont considérés comme peu significatifs, voire négligeables, ou si les auteurs de l’enquête tiennent compte de l'identité de leur commanditaire. Ce serait, dans cette dernière hypothèse, comme une défense du modèle agnostique de BCD Travel.
Pénalisation plus que réelle incitation
Les compagnies aériennes vont continuer à se convertir à la NDC, ce qui signifie que les acheteurs de voyages peuvent s'attendre à voir des changements dans la gamme de tarifs disponibles pour leurs programmes. Ces changements peuvent être fragmentaires et ne concerner que certains marchés ou types de tarifs. Pour inciter à l’adoption de la NDC, les compagnies aériennes continueront à utiliser le bâton (suppression de tarifs et/ou ajout de surtaxes “GDS”) plutôt que de proposer la carotte consistant à développer les offres sur mesure que les clients recherchent.
BCD considère enfin que, paradoxalement, à mesure que l'adoption s'accélérera en 2025, la NDC sera un sujet dont les acheteurs de voyages entendront moins parler. En effet, l'IATA s'attachera à promouvoir une philosophie plus large de la vente au détail moderne, dont la NDC deviendra une composante, plutôt que d'occuper le devant de la scène. Cette démarche s'inscrit dans le cadre de l'initiative One Order de l'IATA, qui vise à simplifier les systèmes de réservation, de livraison et de comptabilité des compagnies aériennes en supprimant progressivement les dossiers actuels de réservation (PNR - dossiers passagers) et de billetterie. Effectivement, dans une interview que nous avait accordé un porte-parole de l'IATA, en octobre dernier (lien ci-dessous), NDC n'était plus présenté que comme un outil à même de déployer le One Order.
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