Baromètre Epsa – IFTM 2022 : “le voyage d’affaires, un marché dynamique”

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EPSA, cabinet de conseil français leader sur les déplacements professionnels, publie à l’occasion du salon IFTM Top Resa la dernière édition de son baromètre du voyage d’affaires, un rituel depuis 2011. Laquelle étude note que l’année 2022 est placée sous le signe de la reprise après deux années marquées par la pandémie de Covid-19. Avec toutefois des ombres au tableau : inflation, urgence climatique et enjeu énergétique, difficultés de recrutement sur le marché… En résonnance aux résultats du baromètre, Christophe Roth (EPSA) a échangé sur le salon avec quatre professionnels reconnus du secteur, Solenn Le Brazidec (FCM), Olivier Pinna (SNCF), Thadée Nawrocki (Lufthansa Group) et Ziad Minkara (CDS Groupe).

L’année 2022, sauf forte dégradation de l’activité (plutôt improbable), sera marquée par un fort dynamisme. Le voyage d’affaires en France, à la fin de cette année, devrait avoir recouvert à 67% son niveau d’activité de 2019. Ce pourcentage laisse augurer d’un retour à 100% de l’activité pré-Covid dès 2024, dans le scénario le plus optimiste, selon le dernier baromètre du voyage d’affaires EPSA – IFTM 2022, établi sur un panel représentatif de 58 clients sur les périodes janvier à juin 2022, comparé à la même période de l’année 2019.

« Après plus de deux ans d’activité fortement réduite, la reprise du voyage d’affaires en 2022 a été indéniable et supérieure à toutes les attentes, se réjouit Christophe Roth, directeur de mission Business Travel chez EPSA. Néanmoins, l’inflation et l’impact environnemental des voyages d’affaires représentent des enjeux considérables. Comment concilier les enjeux économiques, climatiques et de bien-être des voyageurs ? Peut-on, en entreprise, s’affranchir de voyager ? Comment décarboner les déplacements ? Comment maîtriser les coûts quand l’inflation est à deux chiffres ?… Les mois à venir, poursuit-il, s’annoncent passionnants pour l’industrie du voyage dans sa globalité».

2022 est marqué par le retour d’un marché dynamique, avec de nombreux rachats, fusions et autres initiatives. On citera en mars le lancement de TripActions en France, en mai l’acquisition d’Okarito par Swile, l’entrée d »Amex GBT en bourse, le rachat de Notilus par Cegid et l’introduction d’un nouveau modèle financier par CWT, en septembre Rydoo Travel qui devient Goelett et la fin de l’outil de réservation de Google. Sans oublier bien sûr l’annonce de la fin de Traveldoo en juillet 2023, qui a déjà un impact sur le marché.

Le secteur du voyage d’affaires, comme beaucoup d’autres, est confronté à un vrai problème de recrutement et de fidélisation des collaborateurs. Un stop and go compliqué quand on fait un métier de service. Et Solenn Le Brazidec, directrice générale France-Suisse de FCM Travel Solutions, de citer en exemple une activité qui passe de 50% de celle antérieure à la crise en janvier 2022 à 110% deux mois plus tard… “Notre vraie difficulté, c’est d’anticiper. Nous avons recruté aujourd’hui, mais cela sera compliqué si cela s’arrête de nouveau. L’ensemble du secteur est confronté à des difficultés de recrutement. Nous devons donner envie à la nouvelle génération de faire le métier d’agent de voyages”.

De gauche à droite : Christophe Roth (EPSA),Thadée Nawrocki (Lufthansa Group), Olivier Pinna (SNCF), Solenn Le Brazidec (FCM) et Ziad Minkara (CDS Groupe).

Sur le climat, le secteur des transports est en première ligne. La loi Climat et Résilience prévoit une suppression des vols intérieurs en cas d’alternative en train de moins de 2h30. Un basculement progressif de l’avion vers le train est par ailleurs constaté sur certains trajets. Ce report se manifeste sur des temps de trajet un peu plus longs, tel Paris-Toulouse même si un aller-retour journée reste compliqué en train.  Sur le trajet Paris-Marseille dont la durée standard est de 3h10, le recours au train est passé de 38% en 2016 à 52% en 2022. Et le report modale au profit du train se retrouve aussi sur le segment affaires, avec aujourd’hui 85 à 90% des niveaux de 2019. “Sur le voyage d’affaires, on est passé des intentions aux actes. Et cela s’est matérialisé notamment dans les politiques voyage”, souligne Olivier Pinna, directeur du marché Affaires à la SNCF. 

Toujours sur le ferrroviaire, il a indiqué qu’il était optimisme pour l’an prochain, quand au principe d’un accord pour que soit distribuée l’offre Ouigo aux agences via les GDS. “Mais il faut définir les conditions sur le plan commercial”. Olivier Pinna s’est par ailleurs montré circonspect sur l’évolution des prix du train indiqués dans l’étude (+ 4,9% pour la France, + 2,7% pour l’Europe), prenant à son compte les propos de Christophe Fanichet, le PDG de SNCF Voyageurs (“En 2022, nous n’augmenterons pas sur les grandes lignes SNCF le prix des billets de train”).

Sur la norme NDC, l’actualité récente est le nouveau report de la surchage GDS par Air France à avril 2023, sur le segment du voyage d’affaires. Solenn Le Brazidec a rappelé que le contenu “n’était pas complet aujourd’hui, n’avait pas été suffisamment travaillé avec les agences de voyages pour que la sortie du GDS soit bien faite ». Et de noter que « le système n’était pas abouti au regard du temps passé sur l’après-vente« . Thadée Nawrocki, General Manager Sales France & Luxembourg du Lufthansa Group, a pour sa part rappelé qu’un billet sur trois était désormais émis sous la norme NDC au sein du groupe aérien. Avec des chiffres déjà très élevés sur le loisir. “Sur le business travel, l’écosystème est plus optimiste pour 2023 qui sera une année de mouvement”.

Côté prix des billets d’avion, la baromètre EPSA note une hausse de 26,8% sur le domestique, au premier semestre 2022 par rapport aux six mêmes mois de 2019, de 22,5% sur le moyen-courrier, et de 33,6% sur le long-courrier.

Cette hausse relève tout autant de l’inflation que du prix du kérosène et de la volonté des compagnies de reconstituer leurs marges. Face à cette tendance haussière, Solenn Le Brazidec insiste sur le fait “qu’il faut anticiper. C’est la meilleure solution. Sur le prix, c’est la clé”.

L’inflation, une épée de Damoclès pour le marché

Hôtellerie (entre 7 et 10%), transport aérien (entre 5,5 et 7%) ou ferroviaire (entre 4 et 6%), les projections 2022 indiquent que l’inflation va fortement impacter l’ensemble des acteurs. Une hausse des coûts qui se poursuit après une année 2021 qui avait déjà enregistré une inflation à deux chiffres.

Sur la partie hôtelière, Ziad Minkara, le directeur général de CDS Groupe, a relevé les fortes disparités entre villes françaises, dans l’évolution des prix au premier semetre 2022 par rapport aux six mêmes mois de 2019, soit +21% sur Lyon, +16% sur Strasbourg, + 12% sur Paris et Marseille et… -1% sur Lille ! Idem entre villes européennes, soit +29% sur Londres, +16% sur Genève, +4% sur Amsterdam, 0% sur Francfort et -3% sur Bruxelles !

Le prix est-il un frein pour les déplacements professionnels ? Thadée Nawrocki estime qu’on ne reviendra plus au niveau de 2019. “Les prix étaient-ils juste avant la crise ? Pas sûr. L’industrie du transport aérien doit dégager des profits importants pour réussir sa transition verte, et permettre aux compagnies aériennes de renouveller leurs flottes« . Le niveau des prix sera aussi lié à l’importance de l’offre en sièges mise sur le marché par les transporteurs, laquelle pourrait être insuffisante sur certains axes et tirer les prix à la hausse.

Pour l’heure, la hausse globale des prix n’a pas impacté le voyage d’affaires. Néanmoins, la forte reprise du secteur pourrait être en partie liée à un effet de rattrapage suite aux deux années noires du Covid. Pour l’EPSA, si en 2022 les employeurs ont donné la priorité à la (re)création du lien entre leurs collaborateurs et avec leurs clients, les arbitrages ne seront peut-être pas les mêmes en 2023. Surtout si les prix continuent d’augmenter fortement.