Business travel : trouver l’équilibre entre humain et digital

314
Business travel : trouver l'équilibre entre humain et digital

[EVP Amex GBT] Où mettre du digital, où conserver de l'humain pour un service de qualité dans le voyage d'affaires ? Le point de vue de Chanel, American Express (la carte), Air France et Axys.

Lors du dernier EVP d’Amex GBT, la table ronde consacrée au point d’équilibre entre le digital et l’humain pour un service de qualité réunissait un fournisseur (Stefan Vanovermeir, directeur “trade sales” chez Air France), une consultante (Delphine Bourgeot, Axys), mais surtout deux clients : Arnaud Bernet, directeur Mid & Large Markets France chez American Express (qui est aussi fournisseur de moyen de paiement) et Francis Lazarz, Global Head of Indirect Procurement chez Chanel.

C’est donc surtout ce point de vue-là qui a été exposé sur scène. Dès lors, l’adoption, et, plus largement, la transformation numérique a été au cœur des débats, sans jamais perdre de vue cette recherche de l’équilibre entre l’humain et le digital.

Cas complexes vs faible VA

Arnaud Bernet (American Express) résume bien le sentiment partagé quand il déclare : "Nous ne considérons pas que l’humain et le digital soient en opposition : ils sont complémentaires." Et de préciser son propos, reprenant les caractéristiques de son entreprise, en le plaçant au-dehors de l’enjeu "travel" : "On a une longue tradition du service : en France, on a plus de 200 personnes dont le métier est de répondre aux titulaires de la carte pro et perso, H24. Donc l’humain au centre. L’enjeu pour nous a été d’apporter la même valeur via des outils digitaux - un site, une app, un chat (et pas un chatbot !). L'objectif : répondre avec ces offres complémentaires aux différents besoins : je marche, je ne peux pas écrire, je passe par le téléphone; au contraire, je suis en réunion, je ne peux pas parler, je passe par le chat."

Chanel travaille à l’harmonisation de ses process à travers le digital. Pour les achats : ce sont des outils de e-procurement qui sont mis en place. C’est aussi le cas dans le travel. Francis Lazarz : "Depuis 3 ans, nous mettons en place mise une solution mondiale qui vise à utiliser un seul OBT, tout en gardant nos partenaires agences, compagnies aériennes et outils digitaux. Mais l’humain est toujours présent. Quand on fait un event à l’autre bout du monde comme le Fashion show, il nous faut ces partenaires. Pour des voyages de groupe, complexes, les outils digitaux n’aident pas. Il faut donc garder cette relation de proximité avec eux… en faisant en sorte qu’ils ne soient pas trop nombreux. Quand on a démarré ce processus, on avait 28 agences dans le monde. Aujourd'hui, notre partenaire privilégié, Amex GBT représente à lui seul 80% des volumes de voyages de Chanel. Donc c’est un savant équilibre entre ces cas type Fashion show et outils digitaux quand je dois partir à Hong-Kong : une app simple et surtout utilisable partout dans le monde sur mon iphone."

Ces partenaires dont parle Francis Lazarz, l’un d’eux, Air France (AF), en la personne de Stefan Vanovermeir, est présent sur scène, et fait écho au point de vue client : "Sur le portail AF, il y a eu l'an dernier 85.000 réservations sur l’espace dédié aux agences pour la résa de groupe. Quand c’est simple, c’est donc possible. Mais il est vrai que dans des cas plus complexes, il faut de l’humain."

C’est donc avant tout pour ce fameux voyage individuel à Hong-Kong que le digital joue son rôle central, voire exclusif : "Chez AF, on n’a pas pour objectif d’augmenter l’offre digitale pour réduire l’humain. Il y a d’ailleurs un service qu’on ne digitalisera jamais : les services à bord de l’avion. Mais on veut rendre disponible une solution à toutes les étapes du voyage pour gérer les tâches à moindre valeur ajoutée, mais aussi où le voyageur veut avoir de la maîtrise - le choix de son siège par exemple. est infiniment plus simple via le digital que par téléphone ou au comptoir, bien sûr. Et l’autre enjeu du digital, c’est de donner à nos équipes les outils pour avoir une vision complète du client."

Résistance et accompagnement

Un glissement des outils digitaux qu’on propose à ses clients à ceux qu’on impose - même si le terme est proscrit - à ses collaborateurs. En la matière, Francis Lazarz exprime les difficultés d’une formule : "La résistance au changement. Quand on avait, il y a deux ou trois ans, des OBT sur certains marchés et aucun sur d’autres et que ça ne passe que par l’agence, annoncer la mise en place d’un nouvel outil, global, ça crée du changement ! C'est paradoxal mais autant les gens vont charger sur leur smartphone, durant le week-end, un outil sans se poser de questions, autant quand c’est l’entreprise qui l’amène, même si l’outil ressemble à une app qu'on peut charger le week-end, il y a résistance."

Delphine Bourgeot, qui accompagne la transformation digitale de clients du cabinet Axys, abonde : "Tout est question de qui prend la décision. Quand je veux télécharger une app le samedi, c'est ma décision. Pas quand c’est mon entreprise qui me demande de changer mes outils du quotidien. Et là, on entre dans un autre process où j’ai besoin d’être embarqué. Le collaborateur attend de son entreprise un accompagnement. Cet accompagnement diffère selon la culture et la maturité de l’entreprise mais au global, il faut qu’il soit centré sur le collaborateur : non pas l’accompagner sur un changement d’outil mais sur une nouvelle façon de s’organiser, avec les impacts de ce changement sur son quotidien.

Cela, il faut le faire en toute transparence, y compris en évoquant les éventuelles dégradations induites à titre individuel mais bénéfiques à l’échelle de l’entreprise : "Il faut donc se projeter, si nécessaire, dans le collectif pour faire comprendre les choix."

Francis Lazarz apporte le fruit de son expérience en termes de transformation digitale : "Déjà ne pas nommer le nom du projet du nom de la solution. La cible, c’est le collaborateur, il doit être au centre. Il faut aussi connaître et cibler les utilisateurs et les influenceurs au sein de l’entreprise avec un message direct. Non pas une approche tech mais très humaine, non pas sur un outil mais sur un programme de transformation qui se traduit par 'Ce que ça va changer pour toi et ce que tu vas y gagner'."

Le même d’ajouter qu’il faut accepter que le digital ne se déploie pas à 100% quitte à ce que ce soit au détriment de l’efficacité mais au profit de l’humain : "Imaginez une assistante qui a toujours réservé les voyages de son N+1 en passant par l’agence, à qui on dit : 'Ton supérieur, désormais, n’a plus besoin de toi pour ça : il a son app'. C’est un bouleversement. Donc l’adoption à 100% d’un OBT, dans une entreprise comme la nôtre, n’arrivera jamais."

Reste que ce genre de résistances "culturelles" au digital tendent à s’estomper, on s’en doute intuitivement, deux interventions le confirment en donnant une idée chiffrée du phénomène. D’abord le Covid, avec Stefan Vanovermeir : "En 2022, nous avons eu 3,3 millions d’utilisateurs mensuels de l’app AF : 40% de plus qu’en 2019."

Puis la dimension générationnelle avec Arnaud Bernet : "Parmi les clients American Express, les deux tiers de nos consumers utilisent nos outils digitaux. Pour clients pros, seulement un tiers. Mais pour les nouveaux entrants, c’est respectivement 90 et 50%.