Covid-19 – Salariés en déplacement à l’étranger, quelles obligations pour l’entreprise ? Quatre cas, quatre réponses

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Voyager en cette période de crise peut devenir un véritable casse-tête pour les employeurs, comme pour les salariés. Quarantaine, test PCR obligatoire, rapatriement, restrictions pays par pays… Lors d’un déplacement professionnel au temps du COVID, aucun professionnel n’est à l’abris d’un aléa. La rédaction de DeplacementsPros a interrogé deux experts pour connaître les « do » et les « don’t » à travers 4 cas pratiques spécifiques. 

Cas numéro 1 : Un salarié en déplacement professionnel hors Union-Européenne se trouve bloqué dans son pays de destination car les restrictions sur place ont été durcies très rapidement. Il ne peut ainsi plus sortir du pays et n’a pas eu le temps de prendre le dernier avion …

Selon Thierry Baux, fondateur de B-Ressource, la responsabilité de l’employeur est de s’assurer que le collaborateur se fasse connaitre auprès des services de l’ambassade ou du consulat français du pays dans lequel il est bloqué. Il doit également s’assurer que le collaborateur ait les moyens de communication pour un échange régulier et pour vérifier son état de santé afin de lui fournir toute assistance nécessaire sur le plan médical. L’employeur doit ainsi lui fournir les coordonnées des correspondants médicaux et/ou des assurances. En parallèle, l’entreprise se doit de garder un lien permanent avec son prestataire ou agent de voyages pour suivre l’actualité des dessertes aériennes en vue d’un rapatriement urgent. Il lui faudra enfin s’assurer de son soutien moral et financier pour l’hébergement et des frais de vie du salarié. Ils doivent en effet être pris en charge sans débours personnels ou à défaut en assurant les transferts d’argent nécessaires.

Cécile Caplin, responsable Sûreté régionale pour la France chez International SOS, ajoute que dans ce type de situation il y a la possibilité de trouver une façon de sortir en étudiant les exemptions. « Lorsqu’on dit restrictions, il y a obligatoirement des exceptions, notamment pour les résidents, les diplomates ou bien encore les militaires. Les frontières sont fermées certes, mais il faut trouver un moyen de notre côté pour les faire passer ». Le dernier exemple que nous expose Cécile Caplin est le cas d’une ressortissante américaine coincée au Guatemala. « La seule frontière ouverte était celle côté Mexique. Nous avons assuré son transfert à Mexico pour rapatrier au départ de la capitale Mexicaine en avion », explique-t-elle. Il est néanmoins toujours recommandé de se rapprocher dans un premier temps des autorités consulaires sur place. « L’année dernière, lors du premier confinement, face au nombre de voyageurs coincés à l’étranger, c’est le gouvernement lui-même qui s’est occupé d’organiser des rapatriements massifs ». Chez International SOS, des vols charters ont également été mis en place dans certains cas en vue d’un rapatriement : « Cela nous est arrivé cette année pour des personnes coincées en Angola et en Arabie Saoudite. Nous travaillons avec un opérateur et nous nous assurons également d’avoir des personnes sur place », ajoute Cécile Caplin.

Cas numéro 2 : Le salarié en déplacement professionnel à l’étranger a présenté un test négatif lors de son départ mais s’avère être positif au moment du retour. Il ne peut ainsi pas monter dans un vol commercial et reste bloqué dans le pays de destination.

Pour Cécile Caplin, là encore, la phase d’information auprès du côté voyageur, comme de l’employeur est essentielle. « Il faut être au courant avant le départ de la législation sur place, quid des zones de quarantaine… et accompagner la personne d’une façon logistique (respect de la quarantaine, trouver un hôtel …). Outre le résultat du test positif, il est important que l’employeur prenne connaissance de l’état de santé de son salarié : forme asymptomatique de la maladie ? Difficultés à respirer ?… Ensuite, la seule chose à faire malheureusement est d’attendre que le test PCR redevienne négatif . En cas de test positif après 14 jours, un accompagnement spécifique sera mis en place mais « le rapatriement du voyageur aura lieu uniquement si son état de santé le justifie ».

Chez International SOS, un ressortissant écossais a par exemple récemment contracté le COVID lors de son séjour professionnel avant de rentrer chez lui. Il s’est rendu compte que son état se dégradait et, en parallèle, l’hôtel que lui avait préalablement réservé son entreprise ne souhaitait plus l’accueillir. Il a fallu ainsi retrouver un nouveau logement et s’assurer quotidiennement que son état de santé était stable. « Rapatriement ou non, il faut être capable de mesurer la situation, les antécédents du voyageur, évaluer la situation… et être en mesure de pouvoir avoir une prise en charge médicale sur place », conclut Cécile Caplin.

Cas numéro 3 : Le voyageur d’Affaires est envoyé dans un pays dont la crise du coronavirus a participé à la dégradation de la sécurité sur place.

Comme lors des cas précédents il est tout d’abord essentiel que l’employeur analyse les risques présents et les « neutralise » au maximum. Pour ce faire, plusieurs outils s’offrent à lui pour assurer une prévention efficace :

  • procéder à un audit juridique ou sécurité ;
  • établir une cartographie des risques ;
  • impliquer les différents acteurs : CHSCT, partenaires sociaux, médecine du travail…

Selon Thierry Baux, il convient également de souligner les services mis en place par le ministère des Affaires étrangères :

  •  d’une part, ce dernier propose des fiches conseils à destination des voyageurs publiées sur son site qui peuvent se révéler très utiles pour identifier les risques propres à chaque région ;
  • d’autre part, le portail Ariane permet aux ressortissants français de signaler leur départ au ministère et de recevoir à cet effet en temps réel toutes les recommandations et informations nécessaires pour assurer leur sécurité.

Chez International SOS, les pays d’Amérique latine font l’objet d’une attention particulière : « Ce sont des zones qui ont été très touchées par le COVID, avec une économie et politique locale déjà fragiles. La crise sanitaire n’a fait que ‘mettre au grand jour’ les problèmes de certaines régions, déjà instables », déclare Cécile Caplin. « Au Mexique ou au Brésil par exemple de nombreuses personnes ont perdu leur emploi avec cette crise. Cela n’a fait que renforcer le pouvoir des Cartels et nous avons pu observer une augmentation des crimes violents. De même, au Mexique, les Cartels ont réussi à se substituer à l’Etat ce qui n’a fait que renforcer la défaillance du gouvernement mexicain aux yeux du peuple et du monde. Nous observons aujourd’hui des affrontements, notamment au nord du pays où l’on compte une augmentation de 90% des homicides depuis fin 2019 », ajoute Cécile Caplin. Comment réussir à mesurer ces risques ? « En observant les événements récents sur place, les mouvements de contestations, les chiffres de criminalité, en prenant des retours du terrain… Cela comprend un agrégat d’éléments qui nous permet d’évaluer au mieux la situation ».

Cas numéro 4 : Un voyageur d’Affaires doit se rendre aux Etats-Unis et voyager à travers plusieurs Etats différents.

Pour Cécile Caplin, le cas des voyages domestiques aux Etats-Unis représente un véritable « casse-tête » : « Il y a déjà la question de savoir quelle est la législation dans le pays, puis dans les différents Etats… Aux Etats-Unis il y a plusieurs aéroports qui refusent l’accès aux voyageurs internationaux depuis quelques temps». Dernier exemple en date : un voyageur au départ de NYC souhaitant se rendre dans l’Illinois pourra prendre son avion. Mais dans le sens inverse ce ne sera pas possible car les restrictions mises en place sont différentes. Il faut donc impérativement se renseigner sur l’évolution sanitaire de chaque zone territoriale et les restrictions en vigueur Etat par Etat. « Cela va être du cas par cas pour savoir si le voyage est faisable et il faut surtout penser par la suite au retour en France ! », rappelle Cécile Caplin. L’employeur doit impérativement pouvoir prouver qu’il a tout mis en place pour réduire au maximum les risques lors du déplacement de son collaborateur et ce, sous peine de responsabilité pénale pour faute inexcusable liée à sa négligence lorsque les dits risques s’avèrent prévisibles.