[EDITO] A l’IFTM « voyage d’affaires », le climat ? Connais pas…

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APG World Connect : choses entendues... qui valent le coup d'être lues
(Ph. Philip Myrtorp / Unsplash)

Mais où sont donc passés les sujets "enjeux climat", "impact carbone" et autres "transition écologique" qui paraissaient passionner les acteurs du business travel jusqu'à l'an dernier ? Pas à l'IFTM, en tout cas.

Lors de cette dernière édition de l’IFTM 2024, nous avons dénombré onze conférences dédiées au voyage d’affaires et quatre au MICE. Sur ces quinze rendez-vous, un seul, organisé par la GBTA, était nommément dédié à l’enjeu environnemental.

Dans les précédentes éditions post-Covid du salon, le sujet était abordé frontalement trois, quatre, voire cinq fois plus. 

Verre à moitié plein

Il ne s’agit pas ici de reprocher ce spectaculaire différentiel à l’AFTM, organisatrice de la plupart des conférences dédiées aux déplacements professionnels. Car après tout, la programmation que l’association professionnelle établit répond, on peut le supposer, aux attentes de l’écosystème telles qu’elle les ressent. A ce titre, c’est bien l’industrie elle-même qui mériterait l’incrimination.

Lorsque nous avons signalé cette singularité à Valérie Boned, la présidente des Entreprises du Voyage s’en est sincèrement émue dans un premier temps. Avant d’émettre une hypothèse considérant, en substance, que la phase d’évangélisation était “peut-être” derrière nous, que les acteurs étaient, désormais, “peut-être” convaincus et qu’ainsi, quelque sujet qu’on aborde, l’enjeu climatique y était “peut-être” intégré organiquement.

Un verre à moitié plein, donc, rempli d’une bonne dose d’optimisme, modérée d’une belle rasade de doute. Reconnaissons, il est vrai, que telle conférence consacrée à l’hébergement pouvait contenir près d’un tiers d’échanges liés à l’enjeu climatique, sans que, pour autant, son intitulé ne l’annonce. 

“Le sujet faiblit”

N'empêche, ce delta de un à trois, quatre ou cinq, interroge. Pour Laurent La Rocca, fondateur de The Treep, TMC très “écolo friendly”, davantage qu’interroger, il révèle : “Indéniablement, le sujet faiblit”. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il lance, avec Amélie Berruex d’Odyssey by Axys, et d’autres acteurs, un collectif formé de fournisseurs et d’acheteurs chargés de réfléchir aux actions à mener dans ce domaine. On parlera de cette actu dans DP cette semaine.

Une initiative dont, vraisemblablement, BCD Travel ne nierait pas la pertinence, à en croire Lydie Lambert, en charge du marketing : “Nous avons proposé des speakers d’Advito aux organisateurs de conférences sur le salon, ça ne les intéressait pas”. Advito, filiale de BCD, est un cabinet de conseils reconnu pour la qualité de ses experts (auxquels DP donne régulièrement la parole), très axé sur les questions de la mobilité propre. 

Et chez Plus Voyages, on nous confirme cet intérêt déclinant chez les clients, à supposer qu’il ait vraiment eu, un jour, le vent en poupe. “Dans la première phase, écrite, de réponse aux appels d’offres, explique Guillaume Debomy, le sujet RSE et en particulier ‘environnemental’ est très présent. Mais une fois devant le client, on n’en parle plus. De toute façon, on n’a pas, face à nous, un interlocuteur capable de nous challenger sur ces sujets.

Précisons que Guillaume Debomy parle ici du segment qu’adresse Plus Voyages : le mid-market, avant tout. Il en va différemment des grands comptes ou, plus sûrement encore, des acteurs publics, très en pointe, pour des questions réglementaires, sur cet enjeu. Encore un sujet qui sera présent dans les colonnes de DP, cette semaine, par la voix de Sandrine Bailly, présidente de l’APECA.

Karl Marx, invité de l’IFTM

Mais, après tout, faut-il attendre des entreprises qu’elles soient autre chose que le miroir de la société ? Ne faut-il pas délester ces acteurs de leur rôle de leaders dans la conscientisation et l’action sur des sujets non directement reliés à leur objet : la maximisation de leurs profits, comme disait le toujours contemporain Karl Marx ? 

Car ce “sujet qui faiblit”, selon l’expression déjà citée de Laurent La Rocca, on a pu en observer les symptômes lors de la campagne des élections européennes qui s’est tenue simultanément dans vingt-sept pays cette année. Il y avait sans doute trop à dire sur le conflit “Israël-Hamas”, dossier sur lequel - c’est bien connu ! - l’action de l’UE est particulièrement impactante. En tout cas, la transition écologique y a été absente des débats, alors que l'Europe est un périmètre particulièrement adapté à ces questions. 

Ça semble clair : pour les citoyens comme pour les entreprises, l’inflation est passée par là. Quand le porte-monnaie se resserre, les idéaux écolos se rétractent à proportion. Ce n’est pas du Marx, mais il semblerait que ça marche quand même. Il faut donc l’intégrer : ce ne sont pas les entreprises qui feront bouger les choses sur la longueur, c’est la réglementation, si ce n’est la loi. Des échéances importantes pour les acteurs économiques, liées notamment au package législatif “Climat et Résilience”, se profilent dans les prochains mois et les prochaines années. Nul doute que, contraintes et forcées, les entreprises vont revenir sur le sujet…

On fait le pari ? Sur les IFTM 2025 et suivantes, il y aura davantage de conférences dédiées au climat que cette année (moins, ce serait dur). Je ne miserais pas mon salaire pour autant…

2 Commentaires

  1. Spécialisée dans le développement durable (et dans le voyage d’affaires), je ne peux que rejoindre votre constat, M Keller. Et pourtant les réglementations existent déjà, la CSRD notamment doit précisément permettre de faire avancer le sujet dans bientôt chaque entreprise, qui répond désormais de sa chaîne de valeurs, et pas uniquement lors d’appels d’offres. Il va donc bien falloir que l’on remette ce sujet sur le devant de la scène…

  2. Merci pour votre Article David.
    Il est vrai que la règlementation ou la loi sont clés pour contraindre les entreprises à changer leurs pratiques en termes de mobilité responsable. Pour autant force est de constater que cela n’est pas suffisant.
    Nous avons pu constater que dans la majorité des entreprises que nous avons pu accompagner il est important de raisonner sur les trois mobilités ( voyages d’affaires, flottes automobiles, et trajets domicile-travail) et de mobiliser les parties prenantes de l’entreprise ( RSE, Achat, RH, finance) afin de dégager des pistes d’optimisations souvent réduites à un seul type de mobilité, dans une logique “optimisation de l’existant” sans questionner le mode opératoire ou le business model. Avec une réflexion “horizontale” ou une “approche ouverte”, de nouvelles perspectives s’ouvrent et ce qu’on perçoit comme une contrainte – ou un coût -devient une incroyable opportunité.
    Les bénéfices d’une telle approche apporte une contribution:
    People : à l’attractivité et à la rétention des talents
    Profit : à la profitabilité de l’entreprise (réduction des coûts, augmentation de la productivité)
    Planet : à la réduction de l’empreinte carbone , et plus globalement à la réalisation des
    engagements RSE

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