L’acquisition, par la néo-TMC BizAway, d’Aervio est peut-être plus qu’une information : un révélateur…
La société italienne BizAway, spécialisée dans la digitalisation du voyage d'affaires, a acquis l'agence espagnole Aervio, reconnue pour ses solutions d'intelligence artificielle. L'équipe d'Aervio rejoindra les bureaux espagnols de BizAway. Cette opération, dont les termes financiers restent confidentiels, intervient après une levée de fonds de 35 M€ réalisée par BizAway en septembre 2024. La société poursuit son expansion internationale au-delà de ses marchés actuels (Italie, Espagne, Albanie et Émirats Arabes Unis).
Voici, en quelques mots synthétisant à l’extrême le communiqué de presse de BizAway, l’information du jour. Pour en savoir plus - c’est-à-dire : pour davantage se payer d’éléments de langage - se reporter chez nos concurrents, mais nous préférons renvoyer vers un média “frère” : Tom.travel.
Comme TravelPerk…
Car, selon nous, l’essentiel est ailleurs. Le 27 janvier 2025, dans une tribune publiée dans le média américain BTN, Min Liu, de Cambon Partners, déclarait : “les nouveaux acteurs technologiques disposent d’un avantage naturel en matière de levée de fonds, contrairement aux acteurs traditionnels plus ‘legacy’. Les dernières transactions le montrent bien : ces entreprises sont davantage susceptibles d’être acheteuses qu’acquises.”
Et comme exemples de “dernières transactions” emblématiques de l’avantage naturel des nouveaux acteurs sur les anciens, l’experte de citer TravelPerk et… BizAway.
La dernière transaction de TravelPerk, c’était le rachat de la TMC américaine AmTrav. Quant à celle de BizAway, c’était, à l’époque, l’acquisition de la division voyages d'affaires de Next Generation Travel, en 2023.
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Poursuivons ce rapprochement entre les deux acteurs tech sud-européens (Barcelone pour TravelPerk, Milan Pour Bizzaway)...
Quand, en juin 2024, TravelPerk se paye AmTrav, elle a, quelques mois auparavant, levé 104 M€. DeplacementsPros relaie alors cette information sous le titre “TravelPerk lève 104 millions de dollars et investit sur l’IA”. Oui, l’IA, pourquoi pas… Mais, apparemment, ce n’est pas aussi essentiel que le carnet d’adresses d’AmTrav.
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Quand, en 2023, BizAway achète la division "voyages d'affaires" de l’agence britannique Next Generation Travel, l’opération fait suite à une levée de fonds de 10 M€. Et la dernière acquisition (celle d'Aervio, donc) a été précédée d’une autre de 35 M€.
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Proies et prédateurs
Concernant TravelPerk et BizAway, l’experte déjà citée estimait donc qu’elles étaient “davantage susceptibles d’être acheteuses qu’acquises”. Les levées de fonds dont il vient d’être question renseigne sur les moyens de la prédation. Reste le pourquoi…
Une petite visite sur le site de BizAway ne prend que quelques dizaines de secondes, mais recèle de précieuses informations. L’entreprise compte 1.600 clients. Les plus prestigieux d’entre eux sont évidemment signalés. Ils nous sont tous inconnus. A peine un nom nous évoque-t-il un cabinet de conseil transalpin.
La technologie de BizAway est certainement performante, ses clients ne sont que des PME à quelques centaines de voyages annuels, vraisemblablement. Pour être rentable, BizAway doit augmenter son volume, certes, mais en servant des entreprises d’une autre dimension. En d’autres termes : en changeant d’échelle; le terme de “scale-up”, par lequel elle se définit elle-même, prend ici tout son sens. D’où le rachat d’Aervio, auquel d’autres acquisitions, parions-le, succèderont.
R.O.I.
C’est ce que pensent aussi les investisseurs qui ont mis 35 M€ au pot sous la houlette du fonds Mayfair Equity Partners. Ces gens-là attendent un retour sur investissement correspondant à un doublement voire un triplement de leur mise dans les 5 années à venir. Ce ne sont certainement pas (que) des investissements dans une tech X ou Y qui leur ont fait sortir le porte-monnaie… De bonnes vieilles acquisitions de portefeuille clients par croissance externe, voilà qui est plus convaincant.
Et la démonstration vaudrait aussi pour TravelPerk.
Une fois qu’on a dit pour quelles raisons et par quels moyens s’exerce la prédation, reste cette question : en quoi l’objet des convoitises des TravelPerk et BizAway constituent-elles, effectivement, des proies ?
“Parce qu’elles sont faibles”, répond, sans hésiter, Tristan Dessain-Gelinet, dirigeant de la TMC Travel Planet. Il explique : “L’affaiblissement des incentives, bien sûr. Mais aussi la défiance des TMC traditionnelles vis-à-vis de la technologie quand il faut la développer soi-même. A mesure que la valeur ajoutée due à la technologie augmente, évidemment, celle des TMC qui vendent celle de tiers, diminue. C’est logique”.
Et la logique peut être cruelle…