En 2027, l'Europe impose une taxe carbone sur tous les carburants. Travel managers, loueurs de voitures et gestionnaires de flottes doivent se préparer à une évolution tarifaire majeure.
L'organisation européenne Transport & Environment vient de publier un rapport sur l'implémentation de l'ETS2, analysant les enjeux et recommandations pour réussir la mise en œuvre de ce nouveau système d'échange de quotas d'émission.
Avec l'entrée en vigueur de l'ETS2 (Emission Trading System 2) en 2027, l'Union européenne imposera un prix du carbone sur tous les carburants routiers et de chauffage. Pour les acteurs du voyage d'affaires, cette transformation représente à la fois un défi opérationnel et une opportunité stratégique.
Six euros sur un plein
Selon les projections de Transport & Environment, chaque augmentation de 10 euros du prix du carbone se traduira par une hausse de 2,4 centimes par litre d'essence et 2,7 centimes par litre de diesel. Avec un prix du carbone estimé entre 55 et 100 euros par tonne, les entreprises doivent anticiper une augmentation significative de leurs budgets transport.
Pour un véhicule de société standard, cela représente environ 6 euros supplémentaires par plein. Multiplié par des centaines de véhicules et des milliers de pleins annuels, l'impact financier pour les gestionnaires de flottes sera considérable. Les travel managers devront quant à eux revoir leurs politiques de déplacement et budgets alloués, tandis que les loueurs devront adapter leurs grilles tarifaires.
Bruxelles impose l'électrification aux grandes flottes
Le rapport identifie la future réglementation européenne "Greening Corporate Fleets" comme ayant "un potentiel immense pour réduire les émissions et maintenir les prix ETS2 bas". Cette législation introduira des objectifs d'électrification contraignants pour les grandes flottes d'entreprise, transformant fondamentalement le marché en stimulant la demande pour les véhicules électriques d'entreprise et en accélérant le renouvellement des flottes vers le zéro émission.
Cette réglementation concernera directement les entreprises gérant d'importantes flottes de véhicules de société, les obligeant à planifier dès maintenant leur transition électrique. Les loueurs de voitures devront adapter leur offre pour répondre aux nouvelles exigences réglementaires de leurs clients corporate, sous peine de perdre des parts de marché.
Les PME dans l'œil du cyclone
Le rapport souligne que "les petites et moyennes entreprises font face à des pressions croissantes sur leurs coûts" et "manquent souvent du capital et des capacités pour investir dans les technologies propres au rythme requis". L'industrie du transport routier étant principalement composée de PME, l'impact sera particulièrement marqué pour les artisans et petites entreprises utilisant des véhicules utilitaires.
Les gestionnaires de flottes de PME devront donc bénéficier d'un soutien ciblé pour l'achat de véhicules commerciaux électriques, camionnettes et camions zéro émission, ainsi que pour l'infrastructure de recharge associée. Le rapport recommande de prioriser les entreprises opérant dans les régions rurales ou à faibles revenus, où l'électrification est plus difficile à justifier économiquement.
Nouvelles opportunités pour les loueurs
Le rapport identifie plusieurs niches de croissance pour l'industrie de la location. Le secteur des véhicules commerciaux électriques offre un potentiel énorme avec un support ciblé pour les PME souhaitant électrifier leurs flottes utilitaires. Les services de mobilité partagée représentent également une opportunité avec le développement de car-sharing électrique intégré aux hubs de transport.
L'infrastructure de recharge constitue un marché en pleine expansion, notamment pour les entreprises dont les employés ne peuvent installer de points de charge à domicile. Les loueurs peuvent ainsi développer des offres intégrées véhicule électrique plus infrastructure de recharge, créant de nouveaux modèles économiques.
Travel managers : repenser la politique de déplacement
Le rapport recommande aux entreprises de développer un "portefeuille multimodal" d'options de transport incluant la mobilité active avec vélos électriques de fonction, le transport public renforcé par des abonnements entreprise, la mobilité à la demande via des services de transport flexibles, et les crédits mobilité sous forme de budgets déplacement modulables.
Les travel managers devront intégrer ces options dans leurs nouvelles politiques de déplacement, en privilégiant les solutions bas carbone tout en maintenant l'efficacité opérationnelle. Cela implique une refonte complète des grilles de remboursement et des partenariats fournisseurs.
534 milliards d'euros de financements disponibles
L'ETS2 générera entre 296 et 534 milliards d'euros de revenus d'ici 2032. Une partie significative sera réinvestie dans le soutien aux entreprises pour l'achat de véhicules commerciaux électriques, l'infrastructure de recharge ciblée, les programmes de leasing à coût réduit et les facilités de financement pour la transition des flottes.
Les gestionnaires de flottes doivent se positionner dès maintenant pour bénéficier de ces financements, particulièrement ceux opérant dans les régions rurales ou industrielles où les aides seront prioritaires. L'accès à ces fonds européens pourrait considérablement réduire le coût de la transition électrique.
Chaque acteur a sa stratégie gagnante
Pour les gestionnaires de flottes d'entreprise, l'urgence consiste à établir un plan de transition électrique avant 2027, négocier des contrats de leasing incluant des options électriques et former les équipes aux nouveaux enjeux de la mobilité décarbonée.
Les loueurs de voitures doivent accélérer l'électrification de leurs flottes, développer des partenariats avec les fournisseurs d'infrastructure de recharge et proposer des services de mobilité intégrée au-delà de la simple location.
Les travel managers ont intérêt à réviser leurs politiques de déplacement pour intégrer le coût carbone, développer des indicateurs de performance incluant l'empreinte carbone et négocier des accords-cadres avec des fournisseurs de solutions de mobilité durable.
2025 : l'année de tous les dangers
Le rapport insiste sur la nécessité d'investir dès 2025 pour être prêt en 2027. Les entreprises qui anticipent cette transition bénéficieront d'avantages concurrentiels significatifs, tandis que celles qui attendent subiront de plein fouet l'impact des nouveaux coûts carbone.
L'ETS2 n'est pas qu'une contrainte réglementaire : c'est un accélérateur de transformation qui redéfinira l'écosystème de la mobilité professionnelle. Les gestionnaires de flottes visionnaires y verront une opportunité de moderniser leurs parcs, réduire leurs coûts opérationnels à long terme et renforcer l'attractivité de leur entreprise auprès des talents sensibles aux enjeux environnementaux.