Fragmentation de l’offre : la flippe ou la tech

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Fragmentation de l’offre : la flippe ou la tech
José Martinez (Amplitudes) et Christophe Jacquet (Havas Voyages) au congrès des Entreprises du Voyage.

Lors du congrès des Entreprises du Voyage, une table ronde consacrée à la fragmentation de l’offre, a réuni deux acteurs de la distribution, Amplitudes et Havas, ayant une vision et une stratégie opposées.

Pour le rail, c’est l’ouverture à la concurrence ou le passage de relais aux régions françaises pour l’organisation des TER SNCF. Pour l’aérien, c’est, à côté de l’historique EDIFACT et de l’offre lowcost, l’émergence de la NDC. Dans les deux cas, la fragmentation de l’offre qui implique un double enjeu pour les agences : l’accès aux contenus et la remise en cause du modèle économique, l’un étant pour partie dépendant de l’autre.

Havas : “Notre cœur de métier : le service”

D’un côté, Christophe Jacquet, de Havas Voyages, défend le modèle actuel, voire l’ancien… Il confie sa technologie de distribution à un tiers et constate les dégâts dus à NDC, du moins dans le business travel, du moins quand ce canal représentera un ratio significatif des ventes des déplacements professionnels : division par X (souvent 2) des commissions GDS, investissements lourds en termes de connectique, perte de productivité.

C’est pourquoi il considère la fragmentation de l’offre SNCF et l’injonction NDC comme “deux météorites” qui seraient tombés sur la planète Havas, des “sujets douloureux”, “une souffrance”, des “investissements colossaux en termes de technologie et de temps”, éloignant son entreprise de son “cœur de métier : améliorer la qualité de (son) service”. 

Cette posture de Christophe Jacquet - identique, en toute logique, à celle de son “patron”, Laurent Abitbol - est une posture, justement : on imagine mal Havas et Selectour rester les bras croisés, à regarder le train passer, se contentant de leurs yeux pour pleurer.

Une phrase de Christophe Jacquet, à propos de NDC, est révélatrice : “Avant, les compagnies étaient dans l’obstination, maintenant elles sont dans la détermination. On peut davantage discuter”. Il y a donc fort à parier que les agences du groupe Marietton se préparent, prenant acte de l’inéluctable, mais que le board tente de gagner du temps (en incitant au report des "surcharges GDS" d'Air France, par exemple), mettant à profit la force commerciale de son réseau. 

Amplitudes : “Les jeunes générations n’en ont rien à f… de parler à un agent”

Bien plus proactive est la stratégie de José Martinez, PDG de la TMC Amplitudes, 200 M€ de volume traité en 2023 : “J’ai fait le choix de créer ma propre plateforme il y a quelques années car les OBT ne répondaient pas exactement aux besoins de mes clients. Si on prétend faire du sur-mesure, au bout d’un moment, il faut avoir sa propre tech. Il y a 10 ans, c’était trop cher, mais les coûts ont baissé.

S’il reconnaît avoir sous-estimé l’ampleur de la tâche, l'année 2020, avec des opérations quasi à l’arrêt, Covid oblige, a constitué une opportunité pour faire turbiner les quinze ingénieurs recrutés pour le développement d’un SBT et d’un agent tool. Aujourd’hui, l'outil est connecté directement à l’API d’Air France : “On vend du NDC, et ça marche très bien, y compris les opérations post émissions. Idem pour PAO (SNCF), et on a accès à Ouigo.

Pour autant, choix a été fait de continuer à travailler avec les Amadeus et Sabre, pour les connexions NDC : “Je ne peux pas me connecter à tout mais pour Air France qui représente 60% de mes réservations, ça vaut le coup.” Y compris d’un point de vue économique : “Quand on achète du NDC Air France via Amadeus, il y a une surcharge de 1,55€ par segment. Je dis à mes clients qu’ils n’ont pas à payer cette surcharge mais que s’ils réservent via NDC, les frais sont un peu plus élevés, n'étant pas rémunéré par les GDS”. 

Car dans cette profonde modification du business model impliqué par la NDC, où une source de revenu importante va progressivement devenir un coût (par exemple, Smart offer, l’intégralité de l’offre Lufthansa coûte 2€ au PNR), pour José Martinez, “C’est le client qui doit payer la presta, il n’y a pas de sujet”... Pour Christophe Jacquet, c’est loin d’être évident : “Augmenter les frais, c’est un sujet critique”.

Plus globalement, c’est la conception même du métier d’agent de voyages “corpo” qui diverge. Quand Christophe Jacquet parle de “la qualité de service” comme de son “cœur de métier”, José Martinez déclare : “Oui on vend du service, mais à la marge. Les jeunes générations n’en ont rien à f… de parler à un agent de voyage, ce qu’elles veulent c’est  pouvoir faire leur résa sur leur smartphone, leur tablette, de n'importe où et que ça marche bien. On doit devenir des sociétés de technologie.