Le nouveau report de la finalisation de l'acquisition, dû à la Justice américaine, rend toujours plus incertaine l'issue de l'opération.
“À mon avis, l’accord est en train de s’effondrer”, c’est par ces quelques mots peu empreints d’ambiguïté que Patrick Diemer entame sa tribune dans le média américain The Company Dime. L’accord évoqué par le président de BT4Europe (une fédération d’associations professionnelles dont la représentante française est l’AFTM), c’est le projet de fusion-acquisition entre les TMC numéros 1 et 3 mondiales, Amex GBT et CWT.
Mais cette opinion, si elle tranche par sa clarté et le choix de prendre le risque d’en faire la publicité par voie médiatique, trouve un écho de plus en plus affirmé au sein des acteurs et observateurs du business travel.
Rappel des faits en quatre dates :
- Mars 2024 : Amex GBT annonce son acquisition de CWT pour 570M$. Elle espère conclure le deal fin 2024 ou début 2025.
- Juin 2024 ; la CMA (Competition and Markets Authority, l’autorité britannique de la concurrence et des marchés) ouvre une enquête sur l'opération
- Août 2024 : Pas convaincue de la validité du deal, la CMA ouvre une enquête de phase 2 dont le verdict doit tomber fin janvier 2025.
- Janvier 2025 : Tandis que la décision de la CMA est repoussée au 9 mars, le Department of Justice américain dépose un recours contre la fusion. Il ne sera examiné que le 8 septembre 2025.
Ces 9 mois supplémentaires par rapport à la road map idéale pour les deux TMC constituent-ils la dernière ligne droite du projet ou aboutiront-ils à son enterrement, à l’issue d’une lente agonie ? Pour Patrick Diemer, on l’a compris, c’est la deuxième option qu’il anticipe.
Il considère en effet qu’il est fort probable que l’accord ne soit approuvé que si Amex GBT accepte des concessions majeures que les régulateurs voudraient voir appliquées, notoirement, l’exclusion des clients globaux de CWT basés au Royaume-Uni de l’opération. Ils pourraient alors être revendus à un autre TMC.
Toutefois, cette cession nécessiterait leur approbation préalable, ce qui semble très improbable. Ces clients ne sont généralement pas “vendus”, mais sélectionnent leurs fournisseurs via des appels d’offres. Quelle TMC serait prête à acheter un portefeuille de clients qui lanceront rapidement un nouvel appel d’offres ?
Autre complexité : l’accord a été signé en mars 2024 sur la base des volumes d’affaires de 2023 et des prévisions pour 2024. Or, CWT a probablement connu une année 2024 difficile : acquisition de nouveaux clients, négociations avec les fournisseurs ont été affectés depuis l’annonce de mars 2024. Par conséquent, la situation financière de CWT ne fera que se détériorer avec le temps, et cette situation va donc durer jusqu’en septembre prochain, a minima. CWT vaudra-t-elle toujours 570M$ ?
Dès lors, il est légitime de se demander si Amex GBT va bien aller au bout de l’acquisition ? Elle peut y renoncer jusqu’au 24 septembre 2025 au plus tard, si la CMA et/ou le DOJ refusent l’accord ou imposent des “conditions trop contraignantes”.
Et qu’adviendrait-il alors de CWT ? Si les vendeurs ne parviennent pas à obtenir le prix initialement négocié, ils exploreront d’autres options. Quelles seraient-elles ? BCD Travel ? La TMC néerlandaise rencontrerait les mêmes obstacles réglementaires qu’Amex GBT, donc plutôt non. et ne pourrait donc pas être un acheteur. FCM ? La filiale de Flight Center ne dispose probablement pas des ressources financières nécessaires.
Alors peut-être des acteurs disposant de nouvelles technologies mais manquant d’un réseau mondial et donc potentiellement intéressé par les 4.000 clients de CWT… Citons Steve Singh/Madrona, Navan, Emburse ou TravelPerk.
A suivre…