Jancarthier et The Treep s’associent : la parole aux acteurs

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Jancarthier et The Treep s'associent : la parole aux acteurs
Laurent La Rocca (en haut à gauche), Philippe Taïeb (à gauche) et Christian Mousnier (à droite).

La "vieille demoiselle" Jancarthier et le petit jeune The Treep viennent d'annoncer leur partenariat. L'occasion, au cours d'une interview croisée des différents protagonistes, d'évoquer les enjeux de ce type d'association libre.

Cette interview s'est déroulée avec Philippe Taïeb, patron de Jancarthier et de Laurent La Rocca, CEO de The Treep, sous le regard de Christian Mousnier, ex-GBT et ex-Avexia, qui conseille Jancarthier sur son développement business travel (BT) et qui est à l'origine de ce rapprochement.

L'agence de voyages Jancarthier, née en 1963, noue un partenariat avec The Treep, self-booking tool (SBT), créé en 2016... C'est le mariage des Anciens et des Modernes ?

Philippe Taïeb : J'ai l'habitude de dire que Jancarthier est une vieille demoiselle. "Vieille" parce qu'effectivement, les années passent. "Demoiselle" parce qu'on espère plaire à de jeunes partenaires. Du coup, ça semble être le cas. The Treep nous a plu par sa jeunesse, effectivement, son envie de manger le monde, tandis que chez nous il y a un peu de sagesse, sûrement... On s'entend très bien ! Quand on s'est rencontré, nos échanges ont porté sur la façon d'aborder nos clients et on s'est rendu compte qu'on avait plein de points communs. Notamment le souci de l'utilisateur. 

Laurent La Rocca : C’est l’association du digital et de l’expertise et du service. On est convaincu que c'est le bon duo pour les clients. Une simple plateforme ne peut couvrir 100% des besoins, c'est ce que nous pensons. L'expérience acquise sur des années par Jancarthier, et, de notre côté, une proposition la plus ergonomique possible pour les utilisateurs, des standards qu'on remet quotidiennement à jour - un effort considérable que ne peut se permettre une agence de voyages. 

Diriez-vous que dans ce type de partenariat, la TMC répond à l'entreprise quand le SBT pense à l'utilisateur ?

Laurent La Rocca : Je pense que le job de l’agence, c'est, en premier lieu, de répondre aux centres décisionnels des entreprises. Et notre métier est effectivement directement lié à l'UX, l'expérience utilisateur. Mais dans les faits, ce n'est aussi schématique que ça... Jancarthier veut aussi la meilleure UX, ne serait-ce que parce que s'il n'est pas satisfait, c'est bien la TMC qui aura affaire à lui. Et de notre côté, il faut prendre en compte les désirs, les besoins et les souffrances des deux parties prenantes du  BT : l'utilisateur, c'est entendu, mais aussi la cellule de décision qui peut d'ailleurs être très diverse - acheteur, financier, travel manager... Si on ajoute à cela que l'utilisateur peut être prescripteur auprès de son entreprise, on voit bien qu'on est plus dans une dialectique que dans une dichotomie. L’union de ces deux entités - la TMC et le SBT - ayant des objectifs complémentaires permet à l’entreprise et à l'utilisateur d'avoir un tout cohérent et performant.

Philippe Taïeb : Et on peut aussi ajouter qu'un outil qui satisfait le collaborateur est le meilleur moyen, pour l'entreprise, de faire passer une politique voyage plus stricte, ce qui va être un souci central dans la période post-crise. 

Quel est l'intérêt d'un tel partenariat pour Jancarthier ?

Philippe Taïeb : Que notre offre soit meilleure ! Je précise que la colonne vertébrale de notre proposition ne va pas changer. C'est dans la multiplication des services supplémentaires qu'elle va s'enrichir; ça peut être l'ajout de loueurs de véhicules locaux en plus des Big 5, une incitation à l'écoresponsabilité, des offres ayant trait au bleisure... Le tout dans un environnement plus fluide, plus globalisé, et en préservant les besoins de l’entreprise. Avec une finesse de respect des désirs : un train en seconde quand je fais un trajet court pour une formation, et en première quand je suis accompagné d'un client... Avec d’autres, c'est possible mais c'est pas facile, avec The Treep, c'est possible et c'est facile.

Laurent La Rocca : Je crois aussi que pour une TMC, s'associer à The Treep, c’est aussi l'aider à résister à cette vague de nouveaux entrants - Travelperk ou Tripactions, par exemple. Notre job à nous, ce n'est que le soft : on équipe la TMC et le but, c'est que le client nait aucune raison de se déplacer vers ces solutions 100% online. 

Mais The Treep aussi est menacé par ces nouveaux acteurs. Comment y résister ?

Laurent La Rocca : En faisant en sorte que les clients se disent "J’ai un outil à la pointe, qui fonctionne bien, alors que tel acteur international n'aura pas la possibilité de répondre à mes besoins à moi, entreprise du petit marché français noyé dans le reste du monde". Qui ne saura pas forcément gérer des multi réservations, de la carte jeune à la carte senior, sur les grandes lignes, les Intercités, les TER, les 30.000 km du réseau SNCF et la complexité de son offre, par exemple. Avec Jancarthier, on implémente une PME dont la demande est "classique" en 24 heures. Mais ce qu'on veut faire, c'est intégrer les besoins spécifiques des clients, quand les gros éditeurs répondent souvent "C’est difficile, on est sur une road map, etc”. On remporte un marché qui a intégré une étude de faisabilité, et c'est parti pour un spint de mise en œuvre de 2 ou 3 semaines, et c'est livré. Notre partenariat avec Jancarthier est trop récent pour qu'on ait encore beaucoup d'histoires à raconter mais cette promesse d'agilité et adaptation, on l'a par exemple tenue auprès de l'AFM-Telethon en prenant en compte l'ensemble des handicaps pour le train, l'avion, l'hôtel; ou encore l'Assurance Maladie en intégrant le tiers-payant des voyages sanitaires qui était auparavant traité en off...

On voit, notamment avec le rachat de Reed & Mackay par Tripactions ces opérateurs 100% online se rapprocher de TMC. Ont-ils été trop présomptueux ?

Laurent La Rocca : Oui. Ils se sont aperçus qu'il ne suffisait pas de mettre des beaux boutons dans une belle appli pour que ça fonctionne bien : on n'est pas comme dans le BtoC dans des comportements de masse où décideur et utilisateur sont fusionnés. Dans le voyage d'affaires, chaque entreprise a ses problématiques… Donc le "one for all" trouve ses limites rapidement. Là où c'est bankable, c'est sur le marché des actionnaires : plutôt que de dire “Je dois m’associer ac une tmc”, comme The Treep, il vaut mieux dire : “Je vais disrupter le marché à la Uber et je vais balayer les historiques.” Je crois que c’est une fuite en avant vers le tout techno pour assurer des levées de fonds.

Elargir son offre technologique, pour Jancarthier, c'est conquérir de nouveaux types de clients ?

Philippe Taïeb : Notre cible c'est historiquement les TPE et PME. Il y a 7 ans, quand Christian (Mousnier, ndr) nous a rejoints, ce n'était que ça : des PME qui voulaient un service de proximité, qui n'utilisaient pas le online, avec qui on était copain… On a voulu changer ça, c'est la mission de Christian : créer une offre qui puisse satisfaire un spectre plus large de clients avec du off et du on. Pour aller chercher les acteurs moyens puis plus gros. En début d’année, on a remporté un premier marché important pour nous, de 28 M€ sur 4 ans… Un marché public. Sans The Treep. Mais à partir du mois de septembre, on implémente notre premier client avec The Treep. Donc oui, l'idée, c'est de diversifier notre clientèle business, tout comme on essaye d'avoir au global une offre diverse : le BT, les groupes, le leisure, la conciergerie...

Christian Mousnier : Le métier de TMC est de plus en plus difficile. La plupart des grosses organisations sont internationales, doivent reporter à leur siège européen, le niveau de responsabilité est de plus en plus limité, les reports au sein de l’entreprise sont de plus en plus nombreux. Mais en contre-partie, et c'est là où se trouve l'opportunité, ces grands groupes, aujourd'hui, regardent les TMC de taille moyenne, comme Jancarthier, avec intérêt. Ce qui était impensable, il y a encore quelques années.

Sur quelles bases se fonde le partenariat The Treep / Jancarthier ?

Philippe Taïeb : Evidemment, le partenariat n'est exclusif pour personne : The Treep travaille avec d'autres TMC, et Jancarthier propose différents outils, tout comme on ne propose pas qu'une compagnie aérienne ! De toute façon, c'est le client qui nous paye, c'est lui qui décide. L'idée pour moi n'est pas de dire à mes clients satisfaits "On va passer sur The Treep", mais d'en conquérir de nouveau avec cet outil. Et j'ai bon espoir car nous l'avons montré - comme un test - à une dizaine de nos clients, 8 d'entre eux ont été enthousiastes. En termes de rémunération, ça se fait au segment (à la transaction) et s'il y a une demande particulière d'un client, on établit un devis avec Laurent pour couvrir le surcoût.

Laurent La Rocca : c'est comme ça qu'on procède avec tous nos partenaires, c'est notre business-model.

80% des utilisateurs satisfaits en 100% online, l'humain traite le reste... Vous êtes d'accord ?

Philippe Taïeb : 80% oui, mais même 85 ou 90% quand on est sur du domestique, des choses simples… Mais par contre il faut absolument satisfaire le reste. C’est le principe du feu rouge. Si tu te fais arrêter parce que tu en grilles un, tu auras beau dire "c’est le premier en 20 ans", tu te feras quand même aligner… Quand mon directeur est bloqué à Moutiers, qu'il n'y a qu'un seul train et qu’il part de Bourg-Saint-Maurice, là il faut qu'on se parle et qu'on règle son problème car je ne suis jugé que sur ce cas-là… Et seul l'humain peut traiter ça... Ce qui ne l'empêche pas de faire des erreurs et ça se paye cash. Un client qui partait à Riad nous appelle pour obtenir les informations sur les conditions de voyage pour cette destination. On les lui donne. Sauf que mon agent n’avait capté qu'il partait de Londres, avec des conditions différentes, donc. On a perdu un contrat de 3 M€ comme ça.

Laurent La Rocca : C'est vraiment pour les situations d'urgence que l'humain est indispensable… D'ailleurs, notre outil est fait pour que l’humain intervienne aussi. On a installé un module chat visible en permanence sur lequel on peut avoir accès d’un simple clic pour de l’assistance auprès d’un agent de voyage Jancarthier. 

Christian Mousnier : Avec ce système, nos agents peuvent reprendre un dossier, ce n'était pas le cas avec les autres outils. C'est un plus important.

Laurent La Rocca : A propos de ces situations d'urgence et du relai dont parle Christian, on a mis en place un système de gestion de tickets derrière le chat, un Service level agreement, pour mesurer le traitement de ces cas problématiques. C'est un bonne illustration de collaboration : l’humain répond, la tech permet de mesurer le temps de réponse, en fonction de la criticité de la sollicitation et le niveau de satisfaction de cette réponse.

Philippe Taïeb : Ca vient compléter nos logiciels de gestion des mails et des appels. Tout ça, c'est aussi pour avoir un reporting précis et pouvoir répondre au client...

Christian Mousnier : Et c'est important car c'est sur ces feux rouges qu'il vient vous chercher. Quand, il y une quinzaine d'années, j'étais chez Amex GBT, le client, en rendez-vous, sortait une feuille et nous listait 20 cas où nous avions été défaillants. On n'avait rien à répondre même si on savait qu'il y avait des milliers de cas que, par ailleurs, on avait parfaitement traités.