José Martinez (Amplitudes) : « Pour OUIGO, des clients corpos sont prêts à payer plus »

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José Martinez (Amplitudes) :

Au Congrès de Manor, la semaine dernière, le dirigeant de la TMC Amplitudes a fait tomber une idée reçue : l'offre OUIGO est adaptée au marché "business travel". Explications.

L’accès à OUIGO est encore très inégal selon les agences corpo. Pour ces dernières, ce fardeau est d’autant plus pénible à se trimbaler qu’elles doivent s’y coller car les clients le réclament, alors que la commission n’est que de 1%, en vertu de la convention SNCF/EDV, conclue en 2022. Et quand on dit “les clients le réclament”, encore faut-il entendre “les entreprises” : le voyageur d’affaires, lui, alors qu’il voyage sur les deniers de son employeur, sera-t-il enclin à réserver ce TGV lowcost ? Rien n’est moins sûr, a priori.

> Lire aussi : Convention SNCF-EDV : les OUIGO en agence et les commissions à la baisse

C’est du moins une petite musique en tête de la playlist “Doxa du business travel”... Le OUIGO serait donc, pour les TMC, ce que les fitness centers sont aux hôtels : personne ne les utilise mais il faut pouvoir les mettre en vitrine, juste pour faire joli. Mais au dernier Congrès Manor, le témoignage de José Martinez, à la tête d’Amplitudes, a battu en brèche cette idée reçue. Par sens aigu du teasing, nous révélons plus loin dans cet article ce retour d’expérience assez édifiant. En attendant, posons-nous la question…

Quel accès à OUIGO pour les agences ?

Considérant la question, ça tombe plutôt bien, au congrès déjà cité, Lawrence Taché, directeur des marchés Agences et IT, était présent pour répondre. Il dit : “La SNCF a livré l'intégralité des fonctionnalités et de nouvelles arrivent… OUIGO, c'est trois choses : OUIGO Essentiel, OUIGO Plus et le voucher (qui sert en cas d’annulation du train, de grève... à être remboursé). On a une seule source : le PAO (Portail d’accès aux offres) qui est une API unique, et on laisse aux acteurs plusieurs possibilités pour accéder à cette source. Soit via des intermédiaires technologiques, soit des ITP (Internet Tunneling Protocol, ndr) comme Wondermiles, soit directement.

En d’autres termes, le buffet SNCF est dressé, reste aux parties prenantes à venir se servir. Mais en fonction des agences ou des intermédiaires, les roadmaps diffèrent. Par exemple, concernant les GDS, Sabre propose déjà OUIGO Plus, alors que ce ne sera qu’au printemps prochain chez Amadeus. Son DG France, Frédéric Saunier, considèrera d’ailleurs que OUIGO crée peu d’appétence chez les corpo. Certes, mais pour l’heure, Amadeus ne propose que OUIGO Essentiel (depuis juillet dernier), particulièrement peu adapté à cette clientèle, par faute de fonctionnalités, notamment en matière de modification et d’annulation.

Quand OUIGO Plus est proposé, ça change beaucoup de choses. Et c’est là qu’on en vient au témoignage de José Martinez…

Des clients qui acceptent de payer plus que la commission pour OUIGO

Le patron de la TMC Amplitudes a fait le choix de développer son propre SBT, eYoma, pour se connecter directement au contenu NDC d’Air France, mais aussi pour enrichir son offre train. Par la grâce de cet outil maison, il est donc en capacité de proposer à ses clients les trois piliers OUIGO : l’Essentiel, le Plus, le voucher.

A la question “Vos clients corpo utilisent-ils OUIGO ?” Sa réponse fut aussi directe que mâtinée d’accent toulousain : “A fond !”. A tel point que, constatant l’attrait de cette offre et considérant le 1% de commission (une quasi gratuité) qui lui est conventionnellement attribué, José Martinez propose à ses clients de surcharger les billets OUIGO de 2€, en rémunération de ce service rare sur le marché des TMC. Réponse négative.

Sûr de son avantage concurrentiel, José Martinez range alors au placard ses arguments de VRP et les remplace par la force du cas pratique. L’un de ses gros clients est composé d’une cinquantaine d’entités en France. Il décide de n’ouvrir l’offre OUIGO Plus qu’à sa filiale de Strasbourg, gourmande en demandes OUIGO. 

La suite, détaillée par le principal intéressé : “Au bout d’un mois, je provoque un rendez-vous avec les acheteurs de l’entreprise. Sur trois semaines, les collaborateurs de Strasbourg avaient réservé plus de 80 billets OUIGO qui représentaient, par rapport à des billets INOUI, une économie de plus de 7.000€.” 

Evidemment, ensuite, le discours commercial marche sur du velours, puisqu’il consiste à démontrer que l’économie de 7.000€ a été rendue possible pour un coût qui se serait élevé à 160€ (80 billets * 2€), si la proposition de surcharge initialement présentée avait été acceptée. OUIGO Plus était, pour ce client, déployé sur toute la France aux conditions voulues par Amplitudes, “dès le lendemain de cette réunion”, nous précise José Martinez. Une question restait cependant en suspens… 

Mais pourquoi donc des corpos réserveraient-ils du OUIGO plutôt que de l’INOUI ? 

Nous imaginions des collaborateurs institutionnels, défrayés à l’enveloppe per diem, se comportant sur le mode : “je paye moins cher mon train pour soigner mon hôtel et mon resto”. L’hypothèse recouvre une réalité, nous confirme-t-on, mais José Martinez nous précise : “Ce n’est pas le cas pour le client dont j’ai parlé : c’est une entreprise privée. Mais c’est juste parce qu’à de nombreux horaires, il n’y a que du OUIGO, pas de l’INOUI !

Retour vers Lawrence Taché et, en prime, Frédéric Laurent-Miel, directeur Entreprise et Agences de TGV Intercités, qui relativisent les “nombreux horaires” dont parle le dirigeant d’Amplitudes, tout en précisant, en substance : “Le fonctionnement pendulaire de OUIGO explique que, sur certains trajets, ce sont des OUIGO, et pas des INOUI, qui sont les premiers à partir le matin très tôt. Alors oui, sur ces horaires, les tarifs augmentent mais un équilibre est trouvé.

On peut donc en conclure, avec un peu d’imagination, que ces collaborateurs strasbourgeois, dont parlait José Martinez, n’ont pas d’autres choix que de prendre un OUIGO, à condition qu’il s’agisse d’un OUIGO Plus, pour assurer ce rendez-vous francilien de 11h, pas forcément proche de la Gare de l’Est.

Notons, pour conclure, que si José Martinez est assez finaud pour faire plier ses clients, il n’hésite pas à donner de bonnes idées à ses concurrents puisque dans un congrès public, relayé par le presse, en tout cas DeplacementsPros, il n’hésite pas à déclarer : “On m’avait dit que développer ma connexion au PAO de la SNCF serait un enfer. Mais, excellente surprise, ce n’est pas si difficile et ça fonctionne très bien”. La SNCF, elle, doit apprécier une telle transparence.

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