TMC : Comment entrer dans les radars des PME ?

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TMC : Comment entrer dans les radars des PME ?

Les TPE/PME, nouvel Eldorado pour pléthore de TMC. Problème : comment se rendre visible pour un segment invisible ? Témoignages.

Votre serviteur venait à peine d’ingurgiter son dix-huitième café matinal, qu’un appel téléphonique acheva de l’éveiller totalement. Une très aimable personne se présente : “Je travaille pour SVP Information Décisionnelle, j’ai lu un article que vous avez consacré à la TMC X, je dois faire des recommandations à un client pour ses voyages professionnels, est-ce que ça vous semble approprié de la citer ?”. Je réponds par l’affirmative mais, trop occupé à penser à la commission que j’allais demander à Nav… oups… je raccroche un peu trop vite.

Dommage, j’avais des questions à poser, moi aussi, à cette dame. Mais en composant le numéro entrant, je tombe sur un call center : impossible de retrouver ma matinale interlocutrice. En tout cas, la caféine agissant comme carburant sur ce moteur 64 cylindres en V qui me sert de cervelle, j’en arrive à cette brillante conclusion : “TMC, vous recherchez les TPE/PME, la bonne nouvelle, c’est qu’apparemment, les TPE/PME vous recherchent, elles aussi”.

Débordement d’audience

Mais pour trouver, encore doit-on savoir ce que et qui on cherche. D’où cette question : comment diable les TMC font-elles pour entrer dans les radars de ces petites entreprises et leurs 675 milliards US$ de voyages non gérés, d’après Paul Abbott, big chief d’Amex GBT ? Ou plus exactement : comment se rendre visible auprès d’un segment que, soi-même, on ne voit pas ?

Tristan Dessain-Gelinet, Travel Planet : “Se faire connaître des PME, ce n’est pas évident. Je cible des publications ou des événements qui leur sont destinés. Je communique aussi sur BFM Business qui est pas mal suivi par des décideurs de petites structures”. Une communication de niche, donc, même si le recours à un média de l’envergure de BFM fait largement déborder le message de l’audience à qui on le destine à l’origine - c’est voulu, bien sûr, comme on le verra.

Ce budget “BFM Business”, il n'existe pas chez Amex GBT. Et pour cause : “On ne va pas payer pour une visibilité qu’on va avoir naturellement”, explique Antoine Delesalle, directeur des Ventes. C’est la force d’être un leader dans son secteur : on apparaît comme une référence en termes d’information. Dès lors, si la rédaction invite gracieusement, pourquoi solliciter le service commercial du même média ?

Mais tout leader que peut être la TMC américaine, Antoine Delesalle ne se fait pas d’illusion sur la véritable réputation de son agence auprès des TPE/PME : “Sur ce segment, on va souvent nous confondre avec la carte de paiement”. Alors, communication il doit bel et bien y avoir. Elle se déploie sur deux axes.

Que fait Amex GBT ?

D'abord, LinkedIn, réseau sur lequel GBT communique auprès de “personna”, comme on dit dans le marketing digital pour désigner des profils qualifiés. En gros, aux assistants de direction, les messages vantant les facilités qu’offre une gestion des voyages d’affaires sous-traitée. Aux DAF, les économies potentielles qu’une telle option peut engendrer.

Le deuxième axe est ô combien plus “XXe siècle” : participation à des salons, à des événements d’associations professionnelles en dehors des circuits “business travel” : dîners ou raouts en tout genre, réunissant des responsables des achats indirects, notamment.

Une troisième piste peut s'avérer profitable : la prospection téléphonique sur la base de fichiers qualifiés. Ce mode opératoire se caractérise par un taux de transformation très faible. Mais un appel sortant infructueux sur le moment peut donner lieu à un appel entrant successful 6 mois, un ou deux ans plus tard. Dès lors, il s’agit aussi de communication auprès de ce “marché diffus auprès duquel on a du mal à calculer le ROI des actions de communication”, reconnaît Antoine Delesalle.

Métro, est-ce trop ?

Au chapitre “débordement d’audience”, il y a plus spectaculaire qu’un passage sur BFM Business : ces 4x3 que Kactus vient de se payer dans le métro parisien. Certes, cette solution d’événements d’entreprise n’est pas une TMC, mais son désir de se substituer à l’assistante de direction d'une PME qui organise tel séminaire est comparable à celui d’une agence de se rendre disponible pour les utilisateurs professionnels d’outils travel grand public.

Mais pourquoi payer si cher une communication large alors qu’un ciblage serait bien moins onéreux ? Parce que, pour ce public peu mature sur ces sujets, la force de la marque est déterminante. La qualité de son service, il faudra bien en faire la démonstration à un moment ou à un autre, mais ce sera lors du rendez-vous prospect ou de la réponse à l’appel d’offres. En attendant, pour que cette opportunité leur soit offerte, il faut bien que les éventuels futurs fournisseurs que sont Travel Planet et Kactus soient contactés par ces clients insaisissables. Et, là, donc, la marque.

Les PME mais pas que

Mais il serait faux de s’imaginer que l’investissement ne repose que sur cette espérance TPE/PME. Arnaud Katz, CEO de Kactus, explique : “L’idée est que même au sein d’une grande entreprise, ça puisse être efficace : que cette communication large public crée des prescripteurs nombreux en interne”. Ou bien, comme le dit Tristan Dessain-Gelinet : “Un acheteur d’une grosse boîte ne va pas se fier à ce qui passe sur BFM Business. En revanche, certains de ses collaborateurs peuvent lui en parler.

Arnaud Katz rend à César ce qui lui appartient : “Ce n’est pas nous qui avons initié ce mouvement qui consiste à s’adresser à la multitude d’utilisateurs potentiels plutôt qu’aux quelques décisionnaires… C’est, par exemple, l’assureur Alan, ou, davantage dans nos métiers, Swile.” Appel à Anne-Carole Coen, directrice marketing de Swile, fournisseur de “tickets resto” dématérialisés, récent acquéreur d’Okarito et qui lance actuellement le service Swile Travel.

Anne-Carole Coen confirme qu’elle est adepte de cette stratégie BtoCtoB dont l’objectif est de “faire des employés des ambassadeurs d’une marque au sein de leur entreprise”. Mais elle alerte sur les limites de l’exercice : il ne peut trouver une quelconque efficacité que si le produit a d’abord été travaillé pour correspondre effectivement à ce qui compte pour ce large public : l’expérience. Or ce critère est loin d’être le plus souvent mis en avant par les solutions BT. Pour le dire vite : si l'argument est "Entreprise, tu vas faire des économies avec nous", passez-vous des spots de pub sur TF1.

C’est une obsession, pour nous, que la solution Swile Travel soit effectivement aussi fluide pour l’utilisateur que pour l’entreprise. Dès lors, on considère que ce mode de communication est adapté et autant en être sûr. Car ça coûte cher, le ROI est dur à mesurer, et se fait sur du long terme : c’est de la construction de marque”, explicite Anne-Carole Coen.

L’imagination au pouvoir

Si tant de boomers ex-gauchistes se sont épanouis dans la communication eighties, c’est peut-être que ce secteur traduisait au mieux le slogan soixante-huitard “L’imagination au pouvoir”. Fidèle à cette tradition, une opération récemment lancée par Swile sur LinkedIn : un kit pour “corrompre (son) DRH” (sic). Le joujou permet d’envoyer à son directeur des ressources humaines un mail anonyme l’incitant à basculer sur les produits Swile, comme on peut s’en douter. Marrant, malin et d’un coût qui s’élève très exactement à 3 francs-6 sous.

Autre exemple, qui nous ramène aux propos d’Antoine Delesalle concernant ces invitations “naturelles” dans les médias, privilèges des marques aussi fortes qu’Amex GBT. Swile est encore très loin d’en être là… mais y travaille ! Elle diffuse par différents canaux un journal “maison” dont seul le titre, The Daily Swile, prononce le nom de la marque. Sinon ça parle du monde du travail avec l’expertise idoine. Ca s'appelle du "thought leadership", on en apprend tous les jours, et ça marche ! Car depuis lors, l’un des boss de Swile a, sur ce sujet du monde du travail, sa chronique hebdomadaire sur (la décidément incontournable) BFM Business. “Et nous sommes en discussion pour faire la même chose dans différents titres de la PQR (presse quotidienne régionale, ndr)”. 

C’est peut-être ça communiquer auprès des PME : développer les stratégies marketing et communicationnelles les plus pointues pour se retrouver dans le Courrier picard. “Mais pour ça, continue Anne-Carole Coen, il faut que les communicants mettent leur ego dans leur poche”. Ah oui, ça, c’est un autre sujet…