Tribune JL Baroux – La crise pourrait rebooster les TMC

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Jean-Louis Baroux est un acteur reconnu du monde des compagnies aériennes, créateur du World Air Transport Forum et de l’APG World Connect.

On les croyait sur le déclin, tout au moins pour les agences de voyages physiques, celles dans lesquelles un client peut entrer et discuter avec un interlocuteur qualifié. Elles devaient être remplacées par l’utilisation massive des possibilités électroniques contrôlées par les OTA (Online Travel Agents), les sites internet des compagnies aériennes et pourquoi pas dans un futur proche par les GAFA. La récente et terrible période que nous venons de traverser, montre qu’il n’en est rien.

Les clients ont fait la douloureuse expérience de l’absence de suivi fourni par les seuls ordinateurs. Ils se sont retrouvés devant des murs électroniques qui leur renvoyaient des réponses standardisées, lesquelles n’apportaient aucune solution aux problèmes parfois cruciaux auxquels ils étaient confrontés. On peut certes regretter que les agences de voyages aient fait porter sur les seules épaules des compagnies aériennes les retards voire les absences de remboursements, alors que nombre d’entre elles se sont également servies des acomptes réglés par leurs clients pour consolider leur trésorerie. Mais l’un dans l’autre les consommateurs avaient quand même un interlocuteur à qui s’adresser, ce qui n’était pas forcément le cas pour les transactions passées au travers des OTAs, en particulier les très grands groupes internationaux.

C’est le passé et les leçons doivent être tirées aussi bien du côté des agences de voyages que des compagnies aériennes qui devront bien un jour ou l’autre trouver le moyen d’assurer la bonne fin des déplacements ou le remboursement des fonds déposés en cas de défaillance économique. Il y aura encore de nombreuses et puissantes réticences, mais si les mesures ne sont pas trouvées au sein même des institutions professionnelles, le législateur européen s’en emparera et il aura la main très lourde.

Finalement il ne serait pas surprenant que les agences de voyages classiques retrouvent un regain de réputation et de contrôle du marché futur des déplacements aériens. Elles ont pour cela plusieurs outils à leur disposition. Le premier d’entre eux reste les GDS. Dans les temps très particuliers que nous traversons, ils sont les seuls à disposer en temps réel de l’offre globale de transport aérien et, par conséquent, ils deviennent le seul moyen d’émettre des billets sécurisés quant à leur réservation et à la justification du règlement par le BSP, même si ce dernier a encore de gros progrès à faire pour contrôler les très gros émetteurs de billets. Je veux parler des grands OTAs internationaux sur lesquels on n’a que peu d’information sur leur solidité financière, leur composition de capital et le circuit de l’argent. A cet égard les contrôles de IATA sont loin, très loin, d’être parfaits.

Mais cela ne suffit pas. Encore faut-il que les clients potentiels sachent dans quelles conditions ils pourront franchir les frontières et quel accueil leur sera réservé à leur arrivée à destination, mais également à leur retour dans leur pays d’origine. La communication des Etats est erratique et elle change en permanence. Le client peut alors légitimement penser qu’il peut faire confiance au professionnel qu’il a en face de lui, plus qu’à un quelconque site internet auquel il ne pourra pas s’adresser en cas de problème.

Au fond, échaudé par les difficultés auxquelles il a été confronté pendant la pandémie, le client va maintenant rechercher un contact réel plus qu’une information virtuelle. Pour donner sa confiance au réseau d’agents de voyages, celui-ci devra faire preuve d’un professionnalisme sans faille et d’une fiabilité totale quand au cheminement de l’argent vers les compagnies aériennes. Le temps où les ventes constituaient un matelas de trésorerie est révolu. Inéluctablement les encaissements seront transférés en temps réel aux compagnies aériennes, moins la commission des agents de voyages, bien entendu. Il faudra bien alors que les compagnies reviennent au bon vieux commissionnement au moins pour les tarifs les plus rémunérateurs. Il est d’ailleurs probable qu’après la phase de reprise où l’on va voir les promotions et les tarifs stupides se multiplier, on revienne au bon sens et que les prix remontent pour couvrir l’ensemble des coûts non seulement ceux des transporteurs, mais également ceux des distributeurs. Et ce ne sera que justice. Après tout, les clients doivent apprendre eux aussi que tous les services doivent être rémunérés et que c’est en fin de compte à eux de les payer.  

Les agences de voyages traditionnelles devraient retrouver des couleurs et c’est tant mieux pour les clients mais également les fournisseurs de services.